"La philosophie en lycée professionnel ? Mais, vous n’y pensez pas ?". Et bien si, justement, et comme il n’y a qu’un pas de la pensée à l’action, c’est ce que le lycée professionnel Vincent de Paul à Avignon a fait. Depuis trois ans maintenant la philosophie est enseignée dans l'établissement. Cet enseignement s’adresse à l’ensemble des classes de terminales sur un volume d’une heure par semaine.

Auteur de la contribution : Philippe CHIRON, enseignant Lettres-Histoire
et Philosophie au lycée Vincent de Paul à Avignon

La philosophie comme nourriture au quotidien

Pourquoi la philosophie pour des lycéens qui ne l’ont pas au programme de terminale bac pro? En tant que parents, hésiteriez-vous à donner la meilleure des nourritures à vos enfants ? Pas un moment, n’est-ce pas ? Et bien, c’est ce raisonnement qui a motivé notre démarche M. Cagnolo, notre directeur, et moi-même. Passionnés tous les deux de philosophie, nous avons voulu partager avec nos élèves ce qui nous semble être la plus belle des nourritures spirituelle et pratique - la philosophie. Limiter l’enseignement de la philosophie à des élèves de bac général ou de la proposer qu’a d’autres spécialistes de la discipline, c’est comme si un boulanger ne faisait du pain que pour d’autres boulangers. Pourquoi la France ne permettrait-elle pas à tous ses citoyens d’avoir un enseignement de la philosophie ? Ainsi, nous avons souhaité répondre à ce besoin.

Travail sur l’image pour éclairer le texte

Sur quoi porte notre enseignement ? Nous avons choisi une thématique annuelle autour de laquelle nous construisons nos séances - L’Illusion et les objets - Thématique Platonicienne comme vous pouvez le constater. Nous travaillons beaucoup avec les images (œuvres d’art, photos, saynètes vidéo, publicités), mais aussi avec la musique (baroque, classique, Jazz, électronique, etc.), auxquelles nous associons toujours un texte d’un philosophe ou de littérature. Le texte éclaire l’image, comme l’image le texte. Pourquoi procédons-nous ainsi ? Nous ne voulions pas une approche de la philosophie telle qu’elle est  pratiquée en série générale. Nous risquions de ne pas répondre aux attentes de nos élèves. Ils ont besoin de goûter les concepts par d’autres moyens. Et c’est là que l’image nous sert d’accroche, de point d’ancrage pour aborder des notions plus complexes.

Les objets de la technologie et disparition possible du sujet humain

L’Illusion et les objets - Les objets sont là à propos d’une réflexion générale sur le sujet humain et sa disparition possible. Derrière l’objet, c’est toujours le sujet humain qui se dessine en filigrane. La méthode d’analyse reste simple, il s’agit pour nos élèves de décrire ce qu’ils voient. Le signe précède toujours le sens. La description des signes reste essentielle et première, et cette méthode rassure les élèves quant à leur capacité à mettre des mots sur des choses simples. Description méthodique d’un tableau, d’une sculpture, d’une publicité, d’une photographie, etc. Cette description des signes de l’image fixe ou en mouvement est le premier moment d’une réflexion sur les objets et leur symbolique, mais aussi sur le sens qu’on leur donne.

Travail avec la vidéo pour aider les élèves dans leur milieu professionnel

Nous travaillons beaucoup avec la vidéo, nos élèves peuvent défendre un projet, une idée, une passion, un devant un public ou face à une caméra. Pourquoi procédons-nous ainsi ? Parce que nos élèves sont en contact direct avec le public lors des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP), il est donc fondamental qu’ils sachent argumenter et défendre méthodiquement leur action. Nous travaillons sur l’analyse de l’image et sur leurs prestations à l’écran. Cela aide nos élèves à gérer leur stress et leur angoisse face à un public. Mais, elle aide aussi nos élèves à travailler sur la posture. C’est sur cette dernière qu’ils seront « jugés » en milieu professionnel. La posture, c’est toujours ce que je montre aux autres, alors même que je n’ai prononcé aucun mot.
La philosophie embrasse l’ensemble du champ anthropologique et nous ne privons pas nos élèves de ce champ-là. Tant sur le plan des œuvres abordées que sur l’évocation de la psychanalyse, de la sociologie, de l’histoire, de la science et des sciences humaines en général. Nous donnons des clés à nos élèves et nous leur ouvrons des portes. C’est à eux d’aller visiter le monde et d’en décoder le sens avec les outils que nous leur donnons.  

Par le mythe nos élèves ont accès au sens caché au cœur du récit

Travail Platonicien, comme nous l’évoquions plus haut. Lever le voile sur le sens des choses en partant des signes de cette chose. Simple non ? C’est là que le travail sur la symbolique prend tout son sens. Symbolique qui est toujours le sens caché derrière l’apparence de la chose. Une étude de l’œuvre d’Homère et d’Ulysse a permis à nos élèves de découvrir les mythes et les figures héroïques qui sous-tendent nos représentations du monde. Par le mythe nos élèves aiment avoir accès à ce sens caché au cœur même du récit.

Oui, simple à partir du moment où nos élèves sont en confiance pour prendre la parole et dans le mesure où ils sentent qu’ils peuvent s’entendre sur les signes. Car s’entendre sur le sens, là, c’est plus délicat ! C’est ici qu’intervient le dialogue entre nos élèves et avec l’enseignant. Description des signes, travail sur l’analyse, le sens et la symbolique, discussions entre les élèves, puis retour à l’œuvre ou au texte, voilà comment se déroule une séance.

Nous avons présenté notre projet lors de la  Journée Académique de le Pédagogie qui s’est déroulée le 24 mars 2018 à Gardanne et nous avons eu la joie de voir notre action auprès des élèves récompensée. Ce fut un bonheur de l’annoncer à toute l’équipe et à nos élèves qui l’ont accueilli comme une reconnaissance de leur implication et de leur enthousiasme pour la philosophie.  

M. le Recteur visite le stand du lycée Vincent Paul d'Avignon lors de la JAP