Niveau
Première Spécialité SVT
Compétences
Connaissances
La Terre, la vie et l’organisation du vivant
Transmission, variation et expression du patrimoine génétique
La réplication de l'ADN
Au cours de la phase S, l’ADN subit la réplication semi-conservative.
Capacités
- Concevoir et mettre en œuvre des stratégies de résolution
- Concevoir et mettre en œuvre un protocole : Concevoir et/ou réaliser une réaction de PCR (amplification en chaîne par polymérase)
- Identifier et choisir des notions, des outils et des techniques, ou des modèles simples pour mettre en œuvre une démarche scientifique.
- Communiquer dans un langage scientifiquement approprié : oral, écrit, graphique, numérique.
Description de l’activité :
Introduction et scénario pédagogique
Historiquement, la peste est une maladie infectieuse qui frappe l’humanité depuis le VIème siècle (peste de Justinien) et qui a connu trois grandes pandémies et de nombreuses épidémies sporadiques. La seconde pandémie après celle de Justinien est la « peste noire » ou « mort noire » pendant le Moyen Âge qui tuera 30 à 50% des populations européennes en cinq ou six ans (1347-1352). Le nom de « peste noire » ne serait d’ailleurs pas lié aux manifestations cliniques de la peste mais plus au sentiment de terreur que cette peste a instauré à cette époque.
Dans la lignée des pestes noires du Moyen Âge, la peste de 1720-1722 qui a frappé la ville de Marseille est l’un des plus grands fléaux qu’a subi cette ville et l’une des dernières pandémies historiques de l’ère pré-jennérienne en France. Cette pandémie est responsable de la mort de 30 000 à 35 000 habitants pour une ville qui comptait à l’époque environ 90 000 habitants.
La troisième pandémie ou peste de Hong Kong, dernière grande pandémie de peste, sera l’occasion de la découverte de l’agent causal de la peste. En effet, le gouvernement japonais dépêche alors sur place le bactériologiste Shibasaburo Kitasato (1856-1931) et à peu près en même temps, le gouvernement français dépêche le franco-suisse Alexander Yersin (1863-1943) pour étudier cette peste. Kitasato est le premier à décrire la bactérie responsable dans les sécrétions des patients atteint de peste dans The Lancet (1894) mais c’est Yersin qui identifie la même année de manière certaine dans les annales de l’Institut Pasteur l’agent causal à savoir une bactérie gram négatif, qui aura plusieurs noms avant d’être finalement nommée Yersinia pestis en l’honneur de Yersin.
Cependant, certains historiens et épidémiologistes ont mis en doute, en se basant sur les descriptions de l’époque, le fait que les pestes médiévales aient été bien causées par Yersinia pestis. D’autres maladies ont été proposées comme responsables de la « peste noire » : maladie du charbon, fièvre hémorragique… C’est dans le cadre de ce doute que cette activité est proposée aux élèves.
Cette activité va proposer d’identifier l’agent causal de la peste de 1720 à travers 4 missions qui feront intervenir des techniques comme la PCR (Réaction en Chaine de la Polymerase) et le séquençage de l’ADN. Elle s’inscrit dans une proposition de progression structurante pour les parties Histoire humaine lue dans le génome et système immunitaire humain, le cheminement de cette progression est proposé ici :
https://padlet.com/tbrissaire/trame-premi-re-sp-cialit-svt-progression-peste-l-histoire-hu-9w22pi4burmc
L’activité se présente sous la forme d’un « jeu sérieux » où chaque mission débloquée permet d’accéder à la suivante. Il est demandé aux élèves un compte-rendu de leurs découvertes. Voici l'écran d’accueil de l'activité :
Déroulement du jeu sérieux :
Mission 1
La mission 1 (qui peut être réalisée en dehors de la classe en distanciel) consiste, à partir des symptômes observés à l’époque, à éliminer certains agents pathogènes car les symptômes des pathologies qu’ils provoquent et/ou possèdent un mode de transmission sont incompatibles avec les observations de l’époque.
