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Démarches

Publié le 13 mars 2022 Modifié le : 2 oct. 2022

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Le  dimanche 13 mars 2022

Du modèle OHERIC de démarche vers la construction d'une véritable pensée scientifique

Eléments de réflexions sur la démarche oheric

  • OHERIC attention

    OHERIC - un modèle de démarche stéréotypé dont-il faut s'affranchir

    Le modèle OHERIC, qu’on a souvent associé aux travaux de Claude Bernard, a fortement influencé l’enseignement des sciences pendant des dizaines d’années. Cette manière de considérer la «démarche scientifique » suppose que l’observation (O) neutre des phénomènes conduit à la formulation d’hypothèses (H) qui, elles, débouchent sur une expérimentation (E) visant à les infirmer ou à les confirmer. L’interprétation (I) des résultats (R) obtenus par l’expérimentation permet de tirer des conclusions (C) au regard des hypothèses de départ. Ce modèle a été fortement critiqué pour de nombreuses raisons : il réduit la démarche à un seul modèle stéréotypé, il laisse croire que l’observation des phénomènes est neutre et, d’une manière générale, il ne reflète pas le processus de production des savoirs dans le domaine des sciences.

     

    Des auteurs ont suggéré des adaptations de ce modèle pour répondre aux critiques précédentes (Hasni et Samson, 2007, 2008). Par exemple, Clément (1998) a proposé en 1992 d’utiliser le THEORIC pour souligner le rôle des théories scientifiques (T) dans la formulation des hypothèses (H) qui précèdent l’expérimentation (E) et l’observation (O). Le modèle OPHERIC a également été suggéré pour souligner la place importante à accorder à la construction du problème (P) comme préalable à la formulation des hypothèses (H). Les auteurs qui ont proposé le modèle DiPHTeRIC souhaitaient rappeler l’importance des données initiales (Di) dans la construction du problème (P) et souligner la mise en place d’une démarche permettant de tester (Te) l’hypothèse.

     

    Les définitions qui ont accompagné la mise en place des DIS dans les récentes réformes ne connaissent pas non plus de consensus. Par exemple, Cariou (2015), en comparant diverses définitions proposées dans des publications francophones et anglophones, montre qu’il n’y a pas d’accord sur le nombre et la nature des attributs utilisés pour définir les DIS. Cette analyse lui a permis de regrouper les attributs 23 proposés par ces définitions en huit catégories de critères : 1) interrogations (ex. : formuler un problème ; élaborer des questions); 2) conception et planification de recherches (rechercher des hypothèses; concevoir des expériences); 3) autres tâches conceptuelles (ex. : argumenter; discuter des hypothèses); 4) débats, argumentation, communication, interactions sociales (ex. : critiquer des expériences; s’exprimer sur la validité); 5) réalisations et productions (ex. : chercher des informations; collecter des données); 6) acquisitions (ex. : expliquer les savoirs); 7) implication et responsabilisation (ex. : autonomie ; responsabilisation); 8) accès à la culture scientifique.

     

    C’est le fait de réduire les démarches d’investigation scientifique à un nombre limité d’attributs et de les présenter aux élèves comme une procédure stéréotypée à appliquer de manière linéaire et répétitive à tous les types de problèmes scientifiques qui constitue une dérive. En procédant ainsi, on perd l’esprit des démarches d’investigation scientifique aux dépens de l’exécution technique de certaines tâches. Les mises en garde qu’on peut lire dans les programmes scolaires des différents systèmes éducatifs à cet égard ne peuvent suffire pour prévenir les dérives qui accompagnent le recours à des attributs (étapes) pour définir les démarches d’investigation scientifique. Pourtant, il n’est pas rare de voir les ressources didactiques (dont certains manuels), par exemple, continuer à présenter aux élèves les démarches d’investigation scientifique en faisant appel à un modèle unique, composé d’une série d’étapes à suivre pour étudier le problème fourni. Dans plusieurs cas, les étapes sont déjà écrites dans le cahier des élèves et ces derniers n’ont qu’à remplir les espaces disponibles. En procédant ainsi, les élèves apprennent davantage certaines habiletés nécessaires à la réussite des démarches d’investigation scientifique (ce qui est déjà une «bonne » chose par rapport à un enseignement qui présente les sciences comme un corpus de vérités à apprendre par coeur) et non pas l’esprit de celles-ci : le développement de la pensée scientifique.

     

    Construire une véritable pensée scientifique

    Afin de s'affranchir du modèle OHERIC, il convient de penser les démarches d’investigation scientifique en termes de posture (une pensée scientifique) et non pas en termes de procédure. Il est intéressant de penser les démarches d'investigation à partir de leurs fonctions en sciences et des principales questions auxquelles elles permettent de répondre.

     

    Au départ de toute démarche d’investigation scientifique : un problème scientifique à construire à partir d'une situation problématisante qui s'appuie sur des savoirs conceptuels préalables. Ce problème scientifique construit implique la mise en oeuvre d'une stratégie de résolution impliquant une diversité de processus de recherche et/ou de validation des faits correspondant à une variété de démarches d’investigation scientifique : L’expérimentation - L’observation sans expérimentation - Autres modalités de recueil des faits : corrélation de données, modélisation, enquête.

     

    Dans toute démarche d'investigation scientifique, l’appropriation des concepts scientifiques renvoie plutôt à une construction de sens, dans un processus dynamique qui met en relation le monde des objets et des phénomènes (établissement des faits scientifiques), d’une part, et l’élaboration théorique (production d’une compréhension scientifique et élaboration conceptuelle), d’autre part (Martinand, 1994).

    Que les faits scientifiques soient établis par l'expérimentation ou l'observation, qu'ils soient convoqués dans des bases de données ou des documents ou encore simulés, il convient avant tout de leur donner sens en interrogeant leur domaine de validité et en distinguant l'analyse de l’interprétation qui en découle.

    -Les activités d’analyse ont comme but premier d’organiser les faits de manière à souligner les constats dignes d’intérêt en lien avec la problématique (la question ou l’hypothèse).
    -L’interprétation, quant à elle, va plus loin que les constats en proposant des explications argumentées et en formulant éventuellement des énoncés scientifiques.

     

    Par ailleurs, il existe une dimension sociale aux démarches d’investigation scientifique qui prend corps à travers les débats et l’argumentation permettant de développer l'esprit critique. Puisqu’il n’y a pas de vérité absolue en sciences et que la validité des processus et des savoirs scientifiques passe par leur résistance à l’examen des pairs (notamment lors des communications et des évaluations des publications), l’école a intérêt à développer cette compétence chez les élèves dans le cadre des démarches d’investigation scientifique : les amener à apprendre à argumenter le choix de leur problème de recherche, le rationnel sous-jacent aux faits retenus ainsi que leur exploitation en vue d’élaborer la compréhension de l’objet ou du phénomène considéré. ainsi, une approche historique et épistémologique de la construction des concepts scientiques par les élèves est nécessaire pour leur permettre de mieux saisir le sens des démarches d’investigation scientifique comme mode de pensée.

     

     

    Source : Extrait de LES DÉMARCHES D’INVESTIGATION SCIENTIFIQUE À L’ÉCOLE Un outil de réflexion sur les pratiques de classe - Abdelkrim Hasni Vincent Belletête Patrice Potvin https://www.usherbrooke.ca/creas/fileadmin/sites/creas/documents/Publications/Demarches_Investigation_Hasni_Belletete_Potvin_2018.pdf