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Réseaux sociaux, janv. 2012

Publié le 8 janv. 2012

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Le  dimanche 8 janvier 2012

C/r stage réseaux sociaux

Par L. Auffant (Aix-Marseille)

  • Compte rendu du stage sur les réseaux sociaux

    Jeudi 5 Janvier 2012, IUFM d’Aix-Marseille

    Jacques GERVASONI

    Compte-rendu rédigé par Lucile Auffant, professeur de SES au lycée V Hugo de Carpentras

    Documents distribués :

    Polycop 1 : plan de l’intervention et bibliographie + diapos présentées par Michel FORSÉ à l’ENS en 2003.

    Polycop 2 : quelques aspects didactiques et pédagogiques : stage de formation continue à Caen, extraits des cours de Marion Croizat, de Rémy Raynaud et de Delphine Dolce, évaluation proposée par Alain Santino.

    NB : les documents du polycopié 2 sont accessibles sur le site d’Alain Beitone : éloge des SES (www.eloge-des-ses.fr) sous l’onglet « pédagogie ».

     

    Introduction

    Les réseaux sociaux  peuvent être étudiés à travers deux approches :

    *    L’approche de l’école de Manchester née aux Etats-Unis dans les années 1920 (approche négligée en France et développée aux Etats-Unis)

    *    L’approche structurale qui se fonde sur un appareillage mathématique (théorie des graphes) et qui serait un nouveau paradigme permettant de dépasser l’opposition traditionnelle entre individualisme et holisme méthodologiques en utilisant une approche méso sociologique. L’analyse structurale montre en effet que les relations interpersonnelles ont des conséquences sur les structures et que les structures ont une influence sur les relations interpersonnelles.

    Le programme de SES de première se réfère à la deuxième approche et notamment à la thèse de Marc GRANOVETTER (« la force des liens faibles »).

    Mots-clés du PO : réseaux sociaux, capital social, formes de sociabilité.

     

    Comment définir les réseaux sociaux ?

    Pour Pierre MERCKLÉ un réseau social est l’ensemble des relations entre des individus.

    Les relations entre les individus vont primer sur les caractéristiques intrinsèques des individus (religion, sexe, âge, PCS, ...). Le réseau explique les structures sociales.

    Plusieurs critères permettent de définir les réseaux :

    *    la taille : on distingue alors les réseaux complets (par exemple une entreprise) et les réseaux égocentrés également appelés réseaux égocentriques ou encore réseaux personnels (représentés sous forme d’étoile). Les études empiriques portent sur les réseaux personnels car les réseaux complets sont difficiles à délimiter.

    *    la densité c’est-à-dire les rapports entre le nombre de liens possibles et le nombre de liens effectifs (ou observés).

    *   la diversité : la plus ou moins forte hétérogénéité des membres (par exemple un groupe de professeurs de SES, un groupe d’amis…)

    *   la nature des liens : ces liens sont-ils orientés, réciproques ? (Exemples de l’amour, de l’amitié).

    Ces différentes caractéristiques mesurent la cohésion sociale. Ainsi les réseaux sociaux sont une bonne mesure de la densité du lien social.

    NB : Facebook… sont des supports de sociabilité et non des réseaux sociaux.

    Parfois il existe des « trous structuraux » (Ronald BURT) dans les réseaux sociaux (cette notion est équivalente au « lien faible » chez Granovetter). Un trou structural désigne une situation où il n’y a pas de lien redondant (cf. schéma). Plus les trous structuraux sont nombreux, plus l’individu a des opportunités de rencontre, d’emploi.

    Img 1

    img 1

    A, B, C et D sont 4 individus, la double flèche signifie « a des relations avec ».

    Le trou structural se situe entre les individus B et C.

     

    1 / L’analyse des réseaux sociaux : un nouveau paradigme en sociologie ?

