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Séminaire national. Mars 2012

Publié le Mar 29, 2012

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Le  Thursday, March 29, 2012

Liens sociaux et primat individu

Séminaire national (mars 2012). M. Gosse

  • Compte rendu du séminaire national du 20 mars 2012 sur les nouveaux programmes de terminale.

    Atelier : Quels liens sociaux dans les sociétés où s’affirme le primat de l’individu?

     

    A)    Le programme officiel.

     Notions :

    Solidarité mécanique/ organique, cohésion sociale.

    Indications complémentaires :

    Après avoir présenté l’évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n’ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. On traitera plus particulièrement de l’évolution du rôle des instances d’intégration (famille, école, travail, État) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l’intégration sociale.

    Acquis de première : socialisation, capital social, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux.

     

    B)    Proposition d’interprétation du programme.

    L’item « Intégration et solidarité » n’est pas une nouveauté par rapport à l’ancien programme. La nouveauté réside dans le contenu du questionnement. On insiste davantage sur l’individualisme et les liens sociaux. On peut retenir trois axes autour desquels on peut construire le cours.

    1)     Une présentation de Durkheim, ses thèses, ses concepts (L’option de spécialité rentre dans le tronc commun).

    2)     Montrer le rapport entre le primat de l’individu et la transformation des liens sociaux.

    3)     Analyser les mutations des instances d’intégration face à la montée de l’individualisme.

     

    I)                  Présentation des thèses de Durkheim (1858-1917).

    1°point : la nécessité d’historiciser.

    Il faut partir des conditions sociales constitutives de ces phénomènes, de ces problématiques. A la fin du 19 ème siècle, on assiste à l’essor de l’individualisme et au déclin de l’influence des institutions traditionnelles, à un affaiblissement des liens sociaux de types traditionnels (sécularisation avec la perte d’influence de la religion).

    Dans « De la division du travail social » 1893, E Durkheim se propose d’élucider un paradoxe. « Comment se fait – il que tout en devenant plus autonome, l’individu dépende plus étroitement de la société ? ». « Comment peut – il être à la fois plus personnel et plus solidaire ? ». Pour répondre à cette question, Durkheim développe la thèse suivante : au fur et à mesure qu’augmente la densité morale et matérielle, on assiste à une augmentation de la division du travail. Les individus vont se spécialiser et devenir interdépendants et complémentaires. Durkheim met ainsi en évidence deux types de société, les sociétés traditionnelles et les sociétés complexes.

    Les sociétés traditionnelles sont relativement homogènes. La différenciation personnelle est contenue, la conscience collective est forte et s’impose aux individus qui partagent des représentations collectives. C’est une solidarité mécanique par similitude. Dans les sociétés complexes, la vigueur du processus de division du travail entraîne une solidarité organique reposant sur la complémentarité et l’interdépendance. L’individu se spécialise du fait d’une contrainte de la division du travail et il devient plus autonome.

    Le processus d’autonomisation de l’individu qui caractérise les sociétés complexes amène à la question suivante : « Comment les individus parviennent – ils à créer une identité commune ? ».

    E Durkheim dans un article écrit en 1898 «  L’individualisme et les intellectuels », essaye de répondre à cette question. L’individualisme ici entendu « C’est la glorification non du moi mais de l’individu en général ». Il a pour ressort non l’égoïsme mais la sympathie pour tout ce qui est homme. Il s’intéresse à la commune humanité présente en chaque individu. Cette commune humanité constitue le substrat à partir duquel, l’individu va pouvoir construire l’identité collective.

    2°point : caractériser la démarche de l’auteur, l’exigence de scientificité.

    Durkheim s’efforce de procéder de manière scientifique, en construisant une théorie positive. Il a besoin « d’administration de la preuve ». Il cherche du côté du droit qui incarne du « social cristallisé ». Les normes sociales les plus importantes pour la société sont transformées en normes juridiques. Ce qui caractérise les sociétés traditionnelles, c’est le droit répressif alors que les sociétés complexes ont davantage recours au droit restitutif. Il s’agit d’un droit coopératif qui cherche à réparer, à faciliter les possibilités d’arrangements.  Une des composantes de la solidarité organique est une solidarité contractuelle, illustrée par le droit du travail.

    Durkheim évoque également de très nombreux échecs du passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique. Ces échecs, il les décline sous plusieurs aspects.

    La division du travail est anomique, elle empêche la coopération. La division du travail peut également être contrainte et excessif.

    Durkheim n’écarte pas l’idée que les formes de solidarité mécanique puissent persister même si au fur et à mesure que la société se modernise, la solidarité organique tend à progresser.

