Compte-rendu rédigé par Lucile
Auffant, professeur de SES au lycée V Hugo de Carpentras
Documents distribués :
Polycop 1 : plan de
l’intervention et bibliographie + diapos présentées par Michel FORSÉ à l’ENS en
2003.
Polycop 2 : quelques aspects
didactiques et pédagogiques : stage de formation continue à Caen, extraits
des cours de Marion Croizat, de Rémy Raynaud et de Delphine Dolce, évaluation
proposée par Alain Santino.
NB : les documents du
polycopié 2 sont accessibles sur le site d’Alain Beitone : éloge des SES (www.eloge-des-ses.fr) sous l’onglet « pédagogie ».
Introduction
Les réseaux sociaux peuvent être étudiés à travers deux
approches :
*
L’approche de l’école de Manchester née aux
Etats-Unis dans les années 1920 (approche négligée en France et développée aux
Etats-Unis)
*
L’approche structurale qui se fonde sur un
appareillage mathématique (théorie des graphes) et qui serait un nouveau
paradigme permettant de dépasser l’opposition traditionnelle entre
individualisme et holisme méthodologiques en utilisant une approche méso
sociologique. L’analyse structurale montre en effet que les relations interpersonnelles
ont des conséquences sur les structures et que les structures ont une influence
sur les relations interpersonnelles.
Le programme de SES de première
se réfère à la deuxième approche et notamment à la thèse de Marc GRANOVETTER
(« la force des liens faibles »).
Mots-clés du PO : réseaux
sociaux, capital social, formes de sociabilité.
Comment définir les réseaux
sociaux ?
Pour Pierre MERCKLÉ un réseau social est
l’ensemble des relations entre des individus.
Les relations entre les individus
vont primer sur les caractéristiques intrinsèques des individus (religion,
sexe, âge, PCS, ...). Le réseau explique les structures sociales.
Plusieurs critères permettent de
définir les réseaux :
*
la taille : on distingue alors les réseaux
complets (par exemple une entreprise) et les réseaux égocentrés également
appelés réseaux égocentriques ou encore réseaux personnels (représentés sous
forme d’étoile). Les études empiriques portent sur les réseaux personnels car
les réseaux complets sont difficiles à délimiter.
*
la densité c’est-à-dire les rapports entre le
nombre de liens possibles et le nombre de liens effectifs (ou observés).
*
la diversité : la plus ou moins forte
hétérogénéité des membres (par exemple un groupe de professeurs de SES, un
groupe d’amis…)
*
la nature des liens : ces liens sont-ils
orientés, réciproques ? (Exemples de l’amour, de l’amitié).
Ces différentes caractéristiques
mesurent la cohésion sociale. Ainsi les réseaux sociaux sont une bonne mesure
de la densité du lien social.
NB : Facebook… sont des
supports de sociabilité et non des réseaux sociaux.
Parfois il existe des « trous
structuraux » (Ronald BURT) dans les réseaux sociaux (cette notion est
équivalente au « lien faible » chez Granovetter). Un trou structural
désigne une situation où il n’y a pas de lien redondant (cf. schéma). Plus les
trous structuraux sont nombreux, plus l’individu a des opportunités de
rencontre, d’emploi.
Img 1
A, B, C et D sont 4 individus, la
double flèche signifie « a des relations avec ».
Le trou structural se situe entre
les individus B et C.
1 /
L’analyse des réseaux sociaux : un nouveau paradigme en sociologie ?
Remarques préalables sur ce
titre :
Paradigme au sens de
Thomas Kuhn : nouveau modèle explicatif (pour mieux comprendre la réalité)
reposant sur une loi, une théorie, une application, un dispositif expérimental.
Nouveau : par rapport
à un paradigme plus ancien qui est donc remis en question.
Un nouveau paradigme :
est-ce une prétention trop exorbitante ?
