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Liens citoyens

Publié le 19 juin 2020

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Le  vendredi 19 juin 2020

Le confinement et les violences faites aux femmes

Sandrine Poulteau, référente égalité filles-garçons Lycée Jean Monnet Vitrolles. Isabelle Colombari, IA-IPR, référente égalité filles-garçons académie d’Aix-Marseille.

  • Crédits Alexas—Pixabays

     

     

    D’après le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, les violences conjugales et intrafamiliales ont augmenté pendant le confinement, avec 44 % d’interventions des forces de l’ordre supplémentaires par rapport à la même période en 2019. La fréquentation de la plateforme du gouvernement sur les violences conjugales, « Arrêtons les violences », a plus que doublé. Le constat est le même pour le 3919, numéro d’appel gratuit et anonyme contre les violences conjugales. Parmi les appels reçus, 5 200 ont concerné des violences conjugales, soit deux fois plus que l’an dernier1. Dans le même temps, une diminution des plaintes a été constatée, notamment au tribunal de grande instance de Pontoise, le confinement ayant rendu le dépôt de plainte plus difficile. «Le recueil de la parole de la victime est encore plus complexe que d’habitude », abonde la substitut du procureur à Grenoble Inès Delay, référente sur les violences conjugales2.

     

    D’après Annie Guilberteau, directrice générale du Centre National d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CNIDFF), « le déconfinement va nous réserver des surprises : l’une des stratégies des agresseurs, dans le cadre des violences au sein des couples, c’est de confiner et d’isoler au maximum leur compagne ou ex, de sa famille, de ses amis, de ses relations professionnelles pour avoir une emprise totale3 ».

     

    Nombreux sont les inventaires des facteurs à l’origine de cette violence4. Dans le supplément du monde en date du 31 mai 2020, sont répertoriés, entre autres, « l’absence d’égalité au sein du couple et la relation dissymétrique avec une domination ». Camille Froidevaux-Metterie5, dans l’interview qui clôt ce supplément, précise « on peut considérer la violence conjugale comme une tentative pour récupérer par la force quelque chose que l’on ne possède pas (…) cette tentative de contrôle absolu témoigne d’une impossibilité de connaître l’altérité et l’humanité même de l’autre ». Cette violence dont l’acte ultime est le féminicide, marque « le déni fait aux femmes de leur statut de sujet de droit. Aussi longtemps que les femmes mourront parce qu’elles sont des femmes, on restera dans le mirage de l’égalité ».

     

    Que peut faire l’école ?

     

    Jean-Michel Blanquer et Marlène Schiappa, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, sont intervenus au lycée Montaigne à Paris le 28/11/2019 pour engager leurs ministères dans la prévention des violences et l’égalité filles-garçons. Le guide « Comportements sexistes et violences sexuelles 6» paru à cette occasion, présente des fiches action pour lutter contre le sexisme, contre les violences de genre, mais également sur le lien entre école et les violences au sein du couple ». Par ailleurs, le code de l ’éducation prévoit la mise en place d’un plan de prévention des violences et du harcèlement dans tous les établissements scolaires7.

     

    Il ressort que les missions de l’école sont de proposer une éducation à la sexualité qui, en plus de la dimension biologique, permet d’aborder l’éducation à la vie affective afin que les filles et les garçons prennent conscience que « l’autre » est sujet. Un travail sur la notion de consentement pourrait être développé également.

     

    Des formations établissement destinées aux personnels éducatifs sont proposées dans le plan académique de formation par la référente éducation à la sexualité ainsi que par les formateurs « climat scolaire ».

     

     

    Dans le cadre des programmes disciplinaires, des projets d’études littéraires ou cinématographiques sur les représentations des comportements amoureux peuvent être entrepris. Ainsi des cinés-débats sur la construction de la virilité et de la féminité sont envisageables. Hélène Milano, réalisatrice, est venue dans les établissements de Vitrolles présenter son film cet automne. « Les charbons ardents » présente des interviews de garçons notamment des Marseillais, expliquant leur conception des rapports filles -garçons. La fragilité des garçons est évoquée à demi-mot. Leur objectif est de passer pour des durs par peur d’être étiquetés comme « victimes » et potentiellement cibles expiatoires des autres garçons. Les rapports avec les filles, empreints de règles peu empathiques, en dépendent.

     

    Des réflexions peuvent être menées sur les stéréotypes véhiculés par les publicités, utilisant des slogans sexistes, voire prônant des violences contre les femmes. La manifestation « Stéréopub » organisée par la Cité des métiers de Marseille et réalisée tous les ans au Mucem destinée aux collégiens leur permet d ’y être sensibilisés8.

     

    Enfin, du théâtre forum permet de libérer la parole sur les représentations des élèves. Ce mode d ’animation est proposé par de nombreuses associations agréées qui peuvent avantageusement être sollicitées par les établissements.

     

    Compte tenu de la complexité de ce sujet, les personnels de l ’éducation nationale doivent travailler sur leurs représentations personnelles et entreprendre un travail de long terme pour éduquer les filles et les garçons sur les rapports amoureux, sur la compréhension de l ’altérité et enfin sur la construction de la personnalité.

     

     

    1 Violences faites aux femmes : les réponses aux signalements pendant le confinement 15/05/2020 Par Laetitia Cherel et Cellule investigation de Radio France

     

    2 Violences conjugales : « Le confinement est devenu un instrument supplémentaire pour les agresseurs » Le monde, 25 avril 2020 Par Yann Bouchez et Zineb Dryef

     

    3 Violences intrafamiliales : « On se prépare à la découverte de situations extrêmement difficiles » 20/04/2020 Par Margot Delpierre, France Culture

     

    4 https://www.violencequefaire.ch/fr/informations/informations_origines

     

    5 Camille Froidevaux est professeure de science politique, chargée de mission égalité-diversité à l’université de Reims-Champagne Ardennes

     

    6

    https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Protection_de_l_enfance/15/3/Violences_sexuelles_PDF_2014_V04_386153.pdf

     

     

    7 L’article R.421-20 du code de l’éducation

     

    8 https://www.laprovence.com/article/economie/5399070/les-collegiens-marseillais-sensibilises-aux-stereotypes-lies-a-certains-metiers.html