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EEE, août 2014

Publié le Sep 15, 2014

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Le  Monday, September 15, 2014

Rapprocher enseignants et entreprises

EEE août 2014, LA

  • Entretiens Enseignants Entreprises 2014 : La croissance en question(s)

     

    Mardi 26 Août 2014- 16h30-17h30

    Table ronde animée par Soazig Le Nevé (AEF : Agence Éducation et Formation) :

    Rapprocher enseignants et entreprises : quels sont les enjeux ?

     

    Intervenants :

    Jean-Michel Blanquer (Directeur général du groupe ESSEC)
    Philippe-Pierre Cabourdin (Recteur de Reims)
    Frédéric Carluer (Inspecteur général de SES)
    Yann Delabrière (PDG de Faurecia)
    François Germinet (Président de l’université de Cergy-Pontoise)
    Jean-Michel Paguet (Inspecteur général d’économie gestion)

     

    Une synthèse de la table ronde a été effectuée par Patrick Artus (Chef économiste Natixis, Universitaire Panthéon Sorbonne).

     

    Soazig Le Nevé : Quels sont les enjeux du rapprochement entre enseignants et entreprises ?

     

    Philippe-Pierre Cabourdin : on peut voir trois enjeux :

    • Rapprocher l’offre et la demande d’emploi
    • Préparer la carte des formations, étudier quels seront les besoins qualitatifs des entreprises d’ici cinq ans, s’adapter aux besoins des entreprises. Par exemple pourquoi existe-t-il autant de bacs professionnels alors que le nombre de branches dans l’économie est inférieur ? La segmentation est trop forte en ce qui concerne les bacs pros.
    • Changer la pédagogie. L’académie de Reims a pour objectif de développer l’esprit d’entreprendre. Il faut aborder les élèves, les enseignements autrement, par exemple travailler sur une mini entreprise, entre plusieurs disciplines, plusieurs niveaux.

     

    Yann Delabrière : dans la relation entre entreprises et établissements scolaires on a une coupure entre la pratique universitaire où les liens sont nombreux et l’enseignement secondaire où il n’y a pas de réelle capacité à travailler avec les entreprises.

    Soazig Le Nevé : Soutenez-vous la proposition du Medef de co-construction des diplômes ?

    Yann Delabrière : nous avons besoins de travailler ensemble, d’améliorer l’employabilité, d’avoir une main d’œuvre en adéquation avec les besoins de l’entreprise. Le monde de l’entreprise n’est pas assez structuré pour exprimer son point de vue, il faudrait une expression par branche. On constate que l’alternance et l’apprentissage ont davantage de succès dans l’enseignement universitaire que dans l’enseignement professionnel.

    Soazig Le Nevé : Comment les 14 commissions professionnelles consultatives (CPC) participent-elles à la co-construction des diplômes ?

    Jean-Michel Paguet : Ces commissions étudient les métiers et la pertinence des diplômes tels que les CAP, BEP, bac Pro et BTS. Elles définissent un référentiel de compétences et un référentiel de certification. Aujourd’hui la durée de vie d’un diplôme est d’environ dix ans. Il s’agit d’évolution des flux. L’évolution des besoins en qualifications n’est pas assez quantifiée malgré les travaux du Céreq. Il y a une autre difficulté : le degré d’adéquation entre le diplôme et les besoins des entreprises. Le risque est de trop multiplier le nombre de diplômes, d’avoir beaucoup de diplômes professionnels et en même temps trop généraux. En conclusion, dans les CPC, la co-construction existe, elle est efficace qualitativement cependant il manque des informations quantitatives pour bien articuler formation et emploi.

    Soazig Le Nevé : Quels seront les besoins en qualifications dans cinq ans ?