En France les deux auteurs
marquant cette ambition sont Michel FORSÉ et Alain DEGENNE. Ils proposent une
troisième voie : la voie méso sociologique qui dépasse l’opposition
individualisme méthodologique/holisme méthodologique. Notamment pour M Forsé,
les caractéristiques du réseau vont permettre d’expliquer les phénomènes
sociaux. L’analyse structurale a alors deux objectifs : montrer que le
réseau exerce une contrainte qui encadre les choix individuels mais aussi
montrer que la structure résulte de ces choix individuels, des actions et des
interactions individuelles.
Cependant cette idée de nouveau
paradigme est contestée. Ainsi, selon John BARNES il n’y a pas de théorie des
réseaux sociaux, selon John SCOTT, « l’analyse des réseaux sociaux
constitue un ensemble spécifique de méthodes et non une théorie scientifique »,
et enfin pour Emmanuel LAZEGA, il s’agit d’une méthode sociologique mais pas
d’un nouveau paradigme.
Quelles sont les critiques
méthodologiques adressées à l’analyse structurale ?
1ère critique :
l’analyse des réseaux complets est impossible. Par exemple même dans le cas
d’une entreprise il existe la possibilité d’une personne dite « marginal secant » : le
commercial qui a des relations dans mais aussi en dehors de l’organisation. Par
conséquent les enquêtes ne portent que sur des réseaux personnels.
2ème critique :
cette théorie est fondée sur l’hypothèse du choix rationnel (COLEMAN) autrement
dit sur les calculs coûts/avantages. Or dans les relations avec autrui, un
individu n’effectue pas toujours ce type de calcul. (De manière plus générale
sur la critique de l’homo oeconomicus se référer aux travaux de John Elster)
Cette hypothèse de rationalité
est commode mais elle est trop restrictive, elle fait abstraction du cadre
normatif.
En
conclusion, l’analyse des réseaux sociaux fait émerger de nouveaux problèmes
mais ces nouveaux problèmes sont analysés avec des anciennes méthodes :
par exemple R Burt
utilise encore l’opposition entre individu et structure.
2 / Le
déclin de la sociabilité : une thèse vérifiée empiriquement ?
Remarques préalables sur ce
titre :
Le déclin de la sociabilité
peut s’observer au niveau quantitatif (en limitant tout de même son analyse à
des réseaux personnels) et au niveau qualitatif (pour Robert PUTMAN ce serait
synonyme de déclin « moral » autrement dit d’affaiblissement de la
cohésion sociale).
Définition de la sociabilité :
pour Georg SIMMEL, la sociabilité est la forme la plus ludique de la
socialisation, c’est un jeu sans contrainte, c’est aussi la forme la plus pure
du réseau social : pas organisée, pas formelle.
Une définition plus opératoire
consiste à dire que la sociabilité
est le recensement et les caractéristiques des interactions entre les
individus.
Comment mesurer la
sociabilité ? par les pratiques mettant en relation un individu avec
autrui : réception à domicile, sorties (cf. enquêtes d’Olivier DONNAT),
les fêtes, la fréquentation des associations, la fréquentation des cafés, la
pratique d’un sport…
Quelle est la thèse de R
Putman sur le déclin de la sociabilité (dans son article de 1995)?
Selon Putman, depuis la fin des années 1970,
on assisterait à un profond déclin de la sociabilité aux Etats-Unis qui se
manifeste par
le déclin de la participation formelle :
participation politique, civique, religieuse, syndicale
l’affaiblissement de relations sociales
informelles : moins de sorties (au bowling en particulier), moins de
réception, de repas familiaux…
Ce déclin s’explique par quatre
facteurs :
l’augmentation des pressions économiques et
temporelles (hausse du chômage notamment)
l’étalement ou le mitage urbain
le développement exponentiel des NTIC
les comportements des jeunes générations (cause
principale selon Putman) :
chaque génération semble moins engagée dans la vie sociale que la génération précédente.
Quelles critiques peut-on
apporter à cette thèse ?Peut-on valider empiriquement la thèse de Putman ?
