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Pratiques innovantes

Publié le 30 janv. 2024 Modifié le : 11 févr. 2024

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Le  mardi 30 janvier 2024

Comment travailler autrement la technique en classe de mathématiques ?

Une application des plans de travail au collège Longchamp

  • Dans cet article, nous vous proposons de découvrir un dispositif innovant permettant de faire évoluer la pratique enseignante quant au travail de la technique en classe de mathématiques. Différents objectifs sont visés de la différenciation à l’évaluation positive en passant par l’articulation des savoirs tout en essayant de redonner confiance aux élèves et de développer leur autonomie.

     

     

    1. Pourquoi un tel dispositif ?

     

    Nous avons observé à l’origine une double problématique récurrente à laquelle il semblait urgent de répondre par une redéfinition des pratiques individuelles mais aussi collectives : l’impression de passer beaucoup de temps sur le travail technique pour un résultat dépourvu de sens, peu efficace et insatisfaisant et la perte de motivation des élèves (voire l’abandon des élèves en situation d’échec) qui associent les Mathématiques à de la pure technique.

     

    Par conséquent, nous avons décidé de circonscrire le travail technique pour gagner du temps dévolu à la résolution de problèmes plus susceptibles de donner du sens aux apprentissages et de différencier les rythmes de travail pour permettre à chaque élève de se sentir en réussite. Il s’est donc agi pour nous de faire progresser chaque élève sur tous les aspects du travail mathématique, leur redonner confiance dans cette matière, différencier les parcours d’apprentissage, faire évoluer les pratiques d’évaluation (en favorisant l’évaluation positive des acquis), développer l’autonomie des élèves et favoriser le travail d’équipe et la coopération (entre élèves comme entre professeurs).

     

     

    1. Description du dispositif.

     

    Les attendus de cycle 3 et de cycle 4 ont été déclinés en liste de gestes techniques “élémentaires” organisés par thématiques (Nombres et calculs, Gestion de données, Géométrie, Algorithmique) et classés par ordre de difficulté croissante.

     

    A chacun de ces gestes techniques correspond une fiche d’exercices auto-corrective (appelée fiche de TI - Travail Individualisé) à laquelle les élèves peuvent accéder en classe (des pochettes de couleur contenant des photocopies sont mises à leur disposition) mais aussi à la maison (à travers un portail web contenant toutes les ressources utiles).  Il lui est aussi associé un palier, nom donné à une courte évaluation permettant de valider le travail effectif du geste technique en question et sa maîtrise à un instant T, instant choisi par l’élève.

     

     

    mceclip1 - 2024-01-30 18h38m22s

     

    Organisation de la salle.

     

    Le principe repose sur le fait que, durant ces séances spécifiques hebdomadaires, chaque élève choisit ce sur quoi il souhaite travailler, détermine seul (ou avec l’aide du professeur) son parcours d’entraînement aidé en cela de divers documents d’accompagnement, à commencer par un plan de travail, outil fondamental sur lequel il note les fiches choisies, les paliers passés, réussis ou ratés, l’objectif qu’il se fixe et le bilan de la période. Pour certains niveaux de classe, des thèmes de travail sont imposés afin de garder un lien avec la progression “classique” mais sont complétés par des thèmes libres qui permettent de différencier les parcours.

     

     

    Ce travail s’organise sur des périodes de trois semaines, appelées trizaines, à l’issue desquelles un bilan est réalisé par l’élève qui doit statuer sur l’efficacité de son travail, l’atteinte ou non de son objectif, la formulation éventuelle des difficultés rencontrées.