Cette mission permet de remobiliser les acquis antérieurs sur les microorganismes, la notion de maladie infectieuse (programme de 2nde / Microorganismes et santé et acquis antérieurs).
L’étude des différentes pages afférentes aux agents pathogènes permet d’éliminer :
- Mycobacterium tuberculosis, bactérie, agent de la tuberculose : symptômes incompatibles
- Ebolavirus Zaïre, virus, agent de fièvre hémorragique : symptômes incompatibles
- Les cancers de la peau : mode de transmission incompatible
On est amené à conserver :
- Yersinia pestis, bactérie, agent de la peste
- Bacillus anthracis, bactérie, agent du charbon
- Rickettsia prowazekii, agent du typhus
Dont les symptômes sont compatibles avec ceux observés en 1720.
La réussite à cette mission permet d’obtenir le mot de passe pour la mission suivante : SAINT.
Mission 2
La mission 2 a pour objectif de définir une stratégie permettant de s’assurer que Yersinia pestis est bien l’agent de la peste de 1720 et qu’il ne s’agissait pas d’une épidémie de typhus ou de charbon qui aurait été mal identifiée.
On demande donc une stratégie permettant d’identifier avec certitude la présence de Yersinia pestis.
Pour cela, on dispose donc de données et d’outils. Les données proposées sont :
- Des documents (textes et photographies) sur le charnier de l’Observance, un des principaux charniers de peste de Marseille (avec celui de la cathédrale de la Major).
- Un lien vers la publication de référence du génome de Yersinia pestis, dont on n'attend pas l’exploitation mais qui permet de s’informer de la connaissance de l’entièreté de la séquence du génome de Yersinia pestis.
Les outils présentés :
- L’ADN fossile (lien externe vers la page Wikipedia)
- La PCR (voir ci-dessous)
- La découverte d’ADN ancien dans la pulpe dentaire (texte et photographie)
L’étude de la PCR se fait grâce à une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=-DuZh7I7f_I) qui permet de découvrir le principe de la technique, le déroulement d’un cycle et aboutit à la réalisation d’un schéma complété.
Une activité consistant à remettre en ordre les différentes étapes de la PCR permet d’obtenir la première partie du mot de passe de la mission 2 : OBS
A ce stade, on peut revenir à l’élaboration de la stratégie : montrer la présence du génome de Y. pestis dans l’ADN retrouvé sur les restes osseux humains de 1720 en amplifiant par PCR un gène propre à Y. pestis…
« Pour montrer la présence du génome de Yersinia pestis (nom scientifique) dans les restes osseux humains du charnier de l’Observance, nous allons extraire de l’ADN au niveau des dents puis l’amplifier par PCR en utilisant des amorces spécifiques d’un gène de Yersinia pestis (nom scientifique). Si nous arrivons à amplifier ces séquences, nous pourrons affirmer que l’agent pathogène responsable est bien Yersinia pestis. »
On obtient alors la deuxième partie du mot de passe de la mission 2 à savoir -ERVER. Le mot de passe de la mission 2 est donc OBSERVER.
Mission 3
La mission 3 va consister à simuler la PCR avec, dans un premier temps, la définition d’amorces spécifiques d’un gène de Yersinia pestis : pla puis dans un second temps, la simulation de la PCR proprement dites à l’aide de l’outil http://insilico.ehu.eus/PCR/.
Cette mission est la plus complexe pour les élèves. Ne pas hésiter à fournir des aides.
Le gène pla est important pour la virulence. La protéase Pla codée par le gène pla contribue à la progression de la bactérie dans la peau et dans les poumons.
- Etape 1 : choix et écriture des amorces de PCR
On peut obtenir la séquence du gène pla dans la banque Genbank : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/nuccore/M27820, on récupère alors la séquence au format FASTA en cliquant sur FASTA en haut de la fenêtre (attention à bien prendre la séquence sous ce format si on veut l’utiliser avec Primer3Plus).
En copiant/collant cette séquence au format FASTA dans Primer3Plus, on peut obtenir différentes amorces comme :
On peut ensuite tester ces amorces.
