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On n’insistera pas sur l’analyse marxiste qui nous
paraît assez bien connue afin de se concentrer sur des travaux,
notamment anglo-saxons, moins cités en France. Ce choix peut être
compensé par quelques références bibliographiques comme La sociologie de
Marx de J.-P. Reynaud. Par ailleurs, le compte-rendu que notre collègue
Evelyne OUDART a fait d’un stage sur le même thème animé à Lyon par
Dominique BIOLLET est disponible sur le site de l’académie de Lyon
(ac-lyon.fr). Il se trouve que ce collègue a fait un choix inverse en
insistant sur la sociologie marxiste des conflits (toute sa première
partie), cette source complète donc avantageusement le texte ci-dessous.
Introduction
Spontanément, le conflit est plutôt envisagé soit sous
l’angle du désordre et du pathologique, soit (ce qui n’est pas
contradictoire) sous celui du changement social. Or, il existe une autre
approche – plutôt interactionniste – qui, depuis Simmel, présente le
conflit comme un élément de régulation et d’intégration sociale.
Nous présenterons donc le sujet en trois parties :
1) le conflit dans l’histoire des idées ;
2) le conflit comme régulateur social (identité et cohésion des
groupes) ;
3) le conflit comme source de changement social (les mouvements sociaux
et l’action collective).
Þ Le conflit comme régulateur social : identité et cohésion des groupes
Quatre exemples :
du " lenturlu " qui agite la région de Dijon au XVIIème siècle aux
mouvements étudiants et lycéen des années 1970, Charles Tilly (la France
conteste) montre que les mouvements collectifs protestataires utilisent
des " registres d’action " qui réapparaissent de façon chronique à
travers les âges, il les dénomme " contestation " ;
la compétition pour le prestige social à travers des exemples
classiques de l’anthropologie du don : le potlatch décrit par Franz Boas
puis par Ruth Benedict dans Echantillons de civilisations et la Kula
décrite par Bronislaw Malinovski (Les argonautes du pacifique
occidental) ;
des cas de sociétés dont la structure même repose sur un conflit : les
segments des peuples Nuer décrit par Evans-Pritchard (Les Nuer),
l’opposition laïc/cléricaux dans le village breton de Plodemet décrit
par Edgar Morin ;
le groupe des chômeurs acquiert une identité collective avec les conflits de Noël 1997 ;
Þ Le conflit comme source de changement social : mouvements sociaux
Trois exemples :
L’exemple macro-sociologique par excellence : l’amélioration de la
condition ouvrière est directement issu du conflit social central de la
société industrielle ;
un cas microscopique rapporté par le sociologue Michel Robert : la
renaissance économique d’un village endormi (Borsaline, Cotentin)
déclenchée par un conflit à propos d’une obscure affaire de fontaine
municipale qui a scindé la commune en deux groupes représentés au
conseil municipal et faisant assaut d’initiatives pour l’emporter dans
une picrocoline lutte de pouvoir ;
la présentation par Bourdieu de sa théorie des champs à partir de
l’exemple de la mode (le classique Balmain contre le décoiffant
Scherrer) dans Questions de sociologie ;
Définition :
" l’expression d’antagonismes entre des individus ou des groupes pour
l’acquisition, la possession et l’utilisation de biens rares matériels
ou symboliques (richesse, pouvoirs, prestige…) ; l’objet de tout conflit
étant de modifier le rapport de forces existant entre les parties. "
Précautions
On évoquera les conflits inter-personnels dans lesquels se sont
spécialisées certains auteurs relevant de la micro-sociologie (Simmel,
Goffmann).
On se concentrera sur :
les conflits économiques, les conflits du travail
les conflits et mouvements sociaux
les conflits dans les organisations
les conflits politiques
On négligera les analyses en termes de darwinisme social :
Herbert Spencer, Albion W. Small, William Sumner, Franklin H.
Giddings : la sélection des meilleurs par la concurrence
interindividuelle de type libéral
Arthur de Gobineau, Francis Galton, August Wagner : la sélection des
meilleurs par le conflit des races justifié par des inégalités
biologiques.
1. Le conflit dans l’histoire de la pensée sociologique
1.1. Le conflit est pathologique, l’organisation sociale doit le contenir
Origine chez Hobbes, le désordre naturel
Marx, Tönnies, l’ordre naturel, le conflit pathologique
Durkheim, le conflit dysfonctionnel
1.2. Le changement social par le conflit
Marx : le conflit est l’axe central du changement social
Touraine : une perspective historique adaptée à la société post-industrielle (Daniel Bell)
Dahrendorf : si les objets de la lutte se diversifient, la coopération
et l’institutionnalisation-modération des conflits est possible
1.3. Le conflit producteur d’ordre
A l’origine, on trouve une perspective interactionniste : chez Weber
mais encore plus nettement chez Simmel (" le Freud de la sociologie "
disait Everett C. Hugues)
Weber : la rivalité pour diverses sortes de biens est un fonctionnement
normal
Simmel, le conflit assure l’unité du social
" le conflit rétablit l’unité de ce qui a été rompu. ", G. Simmel
" l’ordre social est fondé sur des conflits résolus. ", H. Mendras
Le conflit, qui pourrait apparaître comme la situation "
anti-sociale " par excellence, doit être compris, selon Simmel, comme
une forme d’interaction. Simmel considère que le conflit est non
seulement inévitable mais nécessaire pour la cohésion des sociétés.