Pour Henri MENDRAS, cette thèse
sur le déclin de la sociabilité n’est qu’ « un bavardage
sociologique » parce qu’il n’existe pas de possibilité de mesure globale
fiable de la sociabilité.
Pour Michel FORSÉ, même si on
essaie d’approcher une mesure de ce déclin, cette thèse est invalidée en France
par des études empiriques. Au contraire on assisterait à une hausse
quantitative de la sociabilité ainsi qu’à un accroissement de son intensité.
Pour François HÉRAN des facteurs
favorisent même l’accroissement de l’étendue et l’intensité de la
sociabilité : l’élévation du niveau de revenu et d’éducation, la
recomposition des familles.
Pour FORSÉ et DEGENNE la réduction
du temps de travail, la hausse du niveau de vie laissent supposer mécaniquement
l’intensification des pratiques de sociabilité.
Les enquêtes empiriques sont les
enquêtes « contacts et relations de la vie quotidienne » de l’INSEE
réalisées en 1983 et 1997. Ces enquêtes ont consisté à compter le nombre journalier
d’interlocuteurs des individus. La comparaison montre que la tendance serait au
déclin du nombre d’interlocuteurs ce que François Héran impute au
vieillissement de la population, à la précarisation de l’emploi, à la montée du
chômage, au déclin des commerces de proximité et à la mobilité géographique.
Néanmoins n’assisterait-on pas
à une transformation plutôt qu’à un déclin de la sociabilité ?
Problèmes de ces enquêtes :
on ne prend en compte que le face-à-face. Les entretiens téléphoniques, les
discussions intra-ménages, les contacts professionnels, les contacts marchands
n’ont pas été comptabilisés. De plus ces enquêtes mesurent le nombre
d’interlocuteurs et non la durée des interactions.
1er argument : le
temps de sociabilité ne décline pas si on prend comme mesure non seulement le
nombre mais aussi le volume (= temps consacré).
Nouvelles enquêtes INSEE « emploi
du temps » en 1986 et en 1999. On constate une stabilité du temps consacré
(58 minutes puis 56 minutes) chaque jour aux activités qui servent de support
de relation avec les autres. Parmi ce temps : ce qui baisse : les
conversations face-à-face, le téléphone, le courrier (papier). Par contre sont
en hausse : les visites, les réceptions, les repas (amis, parents) ou
« sociabilité alimentaire ». Ces deux évolutions ne sont pas
nécessairement contradictoires : on peut avoir une diminution du nombre de
rencontres et une hausse du temps de sociabilité car la durée moyenne des
interactions augmente.
2ème argument :
un renforcement de la sociabilité interne (groupe domestique) au détriment de
la sociabilité externe ?
Ce qui augmente : les repas,
les activités domestiques, les activités de loisirs (télévision, promenades,
jeux) qui sont des supports d’interaction. Les enquêtes INSEE ne peuvent
mesurer la sociabilité externe donc on ne peut pas comparer la sociabilité
externe et la sociabilité interne. Problème d’autant plus complexe que le
nombre de ménages composés d’une seule personne est en augmentation.
3ème argument :
va-t-on vers des « sociabilités de substitution » (Carole-Anne RIVIÈRE) ?
Il faut se méfier d’un schéma
mécanique, déterministe selon lequel vivre seul est synonyme d’isolement
relationnel. Toutes les enquêtes montrent le contraire : les personnes
seules, toutes choses égales par ailleurs, ont plus de contacts que celles qui
vivent en couple. Leur sociabilité est différente : elle est forcément
externe mais cela ne signifie pas moins intense. Il existe d’autres processus
compensatoires de sociabilité par exemple la sociabilité téléphonique (si on
l’ajoute aux relations de face-à-face, le nombre de contacts augmente
fortement). (On peut également penser aux SMS, forums sur le Net…).