    Remarques préalables sur ce titre :

    Paradigme au sens de Thomas Kuhn : nouveau modèle explicatif (pour mieux comprendre la réalité) reposant sur une loi, une théorie, une application, un dispositif expérimental.

    Nouveau : par rapport à un paradigme plus ancien qui est donc remis en question.

    Un nouveau paradigme : est-ce une prétention trop exorbitante ?

    En France les deux auteurs marquant cette ambition sont Michel FORSÉ et Alain DEGENNE. Ils proposent une troisième voie : la voie méso sociologique qui dépasse l’opposition individualisme méthodologique/holisme méthodologique. Notamment pour M Forsé, les caractéristiques du réseau vont permettre d’expliquer les phénomènes sociaux. L’analyse structurale a alors deux objectifs : montrer que le réseau exerce une contrainte qui encadre les choix individuels mais aussi montrer que la structure résulte de ces choix individuels, des actions et des interactions individuelles.

    Cependant cette idée de nouveau paradigme est contestée. Ainsi, selon John BARNES il n’y a pas de théorie des réseaux sociaux, selon John SCOTT, « l’analyse des réseaux sociaux constitue un ensemble spécifique de méthodes et non une théorie scientifique », et enfin pour Emmanuel LAZEGA, il s’agit d’une méthode sociologique mais pas d’un nouveau paradigme.

    Quelles sont les critiques méthodologiques adressées à l’analyse structurale ?

    1ère critique : l’analyse des réseaux complets est impossible. Par exemple même dans le cas d’une entreprise il existe la possibilité d’une personne dite « marginal secant » : le commercial qui a des relations dans mais aussi en dehors de l’organisation. Par conséquent les enquêtes ne portent que sur des réseaux personnels.

    2ème critique : cette théorie est fondée sur l’hypothèse du choix rationnel (COLEMAN) autrement dit sur les calculs coûts/avantages. Or dans les relations avec autrui, un individu n’effectue pas toujours ce type de calcul. (De manière plus générale sur la critique de l’homo oeconomicus se référer aux travaux de John Elster)

    Cette hypothèse de rationalité est commode mais elle est trop restrictive, elle fait abstraction du cadre normatif.

    En conclusion, l’analyse des réseaux sociaux fait émerger de nouveaux problèmes mais ces nouveaux problèmes sont analysés avec des anciennes méthodes : par exemple R Burt utilise encore l’opposition entre individu et structure.

     

    2 / Le déclin de la sociabilité : une thèse vérifiée empiriquement ?

    Remarques préalables sur ce titre :

    Le déclin de la sociabilité peut s’observer au niveau quantitatif (en limitant tout de même son analyse à des réseaux personnels) et au niveau qualitatif (pour Robert PUTMAN ce serait synonyme de déclin « moral » autrement dit d’affaiblissement de la cohésion sociale).

    Définition de la sociabilité : pour Georg SIMMEL, la sociabilité est la forme la plus ludique de la socialisation, c’est un jeu sans contrainte, c’est aussi la forme la plus pure du réseau social : pas organisée, pas formelle.

    Une définition plus opératoire consiste à dire que la sociabilité est le recensement et les caractéristiques des interactions entre les individus.

    Comment mesurer la sociabilité ? par les pratiques mettant en relation un individu avec autrui : réception à domicile, sorties (cf. enquêtes d’Olivier DONNAT), les fêtes, la fréquentation des associations, la fréquentation des cafés, la pratique d’un sport…

    Quelle est la thèse de R Putman sur le déclin de la sociabilité (dans son article de 1995)?

    Selon Putman, depuis la fin des années 1970, on assisterait à un profond déclin de la sociabilité aux Etats-Unis qui se manifeste par

    • le déclin de la participation formelle : participation politique, civique, religieuse, syndicale
    • l’affaiblissement de relations sociales informelles : moins de sorties (au bowling en particulier), moins de réception, de repas familiaux…

    Ce déclin s’explique par quatre facteurs :

    • l’augmentation des pressions économiques et temporelles (hausse du chômage notamment)
    • l’étalement ou le mitage urbain
    • le développement exponentiel des NTIC
    • les comportements des jeunes générations (cause principale selon Putman) : chaque génération semble moins engagée dans la vie sociale que la génération précédente.

