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2016

Publié le 16 nov. 2016

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Le  mercredi 16 novembre 2016

Santé / travail

Jéco 2016. L. Auffant


  • Jéco, Mercredi 9 Novembre 2016, 11h – 12h30 
    Salle Rameau, Lyon
    Vidéo de la conférence : http://www.touteconomie.org/index.php?arc=v59

     

    Santé et performance au travail : quel rôle pour le management ?

     

    Intervenants :

    Philippe Barret, Directeur Général, Groupe APICIL
    Émilie Bourdu-Szwedek, Chef de projet à La Fabrique de l'industrie, co-auteur de La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité, Refonder les organisations du travail, Presses des mines, 2016 (extrait consultable : http://www.pressesdesmines.com/media/extrait/QualitVieTrav.pdf)
    Olivier Mériaux, Directeur adjoint et directeur technique et scientifique de l'Anact (agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail)
    Guillaume Soenen, Professeur à l’EMLyon business school, titulaire de la chaire Apicil Santé et Performance au Travail

     

    Modérateur : Guillaume Cornu, étudiant à l’EMLyon

     

    Présentation dans la plaquette des Jéco :

    L’espérance de vie en bonne santé est estimée à 61,4 ans dans l’Union Européenne (source : Eurostat). C’est un âge inférieur à celui du départ à la retraite ! Le Capital Santé, agrégat de santé physique, santé mentale et satisfaction, potentialise – au sens de rendre possible et/ou de limiter – la productivité du capital humain. Il doit être considéré comme un réel investissement pour les salariés, pour l’entreprise.

    Mais quels sont les déterminants du capital santé ? Comment agir ? Comment se mobiliser ? Un panel composé de chercheurs, d’experts et de dirigeants discutera du lien entre la santé au travail et la performance collective. Le rôle du management fera l’objet d’une attention particulière.

     

     

    Compte-rendu des exposés des intervenants intégrant les réponses aux questions de l’auditoire

     

    Guillaume Soenen :

     

    Quelques statistiques sur l’espérance de vie en bonne santé montrent qu’en fin de vie active, les individus sont en mauvaise santé. Selon le BIT, les accidents du travail et les maladies professionnelles « coûtent » environ 4 % du PIB mondial. En France, les personnes satisfaites du traitement de la question de la santé et de la sécurité au travail sont moins nombreuses (80%) que dans l’UE (85%). Cette différence ne semble pas liée au caractère râleur des Français mais à un écart de consultation dans les entreprises sur la santé et la sécurité au travail (en moyenne 62 % de personnes consultées dans l’UE contre 50 % en France). En France, le coût total des accidents du travail et des maladies professionnelles serait compris entre 2,05 et 3,24 milliards d’euros en 2013. Quelles solutions ?

     

    Il faut dépasser l’approche par les risques psychosociaux qui est une notion défensive, et remplacer cette notion de risque psychosocial par le capital santé (il potentialise le capital humain, il se multiplie plus qu’il ne s’additionne : capital santé x capital humain). Ce capital santé a trois dimensions :

    -          la santé physique : santé physique générale, sommeil, endurance
    -          la santé psychologique : vitalité cognitive, mémorisation, attention
    -          le bien-être : satisfaction, équilibre émotionnel.

    Les investissements pour la santé et la sécurité au travail produisent un rendement moyen de 2,24 (un euro investi apporte un gain moyen de 2,24) à travers : l’image de l’entreprise, les innovations de produit, l’amélioration dans la qualité des produits, la hausse de la motivation des travailleurs, la réduction du temps de retour à la normale suite à une disruption, la prévention des disruptions.

     

                Quel est le rôle pour le management ?

    1)      aller au-delà des risques psychosociaux (RPS)
    2)      investir dans le capital santé
    3)      se préserver afin de pouvoir préserver autrui : un manager stressé est stressant. Il faut donc aussi s’occuper de soi. Attention à ne pas aller vers le sur-engagement qui conduit au burn out.