La transformation de la
sociabilité s’accompagne-t-elle d’un déclin de la cohésion sociale (comme le
pensait Putman) ?
NB : les discours de
déploration (c’était mieux avant...) ont toujours existé.
La sociabilité est l’élément
principal du capital social qui est une ressource collective. Donc selon Putman le déclin de la
sociabilité engendrerait le déclin de la cohésion sociale et de l’action
sociale aux Etats-Unis (et menacerait ainsi les fondements de la démocratie).
Néanmoins on peut assister à la
fois à un déclin de la sociabilité et à un renforcement de la cohésion sociale.
C’est ce qu’a montré en 1973 Marc Granovetter. Plus les réseaux de sociabilité
sont denses, plus ils sont étroits et ressemblent à des cliques = groupes
étroits, fermés sur eux-mêmes (ex : les Amish). François Héran montre que cela est vrai également en
France : « on fréquente ses pairs ». On pourrait formuler une
loi générale s’accordant avec celle de Granovetter : « la densité des échanges au sein d’un
milieu ne repose pas sur la densité des réseaux interpersonnels, mais tout au
contraire sur leur dilatation. Les deux densités varient en sens
inverse ».
Aux Etats-Unis un déclin de la
sociabilité, s’il se traduit par une baisse de la densité et de la connexité
des réseaux, peut avoir pour conséquence le développement de relations de
sociabilité beaucoup plus différenciées : cela privilégie les liens
faibles plutôt que les liens forts. Cela est plus favorable à l’intégration
qu’au repli communautaire.
Cette transformation de la
sociabilité s’accompagne-t-elle d’une multiplication des liens faibles (comme
le pense Granovetter) ?
Il n’y a pas de réponse certaine.
Aujourd’hui les chercheurs ne formulent que des hypothèses. Exemple : C-A
Rivière : la sociabilité téléphonique a des limites : le réseau est
plus restreint, moins diversifié que le face-à-face. Mais les pratiques
téléphoniques dessinent les contours d’une sociabilité affective : 70 %
des correspondants au téléphone sont des parents ou des amis, 50 % des
personnes rencontrées sont des parents ou amis. Les liens forts sont renforcés
par le téléphone ce qui renforce le repli plutôt que l’extension du réseau.
Conclusion :
Même si on défend l’idée qu’actuellement il y a plutôt différenciation que
déclin de la sociabilité, les réseaux de sociabilité sont moins homogènes,
moins imperméables et plus entrelacés qu’il y a trente ans. 5 facteurs
explicatifs :
*
développement de l’activité féminine
*
rapprochement des réseaux des conjoints
*
hausse du volume de la sociabilité du 3ème
âge (hausse de l’espérance de vie en bonne santé)
*
transformation du monde du travail : montée
d’un individualisme coopératif
*
libération des mœurs (hausse du nombre de
partenaires).
Une
nouvelle forme de sociabilité difficile à analyser serait en œuvre. Le rôle
intégrateur de la sociabilité serait modifié mais pas remis en question.
3 / Le
capital social : une forme spécifique de ressources sociales ?
Remarque préalable sur la notion
de capital social : cette notion a été définie de manière très différente.
Par exemple pour Ulf Hannerz (1969, deuxième école de Chicago, étude sur le
ghetto), le capital social c’est la sociabilité des plus pauvres, cela permet
aux plus démunis de s’entraider, c’est une forme spécifique de solidarité, donc
c’est une ressource sociale des plus démunis alors que pour Pierre Bourdieu le capital
social est possédé par les individus situés en haut de la hiérarchie sociale.
On peut ainsi, dans le cadre de
la sociologie des réseaux sociaux, définir le capital social comme une forme de ressource
sociale qui est produite par la taille du réseau personnel, par le volume des
ressources du réseau et qui est le produit des chances d’accès aux ressources.
Deux thèses s’opposent sur la
nature du capital social : la thèse de P. Bourdieu, et les thèses de
post-bourdieusiennes en particulier celle de Nan Lin.