    Quelles critiques peut-on apporter à cette thèse ? Peut-on valider empiriquement la thèse de Putman ?

    Pour Henri MENDRAS, cette thèse sur le déclin de la sociabilité n’est qu’ « un bavardage sociologique » parce qu’il n’existe pas de possibilité de mesure globale fiable de la sociabilité.

    Pour Michel FORSÉ, même si on essaie d’approcher une mesure de ce déclin, cette thèse est invalidée en France par des études empiriques. Au contraire on assisterait à une hausse quantitative de la sociabilité ainsi qu’à un accroissement de son intensité.

    Pour François HÉRAN des facteurs favorisent même l’accroissement de l’étendue et l’intensité de la sociabilité : l’élévation du niveau de revenu et d’éducation, la recomposition des familles.

    Pour FORSÉ et DEGENNE la réduction du temps de travail, la hausse du niveau de vie laissent supposer mécaniquement l’intensification des pratiques de sociabilité.

    Les enquêtes empiriques sont les enquêtes « contacts et relations de la vie quotidienne » de l’INSEE réalisées en 1983 et 1997. Ces enquêtes ont consisté à compter le nombre journalier d’interlocuteurs des individus. La comparaison montre que la tendance serait au déclin du nombre d’interlocuteurs ce que François Héran impute au vieillissement de la population, à la précarisation de l’emploi, à la montée du chômage, au déclin des commerces de proximité et à la mobilité géographique.

    Néanmoins n’assisterait-on pas à une transformation plutôt qu’à un déclin de la sociabilité ?

    Problèmes de ces enquêtes : on ne prend en compte que le face-à-face. Les entretiens téléphoniques, les discussions intra-ménages, les contacts professionnels, les contacts marchands n’ont pas été comptabilisés. De plus ces enquêtes mesurent le nombre d’interlocuteurs et non la durée des interactions.

    1er argument : le temps de sociabilité ne décline pas si on prend comme mesure non seulement le nombre mais aussi le volume (= temps consacré).

    Nouvelles enquêtes INSEE « emploi du temps » en 1986 et en 1999. On constate une stabilité du temps consacré (58 minutes puis 56 minutes) chaque jour aux activités qui servent de support de relation avec les autres. Parmi ce temps : ce qui baisse : les conversations face-à-face, le téléphone, le courrier (papier). Par contre sont en hausse : les visites, les réceptions, les repas (amis, parents) ou « sociabilité alimentaire ». Ces deux évolutions ne sont pas nécessairement contradictoires : on peut avoir une diminution du nombre de rencontres et une hausse du temps de sociabilité car la durée moyenne des interactions augmente.

    2ème argument : un renforcement de la sociabilité interne (groupe domestique) au détriment de la sociabilité externe ?

    Ce qui augmente : les repas, les activités domestiques, les activités de loisirs (télévision, promenades, jeux) qui sont des supports d’interaction. Les enquêtes INSEE ne peuvent mesurer la sociabilité externe donc on ne peut pas comparer la sociabilité externe et la sociabilité interne. Problème d’autant plus complexe que le nombre de ménages composés d’une seule personne est en augmentation.

    3ème argument : va-t-on vers des « sociabilités de substitution » (Carole-Anne RIVIÈRE) ?

    Il faut se méfier d’un schéma mécanique, déterministe selon lequel vivre seul est synonyme d’isolement relationnel. Toutes les enquêtes montrent le contraire : les personnes seules, toutes choses égales par ailleurs, ont plus de contacts que celles qui vivent en couple. Leur sociabilité est différente : elle est forcément externe mais cela ne signifie pas moins intense. Il existe d’autres processus compensatoires de sociabilité par exemple la sociabilité téléphonique (si on l’ajoute aux relations de face-à-face, le nombre de contacts augmente fortement). (On peut également penser aux SMS, forums sur le Net…).