Il est donc source de cohésion sociale pour les raisons suivantes :
le conflit permet à des personnes qui étaient autrefois opposées de se réunir face à un ennemi commun ;
s’il y a conflit c’est que les adversaires sont d’accord sur la valeur de l’objet disputé (cf. intérêt chez Bourdieu) ;
les conflits s’accompagnent souvent de la mise en œuvre de règles
communes (traitement des prisonniers de guerre, par exemple) ;
on ne s’étonne donc pas que, souvent, de nouvelles communautés émergent du conflit ;
le conflit se termine souvent par le compromis, une invention humaine
fondamentale, car il suppose que les individus ont une idée du "
fongible ", i.e. du remplacement possible de l’objet convoité par un
autre en quantité, qualité ou valeur. il faut se libérer des passions
subjectives.
Le conflit est donc inhérent aux sociétés humaines et la paix n’est pas
un état " normal ". Les conflits sont d’autant plus forts qu’ils ont
lieu entre égaux, alors le moindre écart à la norme apparaîtra comme une
différence insurmontable. La tendance à l’égalité n’est donc pas
synonyme de paix mais de conflits accrus. C’est déjà une idée de
Tocqueville.
La vie sociale est donc fondée sur un jeu de contraires - attirance
/répulsion, sympathie / antipathie, convergence conflit, vérité /
mensonge…
Coser et Dahrendorf dans une moindre mesure, bien qu’ils s’en défendent,
réintègrent le conflit est réintégré dans la perspective
fonctionnaliste
Bourdieu, sociologie de la domination-reproduction par la violence
symbolique
On pourrait s’étonner de trouver Bourdieu ici. Mais sa sociologie de la
domination est souvent considérée (et critiquée) comme axée plus sur la
reproduction que sur le changement. L’ordre – injuste et insupportable –
qu’il décrit semble plus stabilisé que bousculé par la violence
symbolique et le conflit qui traverse tous les " champs ". La victoire
de la reproduction sur le changement paraît souvent assurée (d’où
l’aspect désespérant dont Bourdieu se défend souvent) :
Lire : P. Bourdieu, La domination masculine, Seuil, 1998, p. 97-99
Le conflit joue un rôle dans le changement social à
travers les luttes de classement qui remplacent les luttes de classes et
provoquent une évolution de la structuration sociale, toutes les
ressources des groupes sont utilisées (notamment celles produites par
les intellectuels : représentations collectives) par l’effet de théorie.
2. Conflit et régulation sociale : identité et cohésion des groupes
2.1. Deux perspectives divergentes
2.1.1. Le conflit renforce l’identité et la cohésion des groupes
H. Mendras, M. Forsé, Le changement social, Colin, 1983
chap. 7 Institutionnalisation des conflits et des innovations, pages 181-194
Chez les psychologues, on trouve trois positions principales :
La première consiste à considérer les conflits entre individus et la
participation à des conflits de groupes comme réducteurs de pulsions et
de tensions internes de l’individuPour se libérer de ces tensions
internes, l’individu est amené à des comportements agressifs.
La deuxième position consiste à voir le conflit comme une compensation
des frustrations résultant des contraintes de l’environnement, un moyen
pour l’individu de sublimer son sentiment d’échec et de le retourner en
agression contre autrui.
La troisième position voit dans l’agression un moyen instrumental de
réaliser ses buts. Le psychologue attribue une stratégie agressive à
l’individu pour réaliser ses objectifs stratégiques.
On peut formuler cinq préceptes généraux du
fonctionnement du conflit social :
1) Le conflit renforce l’identité des groupes.
S’il y a conflit, il y a nécessairement affirmation du sentiment d’une
différence avec autrui ; et donc, normalement, cela se répercute dans le
fonctionnement interne du groupe, en développant l’esprit de corps, le
sentiment du nous collectif, autrement dit le sentiment de l’identité du
groupe. Ainsi, certains conflits sont essentiellement d’ordre
expressif, sans autre objectif ni autre fonction que ranimer l’identité
des groupes qui entrent en conflit.