Pour Bourdieu, le capital social
est moins légitime que les autres capitaux : économique, culturel
(objectivé, incorporé et institutionnalisé) et symbolique (= capacité à se
faire passer pour ce qu’on pense être). En effet, le capital social existe et
se maintient grâce aux capitaux économique et culturel. Le capital social est
proportionnel aux dotations en capital économique et en capital culturel, il
n’a aucun effet propre, il a un effet multiplicateur et ne fait que redoubler
les effets des capitaux économique et culturel. De plus le capital social est
sédentarisé en haut de l’échelle sociale.
Pour Nan Lin la vision de
Bourdieu est trop restrictive et normativement déclassante pour les classes
populaires. Pour Nan Lin le capital social est spécifique, c’est une ressource
qui a des effets réels (et pas seulement un multiplicateur) et qui évolue en
fonction de la position sociale des individus. En particulier le capital social
est possédé aussi par des individus en bas de l’échelle sociale : des personnes
pauvres.
Nan Lin recense des exemples
empiriques contredisant la thèse de Bourdieu.
Exemple de l’enquête de Marc Granovetter
auprès de 304 cadres et techniciens de Boston. 56 % ont trouvé leur emploi
grâce au réseau personnel donc le réseau est le moyen le plus efficace pour
trouver un emploi. Les emplois les plus satisfaisants ont été obtenus non pas
grâce à l’entourage le plus proche (famille, amis) c’est-à-dire les liens forts
(les relations intenses) mais grâce à des collègues ou anciens collègues de
travail fréquentés plus rarement. C’est la force des liens faibles.
Paradoxalement, les liens forts ne transmettent qu’une information redondante,
peu utile alors que les liens faibles fournissent des informations plus rares,
plus inédites, plus difficiles d’accès, plus originales. Ces informations sont
beaucoup moins redondantes donc sont plus utiles et efficaces dans la recherche
d’un emploi.
Exemple d’un échantillon de
10 000 personnes en France ayant un emploi dans une entreprise depuis
moins d’un an : enquête emploi de l’INSEE en 1994 (M Forsé) Si on admet
que la famille, les relations personnelles, les écoles et organisme de
formation constituent une forme de capital social, alors 35 %de ces personnes
ont trouvé un emploi via le capital social.
Mais finalement Nan Lin
relativise à la fois la thèse de Bourdieu et celle de Granovetter. Selon Nan
Lin, en haut et en bas de la hiérarchie sociale deux critères jouent : la
« force de position » (= place dans la pyramide) et la « force
des liens » (forts/faibles) :
*
en haut : les individus ont des liens
faibles seulement avec ceux en dessous d’eux, ils ont intérêt à privilégier les
liens forts.
*
en bas : l’homogénéité du réseau favorise
l’interaction des liens forts et réduit l’opportunité d’utiliser des liens
faibles.
Par conséquent, la proposition de
la « force des liens faibles » de Granovetter n’a pas de portée générale et ne s’applique qu’au
niveau moyen de la hiérarchie. Les trous structuraux non redondants ne
s’appliquent qu’aux classes moyennes.
4 /
Aspects didactiques et pédagogiques : thèmes du programme pouvant être
exploités
4.1 /
La famille
La famille peut être comprise
comme une sorte de réseau social confronté à un phénomène d’individualisation.
Elle demeure un lieu essentiel de réseau et de relations sociales.
I THÉRY : la famille permet
l’expression des individualités. L’enfant est conçu comme une individualité
propre. Il existe deux types d’échange dans les familles : des échanges
électifs et des échanges inter-subjectifs. La famille serait un réseau de
foyers qui organiserait la circulation des enfants des couples séparés. (cf.
évolution des lois sur l’autorité parentale en France : cela montre que
l’Etat intervient de plus en plus sur ce qui est privé et que les parents, même
séparés, continuent à être responsables en commun de leurs enfants).
