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Liens citoyens

Publié le 6 mai 2020

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Le  mercredi 6 mai 2020

Lettre à nos amis Italiens pour qu’ils nous conservent leur amitié

Article réalisé par Gérald ATTALI, IA-IPR HG

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    Lettre aux amis Italiens pour qu’ils nous conservent leur amitié

     

     

    Sommes-nous à l’abri des effets néfastes qui résultent des clichés, des représentations, des idées que nous nous faisons de nos voisins ; même quand ils nous sont très proches comme nos amis italiens. Avec le recul, on perçoit l’effet désastreux qu’a suscité notre attitude à leur égard. Car, quand la crise sanitaire a débuté en Italie, et avant qu’elle ne touche la France, combien d’entre nous peuvent prétendre qu’ils n’ont pas regardé avec un peu de condescendance ce qui lui arrivait. Et, combien aujourd’hui, tout aussi nombreux, se mordent les doigts en se disant qu’ils auraient dû faire preuve de davantage d’écoute, de bienveillance et d’amitié à son égard, quand elle appelait « au secours ! » et que l’on n’a pas toujours su l’entendre. Condescendance ? Sans doute ! Celle-là même qu’alimentent toutes ces idées reçues qui nous conduisent à trouver nos amis italiens pas assez civiques, trop peu disciplinés au point de ne pas mesurer la force de leur mobilisation ; à regarder de manière hautaine la force de leurs régionalismes ou l’impuissance supposée de leur régime parlementaire alors même que dans l’adversité ils ont su se rassembler et faire la preuve d’une unité bien réelle. Pendant ce temps-là, la maladie n’a pas cessé de progresser chez eux, mais aussi de façon plus sournoise, chez nous. Ces lieux communs nous ont conduits à « faire l’autruche », à penser que ce qui leur arrivait ne pouvait pas nous atteindre. On peut sourire des préjugés, sauf quand ils suscitent un aveuglement dramatique.

     

    Aveuglement qui a confiné à la cécité quand sont venues s’y ajouter ces illusions qui ont eu pour effet de conforter un sentiment de… supériorité. Car avant que la crise sanitaire ne s’installe et ne dure, nous étions persuadés de disposer du meilleur système de santé de la planète. Si certains pouvaient mettre en doute l’intérêt de pratiques médicales comme la vaccination, l’immense majorité ne contestait pas la capacité de notre médecine à venir à bout de toutes les maladies. Ce sont ces mirages qui nous ont amenés à regarder de haut les efforts que l’Italie mettait en œuvre pour juguler la pandémie. Le sentiment de supériorité n’est qu’une illusion ; il peut aussi faire sourire, mais quand il brouille le jugement et que l’entêtement dans l’erreur entame le discernement, alors, il peut se révéler coupable. Chers amis, Italiens, accepterez-vous de nous conserver votre amitié et votre confiance ? Je sais, cela vous sera difficile, mais s’il est un enseignement de la crise que vous nous avez appris, c’est l’humilité. Grâce à vous, je sais qu’elle est une condition nécessaire et indispensable à la lucidité. Aussi, quand je me retrouve à mon balcon, le soir à 20 h, pour exprimer mon soutien aux soignants, je voudrais aussi crier « Andrà tutto bene !», parce que je veux espérer que si le début de la crise nous a beaucoup éloignés, son dénouement ne finisse par nous rassembler.