Cet article est une synthèse de la formation « Pratiques pédagogiques de SVT en collège » pour l’année 2024-2025.
La science consiste à se poser des questions, à remettre en question ce qui semble évident et à examiner nos habitudes pour en comprendre le sens. En tant qu’enseignants, nous avons développé au fil du temps,un savoir-faire auprès des élèves : nous effectuons notre travail en nous appuyant sur ce qui nous paraît, grâce à notre intuition et à nos retours d’expérience, être le plus adapté à leurs besoins.
L’objectif de cette formation était de transposer à nous-mêmes cet esprit critique, si essentiel en science, afin de prendre du recul sur nos pratiques et d’interroger nos gestes professionnels, tant sur leur sens que sur leur finalité.
- Cette formation nous a invités à réfléchir sur le scénario pédagogique, c’est-à-dire l’histoire que nous choisissons de raconter à nos élèves.
- Dans notre discipline, ce scénario s’appuie souvent sur la démarche scientifique. Toutefois, nous avons identifié un piège fréquent dans lequel il est facile de tomber.
- Le cœur de notre travail consiste à faire travailler les élèves. Nous avons exploré comment articuler le scénario pédagogique avec les activités en classe afin de leur donner un maximum de sens et de favoriser l’appropriation des notions par les élèves.
- Enfin, nous avons abordé la manière d’évaluer, dans le même esprit, les progrès de nos élèves.
LE SCÉNARIO
L’objectif était de déterminer les forces et les faiblesses du scénario proposé : cohérence scénario par rapport au programme, cohérence de la situation déclenchante, de la consigne, du support et modalité d’activité et du bilan.
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La faiblesse principale du scénario étudié, en plus d’être en grande partie hors programme, est qu’il privilégiait la tâche à réaliser plutôt que le sens global, rendant les activités décousues, comme des épisodes d’une série visionnés dans le désordre : cohérents individuellement, mais sans continuité narrative.
Cette discontinuité a entraîné des conséquences : les consignes manquaient de sens, les activités contribuaient peu à l'acquisition du savoir, avec des connaissances qui arrivaient sans lien logique entre elles. Cela contribuait, sans être la seule cause ni une solution miracle, au manque d'intérêt des élèves pour le travail proposé et ne facilitait pas leur appropriation de la connaissance.
Pour illustrer, nous pouvons faire un focus sur la première activité proposée dans le scénario à étudier : le dessin d’observation de la graine de haricot.
- L'accroche « À partir de quoi la graine peut se développer ? » semble sortir de nulle part. L’observation de la graine et son dessin deviennent ainsi une simple tâche à réaliser, sans objectif clair ni lien évident avec l’histoire que nous cherchons à raconter aux élèves.
- On pourrait au contraire donner du sens à l'observation de l'intérieur de la graine en établissant un lien avec les besoins alimentaires des plantes, tels qu’abordés dans le programme. La photosynthèse étant impossible lorsque la graine est enfouie sous terre et que la plantule ne possède pas encore de feuilles, comment la plante parvient-elle à se nourrir dans les premiers jours de croissance, alors même que ses besoins alimentaires sont importants ? L’observation de la graine devient alors non pas une fin en soi, mais un moyen d’explorer et de comprendre le monde qui nous entoure.
- Les autres activités proposées présentent la même faiblesse : leur insertion dans le scénario fait de la tâche à réaliser une finalité en elle-même.
À noter qu’avoir pour finalité la réalisation d’une tâche n’est pas nécessairement problématique, à condition que le but recherché soit précisément l’acquisition d’une méthode pour accomplir cette tâche. Cet objectif doit alors être clairement identifié et explicitement partagé avec les élèves et le professeur : il s’agit ici avant tout de leur apprendre comment faire, et l’objectif notionnel est alors secondaire.
Les documents dans la partie ressource d’Éduscol (le premier pdf de chaque thème) permettent de visualiser les connexions connaissances passées, savoirs nouveaux et notions futures au fil de la scolarité et sont une aide pour construire un scénario.