    Yann Delabrière : Ce n’est pas la tâche du Ministère de l’éducation nationale de former à un emploi précis pour des raisons simples : les métiers évoluent à cause des évolutions technologiques et des besoins spécifiques des entreprises. Il faut réfléchir en compétences-clés plutôt qu’en métiers. La question  pertinente est de savoir quelles seront les compétences qui permettront sur un horizon de dix-quinze ans d’entamer une carrière professionnelle. Il faut avoir des capacités d’évolution, d’adaptation, d’employabilité et l’esprit d’entreprendre. Il faut apprendre d’abord à se gérer soi-même. L’entreprise forme ensuite à un poste précis, puis reforme en fonction des technologies.

    Soazig Le Nevé : Quel rôle pour la filière ES et les programmes de SES dans cette perspective ?

    Frédéric Carluer : La filière ES a le devoir d’orienter au mieux les futurs étudiants dans l’enseignement supérieur. La filière ES est celle qui « s’éparpille le plus » sans connotation négative : sociologie, AES, économie-gestion, LEA, droit, prépa ECE… Le capital humain est le plus dilué. Il est nécessaire de ne pas être dans une spécialisation importante dans le secondaire puisque les trajectoires dans le supérieur sont très diverses.

    Soazig Le Nevé : Peut-on envisager un rapprochement éco-gestion-SES ?

    Frédéric Carluer : À chaque filière, ses enseignements et méthodes. La filière ES s’appuie sur des savoirs généraux : économie générale, sociologie et science politique.  La filière STMG transmet des savoirs plus techniques d’économie, de gestion et management.

    Soazig Le Nevé : Et vous Monsieur Blanquer, comment envisagez-vous le lien entre enseignants et entreprises ?

    Jean-Michel Blanquer : les 14 CPC sont efficaces car il existe une forte hétérogénéité entre les métiers. Dernièrement cette efficacité s’est traduite par 4 spécialités pour le bac STI2D au lieu de 17 spécialités auparavant.

    Soazig Le Nevé : Et à l’université ?

    François Germinet : Dans le recrutement des professeurs on a l’importance du numérique, l’initiation au monde de l’entreprise. Les stages pour les enseignants ne devraient pas avoir lieu uniquement dans des établissements scolaires.

    Soazig Le Nevé : Faut-il imposer un stage en entreprise à tous les futurs enseignants ?

    Yann Delabrière : Il ne faut pas forcément rendre obligatoire ce type de stage. Il ne faut pas oublier que le cycle de licence a une ouverture sur le monde de l’entreprise donc les « jeunes » profs ont effectué au moins un stage en entreprise quand ils étaient étudiants. Il faut surtout former à des compétences. La révolution copernicienne c’est l’apprentissage du savoir plutôt que le savoir lui-même.

     

    Bilan de cette table ronde :

    Patrick Artus : En France on a un problème culturel : nous avons très peu d’information sur les performances universitaires, sur ce que deviennent tous les étudiants passés par telle fac. Il faut travailler en commun. Des progrès considérables ont été effectués en ce qui concerne le lien entreprise/université. Le problème réside dans le lien entre la formation professionnelle et l’entreprise. En effet, la France est le pays ou il y a le plus d’inadéquation (un mismatch) entre l’offre et la demande d’emplois. On a aujourd’hui un million d’offres non satisfaites.

    Le désastre absolu est le système de formation professionnelle : les travaux de la Cour des comptes ont montré que l’État a fait des dépenses considérables (30 milliards) alors que l’on diminue la probabilité de trouver un emploi des élèves quand ils sortent de la voie professionnelle.

    Pour les stages des enseignants, on peut se demander s’il n’est pas préférable d’avoir un stage d’une année, un droit sabbatique pour effectuer un stage long en entreprise.

    Enfin, sur les modes d’enseignement, on peut se demander s’il faut en changer (voir notamment les travaux de Yann Algan). En France on a un modèle vertical où le savoir se transmet du maître vers les élèves. Le modèle finlandais est un modèle davantage méthodologique et coopératif : il ne s’agit pas d’apport de connaissances mais d’apprendre des méthodes.

     

    Pour en savoir plus :

    • La fabrique de la défiance...et comment s'en sortir, Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, Albin Michel, 2012.