D. LE GALL et C. MARTIN évoquent
un « réseau parental » dans les familles recomposées constitué des
parents d’origine et des nouveaux conjoints. La circulation des enfants a lieu
selon deux logiques : une logique de substitution surtout dans les milieux
populaires et une logique de pérennité (milieux sociaux moyens et
élevés) : négociations dans la passation de pouvoir. Ces auteurs créent
l’expression « presque parent »et montrent que cette fonction varie
selon les contextes.
A. PITROU et C. ATTIAS-DONFUT
montrent l’importance du « réseau de parenté » entre trois
générations (grands parents, parents = génération intermédiaire ou pivot,
petits-enfants). Les solidarités familiales prennent trois formes :
services domestiques, services relationnels et aides financières. Ces échanges
ont une fonction d’insertion (surtout dans les milieux aisés) et une fonction
de protection (surtout dans les milieux populaires).
C. BONVALET : au-delà du
rôle instrumental des réseaux de parents, ce qui compte c’est l’intensité des
contacts. Cette intensité dépend de la proximité spatiale : plus elle est
forte, plus les échanges sont nombreux.
4.2 /
La consommation
P. DI MAGGIO et H. LOUCH
identifient le réseau de relations sociales reliant les intervenants sur un
marché. Ils montrent que la consommation est un acte dépendant des réseaux
sociaux car le réseau social est un réducteur d’incertitude sur la qualité des
biens et services vendus (ex : voitures d’occasion, services d’un avocat).
L. KARPIK prend l’exemple des
biens singuliers tels que le service d’un médecin. Les biens singuliers sont
des biens consommés en fonction de leur qualité et non de leur prix. Ces biens
sont incommensurables, ils sont multidimensionnels (on ne peut pas décomposer
leur valeur en plusieurs éléments) et ont un caractère d’incertitude. Pour
lever ce dernier caractère, les consommateurs utilisent leur réseau social =
ils mobilisent leurs relations sociales pour évaluer les vendeurs potentiels
(c’est la « recherche encastrée »). La recherche est alors encastrée
dans deux types de réseaux : les « réseaux d’échange » formés de
relations interpersonnelles et les « réseaux producteurs » formés de
l’ensemble de la profession.
4.3 /
Le marché
M. MAUSS : la triple
obligation (donner, recevoir, rendre) des échanges assure une régularité
fonctionnelle permettant d’entretenir les réseaux sociaux.
K. POLANYI : rappel de la
thèse de La Grande Transformation
M-F. GARCIA-PARPET : étude
du marché aux fraises dans un village de Sologne. Marché au cadran fonctionnant
en situation de concurrence pure et parfaite grâce à la CCI qui a fixé des
règles.
M. GRANOVETTER : l’encastrement
structurel du marché par les réseaux.
Marc Granovetter montre que
l’encastrement tel que le décrivait K. Polanyi existe dans le cadre de la
recherche d’emploi. (Voir plus haut l’enquête sur les 304 cadres et techniciens
de Boston).
P. BOURDIEU : l’encastrement
institutionnel du marché par les réseaux.
Bourdieu prend l’exemple du
marché des maisons individuelles en Ile-de-France et montre le rôle
prépondérant des pouvoirs publics dans l’existence de ce marché : les
incitations fiscales, la réglementation sur les terrains, les règles d’hygiène
et de sécurité, les modes de financement, l’accès au crédit.
N. FLIGSTEIN effectue la même
démonstration que Bourdieu mais sur la Silicon Valley et le marché des
NTIC : rôle essentiel de l’Etat.
V. ZELLIZER introduit la notion
de « marchés multiples ».
Elle prend l’exemple de
l’assurance vie puis du marché de l’adoption des enfants aux Etats-Unis. Elle
démontre l’encastrement à travers l’émergence d’un marché de l’adoption entre
les années 1870 et 1930. A priori il est impossible de fixer un prix d’échange
des enfants sauf si on peut définir leur rôle affectif et économique.
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