Élaborer un scénario pédagogique où les exercices et les connaissances s’enchaînent pour suivre une histoire cohérente c’est donner du sens aux apprentissages. Une des possibilités (mais pas la seule) est de suivre une démarche scientifique. Mais nous allons le voir tout de suite, présenter aux élèves la démarche scientifique est loin d’être trivial…
LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
L’objectif était de comparer les méthodes utilisées pour construire les hypothèses proposées, afin d’évaluer leur pertinence.
Dans la première approche, il s’agissait de vérifier si les ferments lactiques sont bien responsables de la transformation du lait en yaourt après l’analyse de la recette. Le professeur formule alors l’hypothèse que les ferments sont à l’origine de cette transformation, avant de concevoir une expérience pour la vérifier. Il en profite pour faire varier la température, conformément aux attendus des programmes ("identifier les paramètres d’influence"), même si cela n’est pas directement lié au problème initial.
La deuxième approche, quant à elle, repose sur un problème observé : "Pourquoi ma transformation en yaourt ne fonctionne-t-elle pas, malgré la présence de ferments ?" À partir de cette question, des hypothèses sont posées, suivies d’expériences de vérification.
Les deux approches fonctionnent, cependant, en y regardant de plus près, on remarque que la première semble quelque peu artificielle : le professeur formule une hypothèse davantage par obligation que par nécessité. En revanche, la deuxième approche apparaît plus naturelle, car l’hypothèse découle directement d’un problème pratique et observable.
Notre but est d’encourager la pensée, la posture scientifique : questionner, explorer, chercher des solutions. Les procédures scientifiques (comme OHERIC : Observation → Hypothèse → Expérience → Résultats → Interprétation → Conclusion) ne sont que des outils parmi d’autres et ne sont pas une finalité. Les étapes d’OHERIC s’enrichissent mutuellement dans un ordre non figé, tant que celles-ci permettent la posture scientifique, c’est à dire de suivre une logique, un raisonnement.
La formulation d’une hypothèse n’est donc pas une obligation, même dans une démarche expérimentale tant que cela a du sens dans le scénario.
Dans l'exemple ci-dessous, l'expérience est réalisée sans chercher à répondre à une quelconque hypothèse. Le travail des élèves consiste à la réaliser et à comprendre les résultats obtenus grâce aux documents complémentaires fournis, ce qui les amène à découvrir la spécificité de la fixation antigène-anticorps. Aucune hypothèse n'est posée dans cette démarche.
L’expérience peut également constituer, par exemple, le point d’entrée de la démarche, menant ensuite à la formulation d’une hypothèse, puis à l’élaboration d’un nouveau protocole expérimental issu des observations réalisées lors de la première expérience.
En cherchant à construire chaque savoir, on se prive parfois de les mobiliser durant la problématisation. Pourtant, selon le contexte, comprendre ces savoirs à travers l’investigation est tout aussi bénéfique pour l’apprentissage et la consolidation des connaissances que de les construire par cet intermédiaire. Avec l’exemple brucellose au-dessus, construire un savoir via une hypothèse est impossible avec nos contraintes. Ici, les élèves peuvent manipuler pour comprendre et assimiler des mécanismes déjà connus, sans avoir à formuler une hypothèse formelle au préalable.
Tout savoir ne peut être construit par les élèves. Certaines connaissances au contraire doivent être apportées pour éviter des démarches artificielles ou dogmatiques.
La démarche OHERIC ne doit pas limiter notre liberté de suivre les étapes de la démarche scientifique dans l’ordre qui a le plus de sens pour nos élèves, car la science n’est en réalité pas linéaire. Les démarches d’investigation scientifique reposent sur une posture (une pensée scientifique, un objectif à atteindre) plutôt que sur une procédure rigide (les tâches à accomplir, comme dans OHERIC).
Faire raisonner les élèves en termes de posture n’est pas aisée. Très rapidement l’attention des élèves va se porter sur les procédures. Une (mais pas l’unique) solution est de leur proposer des taches à prises d’initiative.
