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2014

Publié le 17.12.2014

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Le  Mittwoch, 17. Dezember 2014

Gouvernance zone euro

Cr Jéco 2014. N. Fabre

  • Jeco 2014

     La zone euro peut-elle être gouvernée ?

    Compte rendu de Nancy Fabre

     

    Intervenants de la table ronde :

    • Michel Aglietta (Professeur émérite à Paris X Nanterre, enseignant à HEC, Conseiller scientifique au CEPII)
    • Henri Sterdyniak (Directeur du département économie de la mondialisation de l’OFCE)
    • Steve Ohana (Professeur à l’Escp Europe)
    • Antonin Aviat (Trésor, chargé des affaires européennes)

     

    Modérateur : Vincent Giret, Le Monde

     

    Résumé des interventions et des réponses aux questions de la part des intervenants

     

     

    Michel Aglietta : Où en est la zone € ?

     

    L’Europe dans un marasme autoentretenu = pas de forces spontanées pour en sortir car demande insuffisante à détériore production donc pas de mécanisme endogène de sortie. Lien ? Baisse investissement productif.

    Autre raison : incomplétude de € et donc gouvernance politique (notamment budget) entre Etats qui ont des intérêts contradictoires qui vont vers des compromis difficiles sans légitimité démocratique.

     

    Nécessité d’un grand programme d’investissement public en euro : le contexte actuel fournit d’excellentes conditions = coût très bas (investissements rentables faciles à trouver, qui ne seront pas source d’aggravation de déficit car sous accumulation du capital donc la demande est certaine pour ces programmes d’investissement) 300 milliards en 3 ans avec effet de croissance endogène sur le long terme car cet investissement public devient complémentaire de privé. À financer (idée Cepii) à programme européen à financement européen. Mais le secteur privé n’en a pas les moyens à créer une intermédiation financière nouvelle (fonds européen d’I) qui serait capitalisé par l’ensemble de l’Europe (via budget euro), lequel fonds pourrait émettre des obligations (multiple important environ de 8) qui peuvent financer des financeurs (private equity en DD par ex). Ceci lui semble indispensable pour reprise de l’investissement. CF Plan Juncker, novembre 2014.

     

    Depuis 2012, on assiste à une avancée de la coordination (le traité d’union budgétaire a imposé une stabilité de moyen terme donc vision à moyen terme) mais encore insuffisante = carcan de règles qui n’ont pas été négociées à cela n’a pas fonctionné car tout le monde a choisi l’austérité qui est cause du marasme aujourd’hui.

    Passer à une coordination active décisionnaire = trésor européen cad instance fédérale de budget (comme ce que l’on a dans le volet monétaire). Les allemands vont finir par comprendre qu’ils ont besoin de l’Europe et cela permettra d’enrichir la gouvernance. Des évaluations publiques ont été créées pour avoir une analyse commune de la situation et mettre les infos et les décisions en réseau avec un institut budgétaire européen (comme l’ex-IME préalable à l’€). L’évaluation pourrait être discutée par une conférence des parlements nationaux pour donner un peu de légitimité démocratique aux décisions qui émaneraient suite au diagnostic commun.

     

    Questions :

     

    • Peut-on encore emprunter ? Oui car ce serait l’Europe et non les Etats qui serait la source d’une intermédiation amorçant la « pompe » des emprunts et investissement privés,
    • Position sur remise en cause € ? Scénario possible et plus dangereux qu’au moment de la crise -> crise sociale et politique : danger nationalisme (France), fractionnement (Espagne), détérioration de la perception du bien commun qu’est le fait d’appartenir la zone €. Pays susceptibles de suivre cette proposition d’I collectif européen ? Oui solution est ce pour quoi l’Europe est faite. Il s’agit d’investissements structurants qui sont la solution envisagée par les grandes instances internationales (FMI, FED, OCDE)

     

     

    Steve Ohana : Etat des lieux union monétaire européenne

     

    On a de fausses croyances sur origine de la crise (dette publique trop élevée, pas assez de réformes) et donc sur les solutions de sortie de crise. Remonter il y a 10 ans : politique de cavalier solitaire de l’All (compétitivité salariale) avec dans la périphérie une hausse des coûts unitaires du travail (Espagne, Italie) à épargne massive allemande et endettement privé périphérie = déséquilibre.