    La transformation de la sociabilité s’accompagne-t-elle d’un déclin de la cohésion sociale (comme le pensait Putman) ?

    NB : les discours de déploration (c’était mieux avant...) ont toujours existé.

    La sociabilité est l’élément principal du capital social qui est une ressource collective. Donc selon Putman le déclin de la sociabilité engendrerait le déclin de la cohésion sociale et de l’action sociale aux Etats-Unis (et menacerait ainsi les fondements de la démocratie).

    Néanmoins on peut assister à la fois à un déclin de la sociabilité et à un renforcement de la cohésion sociale. C’est ce qu’a montré en 1973 Marc Granovetter. Plus les réseaux de sociabilité sont denses, plus ils sont étroits et ressemblent à des cliques = groupes étroits, fermés sur eux-mêmes (ex : les Amish). François Héran montre que cela est vrai également en France : « on fréquente ses pairs ». On pourrait formuler une loi générale s’accordant avec celle de Granovetter : « la densité des échanges au sein d’un milieu ne repose pas sur la densité des réseaux interpersonnels, mais tout au contraire sur leur dilatation. Les deux densités varient en sens inverse ».

    Aux Etats-Unis un déclin de la sociabilité, s’il se traduit par une baisse de la densité et de la connexité des réseaux, peut avoir pour conséquence le développement de relations de sociabilité beaucoup plus différenciées : cela privilégie les liens faibles plutôt que les liens forts. Cela est plus favorable à l’intégration qu’au repli communautaire.

    Cette transformation de la sociabilité s’accompagne-t-elle d’une multiplication des liens faibles (comme le pense Granovetter) ?

    Il n’y a pas de réponse certaine. Aujourd’hui les chercheurs ne formulent que des hypothèses. Exemple : C-A Rivière : la sociabilité téléphonique a des limites : le réseau est plus restreint, moins diversifié que le face-à-face. Mais les pratiques téléphoniques dessinent les contours d’une sociabilité affective : 70 % des correspondants au téléphone sont des parents ou des amis, 50 % des personnes rencontrées sont des parents ou amis. Les liens forts sont renforcés par le téléphone ce qui renforce le repli plutôt que l’extension du réseau.

    Conclusion : Même si on défend l’idée qu’actuellement il y a plutôt différenciation que déclin de la sociabilité, les réseaux de sociabilité sont moins homogènes, moins imperméables et plus entrelacés qu’il y a trente ans. 5 facteurs explicatifs :

    *    développement de l’activité féminine

    *    rapprochement des réseaux des conjoints

    *    hausse du volume de la sociabilité du 3ème âge (hausse de l’espérance de vie en bonne santé)

    *    transformation du monde du travail : montée d’un individualisme coopératif

    *    libération des mœurs (hausse du nombre de partenaires).

    Une nouvelle forme de sociabilité difficile à analyser serait en œuvre. Le rôle intégrateur de la sociabilité serait modifié mais pas remis en question.

     

    3 / Le capital social : une forme spécifique de ressources sociales ?

    Remarque préalable sur la notion de capital social : cette notion a été définie de manière très différente. Par exemple pour Ulf Hannerz (1969, deuxième école de Chicago, étude sur le ghetto), le capital social c’est la sociabilité des plus pauvres, cela permet aux plus démunis de s’entraider, c’est une forme spécifique de solidarité, donc c’est une ressource sociale des plus démunis alors que pour Pierre Bourdieu le capital social est possédé par les individus situés en haut de la hiérarchie sociale.

    On peut ainsi, dans le cadre de la sociologie des réseaux sociaux, définir le capital social comme une forme de ressource sociale qui est produite par la taille du réseau personnel, par le volume des ressources du réseau et qui est le produit des chances d’accès aux ressources.