     

     

    En termes d’organisation, chaque professeur impliqué dans ce dispositif distribue et explicite en début d’année un mode d’emploi permettant de résumer les attentes et les objectifs, puis consacre une heure par classe et par semaine à ce type de travail. A la fin de chaque trizaine, le professeur peut orienter les élèves en difficulté vers certaines fiches de TI appropriées, organiser des binômes ou équipes coopératives, faire en sorte que certains élèves accélèrent le rythme de travail ou, a contrario, demander à certains de moins se précipiter. A la fin de chaque trimestre, un bilan est réalisé du travail effectué par chacun. Un bilan “comptable” basé sur le nombre de paliers passés, le nombre effectif de séances réalisées ou un ratio paliers réussis/paliers ratés mais également qualitatif car l'implication dans le travail et le sérieux engagé sont valorisés.

     

     

     

    mceclip0 - 2024-01-30 16h14m37s

     

    mceclip1 - 2024-01-30 16h15m00s

     

    Fiche de plan de travail d’une trizaine

     

    1. Les effets.

     

    Ce dispositif, à la fois dans sa conception mais aussi grâce à la posture enseignante, favorise la gestion de l’hétérogénéité dans la classe mais aussi l’autonomie des élèves, entrainant une motivation accrue de ces derniers.

     

     

    Différents aspects de la différenciation sont visibles dans ce dispositif :

     

    • Les élèves choisissent le thème qu’il souhaite travailler, ce qui leur permet de faire des progrès dans les domaines où ils sont moins à l'aise ou de consolider leur compréhension dans d'autres domaines.

     

    • Plusieurs niveaux de difficultés pour chacun des thèmes sont disponibles. Les élèves peuvent alors travailler au plus proche de leur niveau de compétence.

     

    • Chaque élève peut choisir la modalité de travail qui lui convient à chaque instant : seul, en binôme, avec l’aide ponctuelle d’un camarade ou du professeur, en utilisant les fiches corrections.

     

    • Grâce au plan de travail, chaque élève peut travailler à son propre rythme pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé.

     

    De par la diversité des thématiques étudiées par les élèves, on pourrait craindre un écart encore plus important entre les élèves. Cependant, dans ce dispositif, les élèves se concentrent exclusivement sur des connaissances déjà abordées en classe traditionnelle. De cette manière, en se concentrant sur l'entraînement des compétences techniques existantes, les élèves peuvent progresser mais sans être confrontés à de nouvelles notions, ce qui aurait pu contribuer à creuser les écarts de niveau au sein de la classe. Ainsi, les élèves progressent autant qu’ils le peuvent dans l’acquisition des compétences institutionnellement requises sans accentuer davantage les disparités au sein de la classe.

     

     

    De plus, nous avons constaté une augmentation notable de la motivation des élèves au cours de ces séances de mathématiques. Le dispositif tel qu'il est structuré offre aux élèves une grande liberté sous contrôle. On pourrait se poser la question de savoir si, dans ces conditions, les élèves se démobilisent mais il en est tout autrement. En réalité, les élèves se sentent investis dans leur propre réussite et élaborent des stratégies pour atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés. Cette responsabilisation des élèves nous paraît intéressante car elle leur permet de développer des méthodes d'apprentissage adaptées à leurs besoins individuels (certains ont toujours besoin d'une certaine assistance de l'enseignant, mais ce n'est pas le cas pour tous). Ils font preuve de persévérance lorsqu'ils rencontrent des obstacles en utilisant les ressources mises à leur disposition, commencent rapidement à travailler de manière autonome, et s'engagent activement dans leurs tâches sur une période prolongée.

     

     

    Enfin, un aspect essentiel à considérer dans ce dispositif concerne la manière dont il intègre l'erreur. Lorsque les élèves travaillent sur une technique spécifique et se retrouvent confrontés à un obstacle ou à un résultat incorrect, ils se servent des ressources disponibles pour rectifier cette erreur par leurs propres moyens, ce qui leur permet de renforcer davantage leur maîtrise des compétences nécessaires. De plus, les élèves ont la liberté de sélectionner le moment où ils passent leurs évaluations (paliers), voire de les répéter en cas d'échec. Cette approche accroît leur engagement dans les tâches à réaliser, leur démontre que les améliorations résultant de leurs efforts sont prises en considération, ce qui renforce leur estime d'eux-mêmes et contribue également à une perception positive de la matière enseignée.