    Durkheim va  s’intéresser à la manière dont la solidarité mécanique peut persister dans les sociétés modernes. Il montre que l’État en détachant les individus des différents groupes, des institutions auxquels ils peuvent être rattachés, menace de devenir despotique. Durkheim évoque des groupes intermédiaires qui vont s’appuyer sur la solidarité mécanique. Il montre que les corporations professionnels comme la famille, donnent lieu à une morale commune, des intérêts communs, une vie sociale. Les formes de solidarité mécanique sont des solidarités anciennes mais qui se renouvellent.

     

    II)               Le rapport entre le primat de l’individu et la transformation des liens sociaux.

    R Nisbet « La tradition sociologique » 1966, aborde la question de l’individualisme. Dans les sociétés modernes, en accord avec la thèse de Durkheim, l’autonomie des individus va progresser. Les liens sociaux vont devenir plus personnels, plus électifs et plus contractuels. G Simmel s’appuie sur Tonnïes et procède à la manière de Durkheim en établissant une typologie entre les liens sociaux traditionnels (communauté) et les liens sociaux modernes (société). G Simmel  « La différenciation sociale » 1894, développe une approche en terme de cercles sociaux. Au fur et à mesure que les individus deviennent plus autonomes, les différents cercles sociaux auxquels ils appartiennent sont superposés et séparés. Ce qui oblige l’individu à construire sa personnalité et lui permet de prendre la mesure de son individualité.

    Dans le concept individualisme, il y a l’idée de dualité. Il y a un tiraillement produit de l’essor de l’individualisme. On assiste à la fois à une indépendance croissante des individus et une différenciation personnelle grandissante. Les individus dans les sociétés modernes deviennent de plus en plus indépendants des différents groupes et différents les uns des autres. Cela amène au questionnement suivant : Que reste t – il de commun ? Il faut du commun pour fonder la solidarité.

     François de Singly « Les uns avec les autres. Quand l’individualisme crée du lien »2006, prolonge les analyses de G Simmel. Il établit une distinction entre l’individualisme abstrait et l’individualisme concret. Il identifie deux périodes caractéristiques de la modernité au cours de laquelle l’individu a pris corps. La première modernité, du 19 ème siècle aux années 1960 se caractérise par un individualisme universaliste. Avec la seconde modernité, à partir des années 1960, on voit apparaître un individualisme particulariste qui se traduit par une revendication sur la sphère publique du pluralisme culturel.

    La conséquence de l’essor de l’individualisme est  la vulnérabilité de l’individu. Cette vulnérabilité, on peut l’étudier sous deux angles : le lien organique (le potentiel d’intégration relatif au travail) et le lien de filiation (les mutations de la famille).

     

    III)            Évolution du rôle des instances d’intégration face à la montée de l’individualisme.

    Cette partie était déjà traitée dans l’ancien programme. (Aspect non développé par manque de temps).

     

    Activités proposées.

    Première activité : Durkheim et l’analyse de l’individualisme.

    La finalité de cette activité est de s’approprier l’analyse de Durkheim de l’individualisme. Pour cette activité, on peut utiliser un extrait de l’article de Durkheim « L’individualisme et les intellectuels » 1898.

    Questions posées :

    • Pour quelles raisons la différenciation individuelle s’accroît – elle ?
    • Pourquoi Durkheim considère t – il que l’individualisme du 18 ème siècle est devenu une notion négative ?

    Deuxième activité proposée : individualisme, sociabilité des individus.

    On peut faire travailler les élèves sur des données d’enquête.

    Questions posées :

    • Dans quelle mesure les valeurs traditionnelles peuvent- elles  perdurer et comment sont – elles associées aux formes de solidarité ?

    Troisième activité proposée : grille de lecture pour analyser une réalité complexe.

    On peut analyser avec les élèves la typologie des liens sociaux dans les sociétés contemporaines en reprenant l’analyse de S Paugam (lien de filiation, lien organique, lien de participation élective, lien de citoyenneté). On peut également présenter les risques et les menaces auxquels doivent faire face ces liens et les solutions.

     

    Bibliographie proposée :

    • Durkheim  E «  L’individualisme et les intellectuels » 1898
    • Paugam S, Le lien social, coll QSJ, PUF, 2008
    • Schnapper D, Qu’est – ce que l’intégration ? coll Folio actuel, Gallimard, 2007
    • Isambert  FA, « La naissance de l’individu » in Besnard PH, Borlandi M, Voght P : Division du travail et lien social, PUF, coll sociologie 1993.
    • F De Singly, Les uns avec les autres : quand l’individualisme crée du lien, A Colin, 2006.