LES ACTIVITÉS À PRISE D’INITIATIVE
L’objectif était d’analyser la construction et de déterminer les plus-values des activités à prise d’initiative.
Les activités incitant à l’initiative, en mettant l'accent sur la posture, permettent aux élèves de réfléchir à une stratégie plutôt que de suivre mécaniquement des étapes guidées. À l’inverse, les fiches d’activité, avec leurs multiples questions, limitent l’autonomie intellectuelle des élèves, compliquent la différenciation et alourdissent la préparation pour l’enseignant, tout en empêchant les élèves de saisir l’objectif global.
Prenons un exemple, présenté en détail ici
Le but, dans cet exemple, est de répondre à la question : « Comment expliquer l’accumulation des déchets dans l’océan ? »
L’activité, présentée sous la forme d’une « fiche d’activité », fragmente le travail en une succession de tâches à réaliser :
- Question 1 : Citer, à l’aide de la carte (document 1), les océans dans lesquels on retrouve des plaques de déchets.
- Question 2 : Formuler une hypothèse permettant d’expliquer l’accumulation.
- Question 3 : En observant la carte des courants (document 2), proposer une explication.
… et ainsi de suite.
Cette façon de présenter l’activité fait perdre de vue l’objectif initial : la tâche à réaliser devient une finalité en elle-même (voir la première partie de cet article sur le scénario).
À l’inverse, une présentation sous forme d’activité à prise d’initiative met l’accent sur le sens :
Consigne : À partir des informations apportées par les deux cartes, expliquer la position des plaques de déchets au milieu des océans. La réponse doit être rédigée sous la forme d’un court texte argumenté, en s’appuyant sur les données des deux documents.
Il faut imaginer ces questions successives comme les roulettes d’un vélo pour un enfant qui apprend à en faire. Elles peuvent être utiles à un moment donné, mais leur présence prolongée finit par ralentir l’apprentissage de l’équilibre. Elles donnent l’illusion d’avancer alors qu’en réalité, ce n’est pas le cas.
À l’inverse, nous pouvons considérer les activités à prise d’initiative comme un apprentissage du vélo sans roulettes, ce qui n’empêche pas de rendre cet apprentissage progressif (par exemple, en passant par l’étape de la draisienne) et d’être présent pour aider et accompagner (comme un adulte qui aide à lancer l’enfant sur ses premiers mètres).
Les activités à prise d'initiative réclame aux élèves une autonomie intellectuelle, qui doit être accompagnée. Il ne s'agit pas, du jour au lendemain, de faire passer des élèves habitués à des activités fortement guidées à des activités totalement libres. Il sera nécessaire de les entraîner préalablement à des exemples simples (une consigne, un document), et de leur fournir quelques clés méthodologiques (par exemple : « Si je ne sais pas par où commencer, je commence par décrire le document ») ou de passer par des modalités d'organisation de la classe qui favoriseront la coopération des élèves entre eux. Nous pouvons citer par exemple la classe puzzle (un exemple ici ou encore ici) , le plan de travail (un exemple ici) ou la ludification (article à consulter ici). Ces modalités permettent une différenciation naturelle, en laissant certains élèves se concentrer sur des aspects spécifiques et en favorisant la coopération entre eux.
Vous trouverez dans cet article quelques propositions d’activités différenciées par thèmes et niveaux.
Les activités à prise d’initiative prennent du temps, et il n'est pas possible de tout aborder de cette manière. Cela renvoie au point précédent : tout savoir ne peut pas être construit par les élèves. Il est essentiel de faire des choix : donner la connaissance quand celle si ne pose pas de difficultés, la construire quand elle présente un obstacle cognitif.
Les élèves confondent souvent la tâche et l’objectif. La tâche n’est qu’un moyen pour travailler une compétence ou un savoir. Dans une évaluation, la tâche à réaliser n'est elle aussi qu'un élément de l'objectif.
LES ÉVALUATIONS
L’objectif était d’élaborer le barème d'une évaluation et d'en questionner le sens.