    Deux thèses s’opposent sur la nature du capital social : la thèse de P. Bourdieu, et les thèses de post-bourdieusiennes en particulier celle de Nan Lin.

    Pour Bourdieu, le capital social est moins légitime que les autres capitaux : économique, culturel (objectivé, incorporé et institutionnalisé) et symbolique (= capacité à se faire passer pour ce qu’on pense être). En effet, le capital social existe et se maintient grâce aux capitaux économique et culturel. Le capital social est proportionnel aux dotations en capital économique et en capital culturel, il n’a aucun effet propre, il a un effet multiplicateur et ne fait que redoubler les effets des capitaux économique et culturel. De plus le capital social est sédentarisé en haut de l’échelle sociale.

    Pour Nan Lin la vision de Bourdieu est trop restrictive et normativement déclassante pour les classes populaires. Pour Nan Lin le capital social est spécifique, c’est une ressource qui a des effets réels (et pas seulement un multiplicateur) et qui évolue en fonction de la position sociale des individus. En particulier le capital social est possédé aussi par des individus en bas de l’échelle sociale : des personnes pauvres.

    Nan Lin recense des exemples empiriques contredisant la thèse de Bourdieu.

    Exemple de l’enquête de Marc Granovetter auprès de 304 cadres et techniciens de Boston. 56 % ont trouvé leur emploi grâce au réseau personnel donc le réseau est le moyen le plus efficace pour trouver un emploi. Les emplois les plus satisfaisants ont été obtenus non pas grâce à l’entourage le plus proche (famille, amis) c’est-à-dire les liens forts (les relations intenses) mais grâce à des collègues ou anciens collègues de travail fréquentés plus rarement. C’est la force des liens faibles. Paradoxalement, les liens forts ne transmettent qu’une information redondante, peu utile alors que les liens faibles fournissent des informations plus rares, plus inédites, plus difficiles d’accès, plus originales. Ces informations sont beaucoup moins redondantes donc sont plus utiles et efficaces dans la recherche d’un emploi.

    Exemple d’un échantillon de 10 000 personnes en France ayant un emploi dans une entreprise depuis moins d’un an : enquête emploi de l’INSEE en 1994 (M Forsé) Si on admet que la famille, les relations personnelles, les écoles et organisme de formation constituent une forme de capital social, alors 35 %de ces personnes ont trouvé un emploi via le capital social.

    Mais finalement Nan Lin relativise à la fois la thèse de Bourdieu et celle de Granovetter. Selon Nan Lin, en haut et en bas de la hiérarchie sociale deux critères jouent : la « force de position » (= place dans la pyramide) et la « force des liens » (forts/faibles) :

    *   en haut : les individus ont des liens faibles seulement avec ceux en dessous d’eux, ils ont intérêt à privilégier les liens forts.

    *    en bas : l’homogénéité du réseau favorise l’interaction des liens forts et réduit l’opportunité d’utiliser des liens faibles.

    Par conséquent, la proposition de la « force des liens faibles » de Granovetter n’a pas de portée générale et ne s’applique qu’au niveau moyen de la hiérarchie. Les trous structuraux non redondants ne s’appliquent qu’aux classes moyennes.

     

    4 / Aspects didactiques et pédagogiques : thèmes du programme pouvant être exploités

    4.1 / La famille

    La famille peut être comprise comme une sorte de réseau social confronté à un phénomène d’individualisation. Elle demeure un lieu essentiel de réseau et de relations sociales.

    I THÉRY : la famille permet l’expression des individualités. L’enfant est conçu comme une individualité propre. Il existe deux types d’échange dans les familles : des échanges électifs et des échanges inter-subjectifs. La famille serait un réseau de foyers qui organiserait la circulation des enfants des couples séparés. (cf. évolution des lois sur l’autorité parentale en France : cela montre que l’Etat intervient de plus en plus sur ce qui est privé et que les parents, même séparés, continuent à être responsables en commun de leurs enfants).