    En 2008, la dette privée a été jugée insoutenable (Grèce cas à part) à arrêt des déficits courants espagnols, italiens à crise de demande dans la périphérie et pas de mécanismes de transferts européens. Il y avait solution du boom de demande et inflation en Allemagne ou solution de la dépression dans la périphérie. On a choisi la deuxième solution (déflation par la dette qui asphyxie la demande : Fisher).

    Il estime que c’est l’Allemagne qui a imposé ses choix : comme idéologie bloque sur les déficits et pas de besoin de relance à a interrompu les mécanismes qui se sont mis en place ailleurs pour relancer l’activité. Il pense qu’aujourd’hui ce problème de poids politique persiste.

     

     

    Henri Sterdyniak : Quid de la gouvernance de la zone € ?

     

    Non, la zone € ne peut pas être gouvernée pour des raisons théoriques et empiriques.

    Théorie : pas de monnaie commune tenable entre pays très différents (structure économique, idéologie) sans mécanismes de solidarité entre nations (le Nord ne va pas payer pour le Sud qui ne veut pas être entretenu par le Nord) ; la coordination n’a pas été organisée mais on a posé des règles arbitraires, stupides et inapplicables en période de difficulté économiques.

    Et les marchés ont un pouvoir sur les Etats car la BCE ne peut garantir les dettes publiques. Ils critiquent aussi les caractéristiques antidémocratiques et inefficaces des institutions et décisions européennes. Plus de fédéralisme aujourd’hui c’est risqué car c’est aller vers plus de libéralisme car nos élites technocratiques ne sont pas réalistes, voire dangereuses.

     

     

    Antonin Aviat : Il est d’accord avec l’essentiel de ce qui a été dit. Mais il n’en tire pas les mêmes conséquences en termes de politique éco.

    Retour sur la gestion de la crise de la zone€ :

    • l’Allemagne a imposé ses règles à Espagne/Italie/France = un regard possible mais il pense que face à l’urgence il y a eu un équilibre satisfaisant.
    • Pour ce qui est du cas de la Grèce = gestion insoutenable des finances publiques à le premier pays à tomber ce qui a cristallisé les analyses sur les finances publiques.
    • Quand vient le tour de l’Irlande cela vient surtout de l’explosion de la bulle immobilière avec partout l’impression que le problème était un problème de finances publiques (car il a fallu intervenir pour les banques ce qui a grevé les budgets publics).

     

    En façade il y a bien eu une action sur le renforcement de la gouvernance des finances publiques : amélioration des règles malgré un cadre très contraignant. Mais on a des outils de gestion des déséquilibres macroéconomiques avec une procédure de suivi des déséquilibres (par exemple les différentiels de compétitivité, spillover cad effet de diffusion des politiques des uns sur les situations macro des autres).

     

    Ces outils n’existaient pas avant 2007 ; aujourd’hui c’est un vrai garde-fou. Les mécanismes de solidarité et d’assistance financière viennent compenser la clause de non bail out (un Etat n’a pas le droit de se substituer à un autre). L’union bancaire impose au secteur bancaire de s’auto-assurer et d’éviter ce qui est arrivé à Chypre, notamment. De plus, il existe maintenant une meilleure architecture macro prudentielle (supervision de différents segments financiers). Oui, l’écueil du système actuel est bien que l’on a une gouvernance en forme de théorie des jeux (Aglietta) et il faut arriver à faire émerger des institutions légitimes pour juger des politiques nationales à l’aune du bien public de la zone euro.