- Etape 2 : amplification : PCR « in silico »
Choisir Yersinia comme genre, cliquez sur Next step >>
On obtient la simulation du gel d’agarose dans lequel on aurait fait migrer nos fragments d’amplification :
Dans l’exemple ci-dessus, on observe l’amplification d’un fragment de 189 pb pour les souches 4,5,6,7,8,10,12,13,14 et 15 mais pas pour les souches 1,2,3 qui appartiennent à l’espèce Yersinia enterocolitica ni pour les souches 16,17,18 et 19 de l’espèce Yersinia pseudotuberculosis (qui ne sont donc pas des souches de Yersinia pestis : le fait qu’il n’y est pas d’amplification est ce qui est recherché : on veut des amorces spécifiques d’un gène de Yersinia pestis). Il n’y a pas d’amplification non plus pour les souches 9 et 11 : peut-être possèdent-elles une version alternative du gène pla ou alors pas de gène pla ?.
Remarque : il peut être intéressant dans cette même activité de tester les amorces chez l’humain afin de bien être sûr qu’elles sont spécifiques du gène pla de Yersinia pestis mais n’amplifient pas de séquences humaines. Pour cela, le site https://genome.ucsc.edu/cgi-bin/hgPcr permet de réaliser des PCR in silico sur le génome humain.
- Etape 3 : pour accéder à la suite, on vous demande de réaliser une PCR in silico avec des amorces données CTTGGATGTTGAGCTTCCTA et GAGATGCTGCCGGTATTTCC et de donner la taille des fragments d’amplification obtenus.
La réalisation de cette PCR donne des fragments de 300 pb.
On arrive alors à la page présentant les résultats réels sur les restes osseux du charnier de l’Observance extraits de l’étude suivante : Drancourt M, Aboudharam G, Signoli M, Dutour O, Raoult D (1998) Detection of 400-year-old yersinia pestis DNA in human dental pulp: an approach to the diagnosis of ancient septicemia in Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 95:12637–12640.
On observe la présence d’une amplification pour les spécimens S61 (bande 5) et S122 (bande 7) ce qui atteste bien la présence du gène pla de Yersinia pestis dans ces restes osseux.
Objectif accompli ? Presque…
Le mot de passe 300 permet d’accéder à la mission finale, la mission 4.
Mission 4
Un outil supplémentaire est maintenant disponible pour étudier les fragments d’ADN issus des restes osseux du charnier de l’observance : le séquençage.
Une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=8fi1kkr7RIM) permet de se renseigner sur la technique historique de séquençage de l’ADN (méthode de Sanger, prix Nobel 1980) et un lien externe sur les différentes autres techniques de séquençage.
Une page présente les résultats obtenus sur les génomes anciens de Yersinia pestis dont ceux de l’observance. Les résultats proviennent du site ci-dessous :
https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2016/08/medsci2016328-9p681/medsci2016328-9p681.html
On observe une très grande proximité des séquences de l’Observance avec des séquences plus anciennes et des séquences plus récentes comme le montre l’arbre phylogénétique. Ces résultats confirment l’étude de la mission 3.
La mission se termine par un mot croisé :
La réussite à celui-ci permet d’obtenir le mot de passe final à remettre au professeur avec le compte-rendu : ANTIBIOTIQUE.
Pour aller plus loin :
Drancourt M, Aboudharam G, Signoli M, Dutour O, Raoult D (1998) Detection of 400-year-old yersinia pestis DNA in human dental pulp: an approach to the diagnosis of ancient septicemia in Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 95:12637–12640.
La sélection génétique par les pandémies de peste
Marseille en temps de peste 1720-1722
Raoult, D. & Drancourt, M (2008). Paleomicrobiology: Past Human Infections. 10.1007/978-3-540-75855-6.
Rascovan N, Drancourt M, Desnues C (2016) Des génomes anciens de Yersinia pestis pour comprendre l’origine et la dissémination des épidémies de peste historiques Med Sci (Paris) 32 (8-9) 681-683 DOI: 10.1051/medsci/20163208007
Nom de l'auteur :
Thomas Brissaire
thomas-gerard-p.brissaire + @ + ac-aix-marseille.fr