     

     

     

    1. Les postures enseignantes – le rôle de l’enseignant.

     

    Cette pratique enseignante modifie la place attribuée à chaque acteur par rapport à une pratique centrée sur le professeur (l’enseignant est supposé détenir un savoir, un savoir-faire et le transmettre tout en régulant les apprentissages des élèves, en les évaluant … et les élèves sont censés écouter, cherchés à effectuer les tâches proposées …). En effet, ici, l'enseignant cherche à prendre un rôle moins prépondérant, laissant à l'élève la responsabilité de diriger sa propre réflexion. En parallèle, l'élève s'engage activement dans ses recherches, collabore avec ses pairs, ose poser des questions et contribuer en proposant des réponses, etc…

     

     

    Dans la mise en œuvre de ce dispositif, l'enseignant adopte diverses postures en fonction de la situation et des besoins de l'élève. Par exemple, il peut apporter des aides ponctuelles à un élève qui en fait la demande, tout en encourageant le développement d'une démarche réflexive chez les élèves (il évite de fournir directement la réponse, mais les encourage à poursuivre leur réflexion en posant des questions ou en identifiant ce qui bloque leur avancée). Il peut également proposer un accompagnement de plus en plus soutenu en réponse aux difficultés rencontrées par les élèves. D'autre part, l'enseignant peut se mettre en retrait, permettant aux élèves d’être responsable de leur propre travail et de chercher des solutions à des problèmes à leur portée en utilisant les ressources à leur disposition. De plus, de manière occasionnelle et lorsque cela est nécessaire, l'enseignant peut fournir des rappels sur les connaissances que les élèves mobilisent, notamment sur des aspects techniques particuliers. On pourrait renforcer l’autonomie des élèves en proposant des fiches méthodes ou rappel des savoirs, cela est prévu dans l’amélioration de notre dispositif.

     

     

    Ces diverses attitudes adoptées par l'enseignant vont renforcer l'engagement des élèves dans leur tâche, leur persévérance à atteindre leurs objectifs, ainsi que leur capacité à adopter une attitude réflexive pour évaluer la validité de leur travail et la réguler si nécessaire.

     

     

    Un aspect particulier de ce dispositif mis en place dans notre collège est la réalisation de séances hebdomadaires en coanimation. En effet, lors de ces séances, de nombreuses tâches "administratives" doivent être accomplies, telles que la distribution des feuilles de paliers techniques sur demande, l'organisation des fiches de travail individualisé, la gestion des plans de travail, etc. Ainsi, lorsque l'un des enseignants s'occupe de ces responsabilités, l'autre enseignant a la possibilité d'observer le travail des élèves, d'analyser leurs difficultés et de consacrer toute son attention à l'accompagnement individuel de chacun. Cela permet d'établir une relation privilégiée entre l'enseignant et l'élève en difficulté, favorisant ainsi la personnalisation de l'enseignement et contribuant de manière significative à accroître la motivation des élèves.

     

     

     

    1. L’investissement côté enseignant. 

     

    Avant d’avoir pu être mis en œuvre, le dispositif a nécessité de nombreuses heures de travail et de réflexion, de concertation préalable et de répartition des tâches. Les fiches auto-correctives très nombreuses nécessaires à la mise en place de ce type de pédagogie ont requis un temps de préparation et de mise en forme non négligeable, la conception de chaque palier et des documents d’accompagnement s’étant avérés également très chronophages. Une fois cette base de documents de travail réalisée, demeure la logistique hebdomadaire : imprimer suffisamment de fiches pour que les élèves puissent travailler sans heurts, corriger les paliers d’une semaine à l’autre pour un suivi régulier et une avancée fluide dans le parcours d’entraînement de chaque élève, établir les bilans de trizaine pour aider à la progression et à l’organisation.