La question centrale dans une évaluation est : « Qu’est-ce que je souhaite prioritairement évaluer aujourd’hui ? ».
Se concentrer sur l’essentiel des apprentissages attendus permet d’éviter de disperser l’attention des élèves sur des détails secondaire. Par exemple, les élèves se focalisent assez facilement sur la présentation d’un graphique, en oubliant ce qui est l’essentiel c’est-à-dire de savoir le faire. Pour cela utiliser une échelle de notation explicite (sur une base critères d'évaluation tels que ceux utilisés pour le brevet) et dichotomique (maîtrise insuffisante/fragile vs satisfaisante/très satisfaisante) permet de clarifier les attendus pour les élèves pour qu'ils puissent se saisir de ce moment comme un moyen supplémentaire de progresser.

Exemple de grille dichotomique. Les niveaux de maîtrise peuvent être associées indifféremment à une échelle de couleurs ou à une valeur chiffrée (par exemple I= 0, F=2, S=4, TB =5)
L’évaluation par compétences en appui sur des critères d'évaluation (générique) qui peuvent être déclinés en indicateurs de réussite (définis selon la situation d'apprentissage) donne du sens à cette évaluation. Le positionnement du niveau de maîtrise de l'évaluation peut prendre plusieurs formes : une note, une couleur, un smiley, etc. ce positionnement doit être éclairé par les critères (dans une grille ou un tableau ou sous forme de commentaires) communiqués voire co-construits avec les élèves. Dans l'exemple présenté ci-dessus, la présentation des critères d'évaluation dans un tableau permet à l'enseignant d'entourer le niveau atteint. Il est toujours pertinent d'ajouter des commentaires définissant de manière plus précise les indicateurs de réussite et permettant des formulations de conseils de progrès, dans la copie ; cela permettra ainsi à l'élève de s'en saisir, pour progresser.
Par ailleurs, ce type de grille avec une entrée dichotomique visant un critère d'évaluation large de la compétence évaluée (ici la cohérence de la démarche) avant de regarder le détail du contenu. Cette entrée permet de réduire les écarts de notation entre différents évaluateurs; en effet, cela permet de restreindre dans un premier temps, les choix d'indicateurs de réussite disponibles pour le correcteur en restant sur une évaluation globale de la réponse. Cela est particulièrement utile pour clarifier la distinction entre les niveaux fragile et satisfaisant.
Exemple de grille non dichotomique. En comparant la grille dichotomique à cette grille non dichotomique, la différence de clarté entre (F) et (S) pour le correcteur est évidente.
Il existe d'autres modalités d'évaluations, comme l'auto-évaluation et l’évaluation par les pairs. L’auto-évaluation est très enrichissante, mais très chronophage (souvent plus de 20 minutes) elle ne peut donc être réalisée que ponctuellement sur des exercices ciblés.
L’évaluation, lorsqu’elle est conçue pour soutenir les apprentissages, s’appuie sur des feedbacks essentiels. Ces derniers, qu’ils soient internes (réflexion métacognitive de l’élève) ou externes (signaux verbaux et non verbaux de l’enseignant ou des pairs), guident l’élève dans la compréhension de ses réussites et de ses erreurs. Les feedbacks centrés sur la tâche, en particulier, aident à donner du sens aux activités et à encourager l’autonomie et la progression. Pour découvrir les différents types de feedbacks et leurs impacts sur la réussite scolaire, consultez l’article complet : Quelques éléments de réflexion autour des feedbacks.
L'évaluation peut être pensée comme une opportunité d’apprentissage, pas seulement comme une vérification des acquis.
CONCLUSION
Nous pouvons enrichir nos cours pour donner davantage de sens aux apprentissages de nos élèves en :
- Construisant les savoirs à travers un scénario cohérent.
- Favorisant une autonomie accrue des élèves grâce à des activités ciblées sur des objectifs clairs.
- Adoptant une démarche scientifique flexible, orientée vers la pensée plutôt que vers la tâche.
- Concevant l’évaluation comme un levier d’apprentissage.