     

    Émilie Bourdu-Szwedek :

     

    Quelques résultats de l’étude récente de la DARES sur les conditions de travail en France[1] :

    -          quelle que soit la PCS l’autonomie régresse : les supérieurs hiérarchiques indiquent comment effectuer le travail
    -          la monotonie des tâches s’accroît pour toutes les PCS, mais plus encore pour les ouvriers
    -          la part des salariés qui déclarent pouvoir influencer les décisions qui sont importantes pour leur travail est plus basse en France (31 %) que dans l’UE (40%), qu’en Allemagne (38%) ou au Royaume-Uni (45%).

     

    Les organisations sont très tayloriennes, très hiérarchisées ce qui va à l’encontre de la recherche de l’accroissement de la compétitivité hors-prix[2].

    En effet, l’implication dans la prise de décision stimule le bien-être, l’engagement, la performance. Quelques résultats d’une enquête Gallup[3] : les unités productives placées dans le quartile le plus haut en termes de score d’engagement pour la qualité de vie au travail (QVT) ont 37 % de moins d’absentéisme, 48 % de moins d’accidents du travail et 21 % de plus de productivité que les organisations du dernier quartile.

    L’autonomie est le vecteur de bien-être et de performance (réf. Gillet et alii[4]) à travers trois dimensions qui peuvent se cumuler (voir tableau ci-après) :

    -          les tâches (lean management)
    -          la coopération (entreprise « libérée »)
    -          la gouvernance (entreprise « responsable »)

     

    Tableau : les trois dimensions de l’autonomie au travail

     

    Tâches

    Coopération

    Gouvernance

    Pouvoir définir ses tâches

    Pouvoir influencer son environnement organisationnel et collectif

    Pouvoir s’impliquer dans la gouvernance de son entreprise

    Intervention sur le séquencement, la méthode d’exécution, le rythme de travail, les outils utilisés…

    Implication dans l’amélioration de l’organisation du travail de son équipe, capacité à influer sur les décisions, les modes de coopération dans le travail…

    Rôle et place du dialogue social, mise en œuvre d’un mode de management participatif, présence de représentants des salariés dans les organes de gouvernance…

    « Lean management »

    Entreprise « libérée »

    Entreprise « responsable »

     

    Source : La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité, Refonder les organisations du travail, Presses des mines, 2016 (page 137)

     

    Quand davantage d’autonomie est donnée aux travailleurs, la confiance est primordiale. Actuellement en France, le problème est que les managers sont happés par des tâches de reporting et de réunion. Il est nécessaire de passer à une transition vers le management de proximité : moins de contrôle, plus de coaching et d’accompagnement. Le manager de proximité doit animer le dialogue professionnel, il doit discuter des pratiques professionnelles.

    Un exemple d’entreprise posant des clôtures dans le Poitou a changé radicalement de modèle : fin du contrôle, fin des injonctions, managers désignés par les pairs (= ouvriers). On a donc davantage d’autonomie, d’horizontalité.

     

    Olivier Mériaux :

     

    (Re) manager le travail est impératif pour créer de nouveaux équilibres durables entre QVT et performance. Il faut repenser le management du travail car les managers sont de plus en plus éloignés du travail, du quotidien, du terrain.

     

    Les liens entre management et conditions de travail ont changé en France depuis les années 2000.

    -          dénonciation : ex : loi sur le harcèlement moral (2002), EAE et stress[5] (Cour de Cassation)
    -          déni
    -          stigmatisation des managers (ex : ANI stress[6], plan Darcos)
    -          émergence de la QVT (2012, rapport Gollac[7]) La notion de QVT remplace celle des RPS.
    -          expérimentation de nouvelles approches : ANI QVT (2013), entreprise libérée (2014)

     

    Les liens entre le management et les conditions de travail : deux scènes qui s’ignorent

    Les managers de proximité sont en première ligne, ils sont entre le marteau et l’enclume. Ils sont pris dans des injonctions contradictoires : d’une part, une prise d’initiatives leur est demandée mais d’autre part les cadres d’organisation sont très structurés. On a un déficit profond de confiance dans les organisations des relations de travail. Le dialogue social s’inscrit dans des scènes formelles et porte peu sur la réalité.

    Des alternatives sont proposées : le « lean » management, l’entreprise libérée (I Getz[8]), l’entreprise responsable, le management agile, l’intra-entreprenariat. On a aussi le retour du management participatif.