     

    Ce type de protocole de travail requiert également une salle équipée de toutes les photocopies nécessaires et peut difficilement se coupler à une pratique nomade. Par ailleurs, les échanges entre les différents collaborateurs du projet sont nécessairement réguliers afin d’affiner en permanence soit le contenu des fiches de TI, soit le découpage des paliers techniques lui-même, soit encore les documents d’aide au travail autonome des élèves (plans de travail, modes d’emploi, liste des paliers). Par ailleurs, il est primordial d’accompagner au mieux les élèves dans cet apprentissage de l’autonomie en utilisant avec rigueur et régularité le cahier de textes numérique par exemple, afin de leur signaler à toute fin utile que des fiches sont à préparer à la maison d’une semaine à l’autre. Enfin, la communication envers les familles en début d’année (mais également tout au long de l’avancée dans les semaines de cours) constitue une étape importante qu’il convient de soigner pour que parents, élèves et professeurs travaillent de concert.

     

     

     

    1. Les améliorations possibles.

     

    • Du point de vue organisationnel :

    Afin d’améliorer l’autonomie des élèves et de les accompagner au mieux dans cet apprentissage, nous envisageons de créer des livrets de travail en lieu et place des plans de travail initiaux. Ce livret de travail, composé de multiples plans de travail ainsi que d’un mode d’emploi et d’un tableau des paliers, permettra une lisibilité temporelle plus simple pour les élèves et pourra servir de lien avec les familles et les personnels impliqués dans l’aide aux devoirs. 

     

     

    Nous comptons également faciliter l’accès sur le portail web du collège au site dédié au travail individualisé en Mathématiques.

     

     

    Dans une perspective d’amélioration des contenus et de meilleure adéquation aux attendus des programmes, nous prévoyons de redécouper plus précisément les gestes techniques et d’y associer de nouvelles fiches. De plus, il nous paraît utile de proposer pour chaque fiche un petit résumé de cours ou une fiche méthode afin que les élèves gagnent encore en autonomie et perfectionnent leur boucle évaluative.

     

     

    • Du point de vue des contenus mathématiques :

    Un autre aspect à prendre en considération avant de se lancer dans ce projet est l’articulation annuelle du travail. En effet, consacrer une heure par semaine à ce dispositif signifie réduire d'autant le temps réservé aux cours de mathématiques traditionnels. Par conséquent, il est essentiel de parvenir à intégrer ces sessions de travail technique (qui s'appuient sur le programme de la classe ainsi que sur celui du cycle entier) dans la progression annuelle prévue. Ce qui reviendrait à étendre à tous les niveaux de classe le fait d’imposer certains thèmes d’entrainement, favorisant ainsi le fait que les élèves récoltent les fruits de leurs efforts lors des cours plus conventionnels  en percevant les bénéfices.

     

     

    Par ailleurs, il serait intéressant de voir comment arriver à lier plus finement ce dispositif hebdomadaire avec les autres séances. Plus spécifiquement, il conviendrait d'approfondir la question de l'entraînement technique et de son efficacité dans la résolution de problèmes, ce qui est essentiel pour réussir la modélisation mathématique dans des situations problèmes. C'est un défi qu'il est important d'explorer afin d’améliorer encore l’efficacité de ce dispositif.

     

     

    • Du point de vue des postures enseignantes :

    Puisque les différentes postures du professeur ainsi que celles des élèves sont d’une importance cruciale dans la mise en œuvre de ce dispositif, nous continuerons à affiner notre réflexion sur ces diverses postures et à multiplier les possibilités de travail en commun pour s’observer les uns les autres, tout en développant une expérimentation toujours renouvelée sur la coopération nécessaire des élèves.



     

    mceclip2 - 2024-01-30 18h41m20s

     

     

    Comment cela se passe dans la classe.

     

    Pascale Franchi et Karine Fouchet-Isambard. En collaboration avec Karine Millon-Fauré, Bernard Bloch et Fabien Desnoyers.