Modèle de Touraine, tout mouvement social repose sur trois principes :
principe d’identité : conscience d’eux-mêmes….
principe d’opposition : conscience de contre qui ils luttent….
principe
de totalité : conscience de l’unité du système social où s’insère
l’affrontement
" un type très particulier de lutte… C’est l’action conflictuelle
collective par laquelle un agent de classe s’oppose à un agent de la
classe opposée pour le contrôle social des orientations culturelles de
leur collectivité. "
A. Touraine, Crise et conflit : lutte étudiante (1976), CORDES, 1976,
p.4-5
Alain Touraine définit un mouvement social comme la combinaison de trois
principes, dans un champ d’action historique donné :
Lire : A. Touraine, Production de la société, 1973, Seuil, pp. 361-363
Un mouvement social n’existe donc que s’il a conscience de son
identité propre, s’il connaît son adversaire, et s’il combat pour le
contrôle de l’historicité, d’où le diagramme triangulaire :
2) Le conflit renforce la cohésion du groupe.
La première affirmation consiste à dire : " Tous les membres du groupe
ont un sentiment vif de leur identité et de leur appartenance à ce
groupe, ce qui n’exclut pas qu’ils aient entre eux des différences et
des rivalités. " La deuxième proposition complète la première : s’il y a
conflit, il y a normalement plus de cohésion au sein du groupe. Pour se
battre à l’extérieur, il faut se serrer les coudes et par conséquent
faire taire les différences internes, c’est une observation de bon sens.
3) Le conflit rapproche les adversaires.
Normalement, si vous entrez en conflit avec un adversaire, c’est parce
qu’il y a un enjeu, quelque chose en commun qui entraîne la dispute.
Sans raisons de se disputer, deux groupes ont très peu de choses en
commun.
4) Le conflit maintient un équilibre de pouvoir.
Normalement, le conflit est une occasion pour les adversaires de prouver
leur puissance respective, et jusqu’où elle peut aller. Par conséquent,
une fois le conflit terminé, l’équilibre du pouvoir est maintenu, mais
pas de la même façon qu’au départ, car il est renforcé par le conflit.
5) Un conflit peut conduire à un changement, à un
mouvement social, sans que les acteurs aient nécessairement cet objectif
en vue.
La multiplicité des conflits au sein d’une société peut la renforcer.
L’interdépendance des groupes en conflit est le facteur principal : le
conflit entre deux groupes est un lien entre deux groupes. Vous ne
pouvez faire la guerre qu’à des gens que vous connaissez. Les conflits
renforcent le consensus social entre les groupes au sein de la société
globale et renforcent donc l’ordre social. Cet ordre peut être un ordre
stable de recommencement perpétuel des mêmes conflits, qui réaffirment
la position des individus et des groupes, et qui entretiennent les
institutions. Ou, au contraire, cet ordre peut être dynamique, si les
conflits de type instrumentaux engendrent un mouvement cumulatif des
conflits, qui entraîne un changement social.
2.1.2. Conflit et domination : distinction, compétition, violence symbolique
Thorstein Bunde Veblen, Théorie de la classe de loisir (1899), Gallimard, coll. Tel, 1970 (" la comparaison provoquante ")
Edmond Goblot, La barrière et le niveau (1925), Gérard de Montfort,
1984 (l’échelle des revenus étant continue – niveau –, elle ne peut
fonder des distinctions de classes, la bourgeoisie cherche à ériger ces
barrières fondées sur la possession de biens discontinus – la mode,
certains savoirs, certains comportements…)
Pierre Bourdieu : ensemble de l’œuvre
Bourdieu développe une théorie de la compétition pour les biens
symboliques héritée de la notion de lutte chez Weber :
" Concept de la lutte
Nous entendons par lutte une relation sociale pour autant que l’activité
est orientée d’après l’intention de faire triompher sa propre volonté
contre la résistance du ou des partenaires. Nous désignerons par moyens "
pacifiques " de la lutte ceux qui ne consistent pas en un acte de
violence physique actuel. la lutte " pacifique " s’appellera "
concurrence " quand on la mène au sens d’une recherche formellement
pacifique d’un pouvoir propre de disposer de chances que d’autres
sollicitent également. "
M. Weber, Economie et société, Plon, coll. Agora Pocket, tome 1, pp.
74-75
La lecture de Marx et de Weber conduit Bourdieu à
envisager l’espace social par analogie avec la démarche économique et en
empruntant son vocabulaire. Il l’envisage comme un système de marchés
(champs) possédant chacun ses lois et ses biens spécifiques (notamment
symboliques : prestige, honneur). Chaque champ peut se comprendre comme
un espace dont les trois dimensions principales sont définies par le
volume du capital, la structure du capital et l’évolution dans le temps
de ces deux dernières propriétés. Un capital se définit comme un
ensemble de ressources et de pouvoirs effectivement utilisables.