     

    Les trois composantes du management au travail :

    1)      travail de management du manager (paradoxalement les écoles de management forment de moins en moins au management, et dans les écoles d’ingénieurs, les enseignements en humanités ont décru, les ingénieurs ne sont pas préparés à manager des équipes)
    2)      le soutien organisationnel
    3)      la gouvernance et le dialogue social ancrés sur le travail

     

    Principes clefs du management du travail :

    1)      repositionner le management
    2)      rapprocher le processus de décision du terrain (principe de subsidiarité)
    3)      développer une autonomie sécurisée et managée
    4)      soutenir et accompagner les managers de proximité
    5)      agir simultanément sur le dialogue professionnel et le dialogue social

     

    Philippe Barret :

     

    APICIL est une entreprise de prévoyance-santé, c’est une ETI d’environ 2 000 collaborateurs.

    La réflexion porte sur la santé collective c’est-à-dire au sein de l’entreprise et sur la santé de l’entreprise elle-même (programmes « ambition santé »). La QVT n’est pas un objectif mais un bénéfice collatéral en vue d’obtenir une performance sociale et économique. L’entreprise est une communauté de personnes poursuivant un objectif, créant des valeurs au sens large. Dans une communauté, la confiance est primordiale. La majorité du temps d’éveil est passé dans le travail. Notons tout de même que les personnes en moins bonne santé ne sont pas les travailleurs mais les chômeurs.

    APICIL propose des horaires variables, des salles de repos. Les programmes mis en place ont porté leurs fruits : le CA a été multiplié par deux en cinq ans, l’entreprise a reçu le Grand Prix France Qualité Performance début 2016.

     

     

    Exemples de l’expérimentation « pepit » (= partager ensemble pour innover dans le travail) :

    • Ex 1 : une équipe voulait partir avant la fin de la plage fixe (ce qui demandait d’aller à l’encontre d’un accord d’entreprise, cependant cette demande émanait d’une équipe de travailleurs). Résultat après le changement d’organisation : productivité doublée par rapport à d’autres équipes.
    • Ex 2 : une équipe de gestion des flux numériques (personnes qui vérifient que les ordinateurs ont bien lu les documents, les redistribuent par service) a choisi de parcelliser les tâches afin de partir le vendredi à midi. L’initiative dans l’organisation des tâches a conduit à des résultats positifs même en ayant parcellisé les tâches (mais à la demande des travailleurs).

     

    Ce type de solution ne s’applique pas nécessairement partout car les individus sont différents. Ces solutions ont besoin de temps afin que les entreprises, les salariés, les managers prennent conscience que c’est gagnant-gagnant.


    [1] Pour en savoir plus : DARES Analyses, mars 2013.
    [2] France stratégie, 2017 /2027 Compétitivité : que reste-t-il à faire ? Note d’analyse, mars 2016, en particulier : « la compétitivité hors prix des entreprises est insuffisante. Plusieurs problèmes freinent ses progrès : un déficit de compétences dans la population active, des déficiences du management des entreprises, la trop faible diffusion du numérique au sein du tissu productif, la complexité d’un cadre réglementaire insuffisamment propice au développement des jeunes entreprises innovantes. »  http://employeeengagement.com/wp-content/uploads/2013/04/2012-Q12-Meta-Analysis-Research-Paper.pdf [3] http://employeeengagement.com/wp-content/uploads/2013/04/2012-Q12-Meta-Analysis-Research-Paper.pdf [4] Pour en savoir plus : Gillet N, Fouquereau E, Brunault P, Colombat P, 2012, « The impact of organizational factors on psychological needs and their relations with well-being », Journal of Business and Psychology, 27, pp. 437-450.
    [5] EAE : European Association of Echocardigraphy : organisation qui a établi un lien entre le stress et les maladies cardiaques.
    [6] ANI : accord national interprofessionnel
    [7] Rapport Gollac (« Mesurer les facteurs pychosociaux de risque au travail pour les maîtriser ») téléchargeable à : http://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/prevention-des-risques/risques-psychosociaux/actualites/article/mesurer-les-facteurs-psychosociaux-de-risque-au-travail-pour-les-maitriser [8] Isaac Getz et Brian M Carney, Liberté & Cie, Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises, Flammarion, 2016.