     

     

    Réaction d’Aglietta aux interventions de Sterdyniak et Aviat:

     

    Il revient sur le fait que dans les pays victimes de la rigueur, il y a une vraie déflation. Il ajoute que le politique permet de transformer des choses (réponse à Sterdyniak) par exemple la mise en place de l’Union bancaire qui révèle le fait que les Etats veulent rester dans l’€ et le sauver envers contre tout (préférences révélées).

     

    Réaction de Sterdyniak : les politiques de coopération se font dans un cadre qui interdit la coopération car les règles s’appliquent individuellement -> nécessité d’un nouveau traité.

     

    Réaction d’Aglietta : il insiste sur le fait que l’erreur c’était que la finance soit considérée comme le pivot de la coordination budgétaire.

     

    Sterdyniak, suite :

     

    Il ne croit pas à l’idée d’une monnaie commune. Trois solutions lui semblent possibles :

    1. Laisser l’€ aller tel qu’il est = problème car ne fonctionne pas bien et ne permet pas une stratégie de politique économique. Le fédéralisme technocratique n’est pas une solution.
    2. Dislocation de l’€ qui obligerait les Etats à assumer les conséquences de leurs choix économiques (Ex surévaluation monétaire de la monnaie allemande) : déresponsabilisation des politiques nationales qui n’est pas envisageable car coût énorme.
    3. Changer les choses et les modes de coordination européens. Améliorer l’union bancaire (séparation des banques de dépôt et des banques d’affaire). Il faut imposer une rupture politique pour éviter ce qu’il appelle le « triomphe du libéralisme ». Donc il souhaite la crise politique qui conduira à ces mutations pour éviter une crise sociale, économique et sociologique.

     

    Réaction d’Aviat : Il y a un lien entre commission et élections européennes. La commission n’est pas inerte : elle a commencé à parler d’une union bancaire bien avant que cette solution émerge dans le débat. Il cherche à défendre le travail de la commission européenne.

     

    Réaction d’Ohana sur les 3 solutions de Sterdyniak : OK pour dire qu’elles existent. Il faut les hiérarchiser : il y a eu longtemps la priorité €/statu quo/dislocation. Il pense que pour faire bouger l’Allemagne il faut inverser dislocation et statu quo et donc qu’il faut préparer des plans de dislocation pour envoyer un signal de crédibilité  à l’Allemagne.

    De plus, il pense qu’il faut dépasser le clivage gauche/droite pour reconnaître ce qui marche et ce qui marche pas : S. Abe est à droite mais mène une politique de relance pour répondre à un problème de demande. Idem, Cameron laisse la banque centrale faire une forte hausse de la masse monétaire.

    Il est inquiet car il pense que les responsables politiques n’ont pas compris qu’il faut résoudre la déflation (qui va aggraver la soutenabilité de la dette) = avoir un seul objectif mais avec un bon diagnostic (et ne plus se focaliser sur la crise de la dette).

     

    Réponse de Aviat : ok pour l’idée d’avoir une arme de dissuasion mais c’est extrêmement déstabilisateur (cf référendum appartenance zone € qui gèle tout jusqu’au référendum) et notamment la pression des marchés financiers qui serait accrue avec une vie au rythme des référendums nationaux. Il pense qu’il faudrait plutôt générer l’émergence d’un débat européen en arrêtant d’avoir des prises de décisions nationales avant la concertation européenne (Merckel et son mandat imposé par le Bundestag). Arrêter de se contenter du second best.

     

    Question sur le Luxembourg et sa politique fiscale « déloyale et cachée » à A. Aviat : il y a une limite à la gouvernance à l’unanimité. Cela évite la coopération car le Luxembourg dispose d’un droit de veto pour sauvegarder sa politique de passager clandestin à lui permet de récuser la parallélisme fédéralisme/libéralisme en réponse à Sterdyniak. Il montre que le problème est le même pour la discussion sur les questions sociales.