1) Capital économique : il est constitué de l’ensemble des facteurs de
production, des biens économiques, et du revenu. Il fonctionnera
différemment selon la société, par exemple on peut opposer la logique
des récoltes antérieures qui caractérise les sociétés agraires au calcul
rationnel du capitalisme
2) Capital culturel : il est constitué de l’ensemble des dispositions et
qualifications intellectuelles, mais aussi des biens culturels acquis
au cours de la formation et de l’histoire individuelle. Il peut exister
sous trois formes : incorporée (dispositions de l’individu), objective
comme bien culturel (tableau, livre,…) et institutionnalisée (titre
scolaire).
3) Capital social : il désigne le réseau des relations sociales d’un
individu. Son volume " dépend de l’étendue des liaisons qu’il peut
effectivement mobiliser et du volume du capital (économique, culturel ou
symbolique) possédé en propre par chacun de ceux auxquels il est lié ".
Il dépend des institutions qui favorisent les échanges légitimes et
excluent les autres (rallyes, clubs, pratiques collectives comme le
sports) et du travail de sociabilité.
4) Capital symbolique : il désigne des biens symboliques comme
l’honneur, le prestige, la réputation, dont l’accumulation et la
reproduction motive tout autant les individus et les groupes que celle
des biens matériels ou des titres scolaires. La notion de légitimité est
ici centrale, la violence légitime avec laquelle les dominants exercent
leur puissance sur les dominés au sein d’un champ s’appuie
essentiellement sur la possession d’un stock de biens symboliques. On
peut illustrer facilement la notion par référence aux champs artistique
(être invité dans telle émission télévisée, exposer dans une galerie
renommée) ou scientifiques (article dans une revue prestigieuse,
citation dans une bibliographie,…).
Champ : " J’appelle champ un espace de jeu, un champ de
relations objectives entre des individus ou des institutions en
compétition pour un enjeu identique. " L’enjeu (pouvoir, prestige,
revenu,…) n’entraîne la compétition, qui fonde le champ en transformant
l’espace social en un lieu où s’affrontent des intérêts contradictoires,
qu’à la condition que les individus s’investissent (et investissent
leurs capitaux) pour le conquérir. Cela suppose qu’ils soient victimes
de la " magie sociale " des institutions qui érigent en intérêt les
enjeux liés au fonctionnement du champ considéré.
Un bon exemple de cette démarche est fourni par l’analyse de la mode à
travers ses magazines :
Lire : P. Bourdieu, Questions de sociologie, 1980, Ed. de Minuit, 1984,
pp. 196-199
Par analogie à l’analyse wébérienne de l’Etat —
institution qui possède le monopole de la violence légitime —, Bourdieu
forge le concept de violence symbolique qui transpose ce qui concernait
la force militaire. En insistant sur la source de toute légitimation
symbolique, les classes supérieures, il en déduit une sociologie de la
domination qui n’était pas dans le propos de Weber.
mérite scolaire et habitus prédisposant à la réussite
don artistique et habitus prédisposant au goût légitime
compétence politique et habitus prédisposant à comprendre, formuler,
exprimer en public les enjeux et les actions publiques et du capital
social permettant de se placer.
Les dominés acceptent la domination non parce qu’elle
est imposée mais parce qu’ils se croient responsables de leur faible
performance, de leur " mauvais " goût, ou de leur incompétence
politique. Bourdieu rappelle qu’aucune domination ne peut apparaître
ouvertement pour ce qu’elle est : l’utilisation par un groupe de sa
position de force pour s’accaparer privilèges et avantages et en exclure
les autres. On peut trouver à cette nécessité deux raisons :
les membres des classes dominées doivent accepter leur domination, elle
doit donc être légitimée par une supériorité " naturelle ", un " mérite
" quelconque ;
les membres de la classe dominante doivent croire aux fondements
légitimes de leur domination, sans la tranquille assurance que confère
le sentiment d’avoir " mérité " ses privilèges, il serait impossible
d’en jouir.
Dans les sociétés d’ordre ou de castes, la supériorité
des rejetons de haute ascendance (le " sang bleu " garantissant le degré
d’honneur des nobles, la " pureté " garantissant le degré de proximité
divine des brahmanes) est admise comme un fait de nature, de source
divine, et n’a pas à être confirmée par les qualités intrinsèques de la
personne. Mais, nos sociétés rejetant juridiquement toute différence
basée sur la naissance, il faut asseoir la légitimité des dominants sur
de supposés " dons ", " talents ", ou " mérites " individuels, d’où la
difficulté : faire apparaître comme personnelles des qualités qui
concordent massivement avec l’origine sociale.
Travail, acharnement, chance, astuce du " self made man ", jouent ce
rôle dans le champ de la réussite commerciale ou industrielle, ils
fondent le mythe démocratique américain.