    D. LE GALL et C. MARTIN évoquent un « réseau parental » dans les familles recomposées constitué des parents d’origine et des nouveaux conjoints. La circulation des enfants a lieu selon deux logiques : une logique de substitution surtout dans les milieux populaires et une logique de pérennité (milieux sociaux moyens et élevés) : négociations dans la passation de pouvoir. Ces auteurs créent l’expression « presque parent »et montrent que cette fonction varie selon les contextes.

    A. PITROU et C. ATTIAS-DONFUT montrent l’importance du « réseau de parenté » entre trois générations (grands parents, parents = génération intermédiaire ou pivot, petits-enfants). Les solidarités familiales prennent trois formes : services domestiques, services relationnels et aides financières. Ces échanges ont une fonction d’insertion (surtout dans les milieux aisés) et une fonction de protection (surtout dans les milieux populaires).

    C. BONVALET : au-delà du rôle instrumental des réseaux de parents, ce qui compte c’est l’intensité des contacts. Cette intensité dépend de la proximité spatiale : plus elle est forte, plus les échanges sont nombreux.

    4.2 / La consommation

    P. DI MAGGIO et H. LOUCH identifient le réseau de relations sociales reliant les intervenants sur un marché. Ils montrent que la consommation est un acte dépendant des réseaux sociaux car le réseau social est un réducteur d’incertitude sur la qualité des biens et services vendus (ex : voitures d’occasion, services d’un avocat).

    L. KARPIK prend l’exemple des biens singuliers tels que le service d’un médecin. Les biens singuliers sont des biens consommés en fonction de leur qualité et non de leur prix. Ces biens sont incommensurables, ils sont multidimensionnels (on ne peut pas décomposer leur valeur en plusieurs éléments) et ont un caractère d’incertitude. Pour lever ce dernier caractère, les consommateurs utilisent leur réseau social = ils mobilisent leurs relations sociales pour évaluer les vendeurs potentiels (c’est la « recherche encastrée »). La recherche est alors encastrée dans deux types de réseaux : les « réseaux d’échange » formés de relations interpersonnelles et les « réseaux producteurs » formés de l’ensemble de la profession.

    4.3 / Le marché

    M. MAUSS : la triple obligation (donner, recevoir, rendre) des échanges assure une régularité fonctionnelle permettant d’entretenir les réseaux sociaux.

    K. POLANYI : rappel de la thèse de La Grande Transformation

    M-F. GARCIA-PARPET : étude du marché aux fraises dans un village de Sologne. Marché au cadran fonctionnant en situation de concurrence pure et parfaite grâce à la CCI qui a fixé des règles.

    M. GRANOVETTER : l’encastrement structurel du marché par les réseaux.

    Marc Granovetter montre que l’encastrement tel que le décrivait K. Polanyi existe dans le cadre de la recherche d’emploi. (Voir plus haut l’enquête sur les 304 cadres et techniciens de Boston).

    P. BOURDIEU : l’encastrement institutionnel du marché par les réseaux.

    Bourdieu prend l’exemple du marché des maisons individuelles en Ile-de-France et montre le rôle prépondérant des pouvoirs publics dans l’existence de ce marché : les incitations fiscales, la réglementation sur les terrains, les règles d’hygiène et de sécurité, les modes de financement, l’accès au crédit.

    N. FLIGSTEIN effectue la même démonstration que Bourdieu mais sur la Silicon Valley et le marché des NTIC : rôle essentiel de l’Etat.

    V. ZELLIZER introduit la notion de « marchés multiples ».

    Elle prend l’exemple de l’assurance vie puis du marché de l’adoption des enfants aux Etats-Unis. Elle démontre l’encastrement à travers l’émergence d’un marché de l’adoption entre les années 1870 et 1930. A priori il est impossible de fixer un prix d’échange des enfants sauf si on peut définir leur rôle affectif et économique.