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Publié le 26 juin 2012 Modifié le : 17 mai 2021

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Le  mardi 26 juin 2012

Franches confidences d’une enseignante française en Angleterre

Compte rendu d'une expérience d'enseignement dans le Kent, dans le cadre du programme Jules Verne, par Anne Le Cor, professeur d'anglais au clg de Gèmenos

  • Franches confidences d’une enseignante française en Angleterre

     

    Triple choc d’entrée

    Je suis entrée dans les murs pâles d’Astor College  le premier septembre 2011, parachutée dans ce grand bâtiment jaune perché sur une colline surplombant le port de Douvres, dans le cadre du Projet Jules Verne.  Ici, j’ai tout reconnu : c’est une école (collège-lycée) comme partout ailleurs avec ses salles de classes pavoisées de posters réalisés par les élèves, ses couloirs à la peinture écaillée, sa cantine bruyante, sa salle des profs avec tableaux d’affichages et casiers pour les enseignants…  Les élèves aussi sont les mêmes qu’ailleurs : de jeunes adolescents plus ou moins sages, que seul l’uniforme scolaire rend « exotiques ». Tout est pareil mais tout est différent. Car plus j’avance au cœur de l’établissement et plus les différences sont flagrantes. J’ai rapidement  identifié les éléments les plus évidents : le rythme, la classe et l’élève ;  et j’ai vite compris qu’il faut que je m’adapte.

     

                Fatiguée…

    Le rythme  effréné de la semaine et de la journée de classe m’épuise. Je suis à mon poste chaque jour de la semaine, de huit heures trente à quinze heures trente,  sans aucune demi-journée de pause. La journée  est courte mais intense : il y a sept heures de cours de quarante-cinq minutes.  J’ai l’impression, au début, de ne pas pouvoir faire grand-chose en si peu de temps mais je m’habitue vite à ces dix ou quinze  minutes en moins pour faire cours et, rapidement, j’ajuste les activités et je me rends compte  que l’on peut enchaîner différentes tâches et mener à bien toutes les phases de l’apprentissage. La succession des cours est plus fatigante nerveusement, même si il y a souvent des périodes libres sur la journée, mais pas toujours. La récréation du matin est courte et la coupure du déjeuner n’intervient qu’à treize heures et ne dure qu’une petite heure à peine. Mais pas de trêve pendant les pauses, je dois faire des duties. Il s’agit de périodes de surveillances dans les couloirs ou le réfectoire, car il n’existe pas de surveillants à proprement  parler en Angleterre. Les duties de la récréation sont obligatoires, celles du lunch time se font sous forme de bénévolat et sont rémunérées en plus. Je dois me faire rapidement à ces journées particulièrement dynamiques et intenses. Et le soir, évidemment, reste tout le travail de préparation des cours.

     

                Un va et vient  quasi constant

    Dans ma salle, il y a des gens qui se promènent et je suis  souvent interrompue par toutes sortes d’intervenants : des collègues qui passent me voir, des « pastoral managers » (l’équivalent de nos CPE) qui viennent chercher ou ramener des élèves, des jeunes faisant office de surveillants pour la journée et qui viennent apporter des messages, et même des parents de futurs élèves en visite dans l’établissement, car ce sont les familles qui choisissent l’école où ils souhaitent scolariser leurs enfants. Les enseignants et les élèves sont habitués à ces va-et-vient réguliers et n’y prêtent guère attention. Rien n’est  figé et le groupe-classe évolue tout au long de l’année. Les classes sont formées à partir de groupes de niveaux et à l’intérieur même de la classe, on me recommande de faire asseoir les enfants à une table et de les faire travailler ensemble selon leurs niveaux. Si ces derniers évoluent, les groupes sont remodelés et les élèves changent de classe, de camarades de classe et d’enseignants en cours d’année  sans que cela leur pose, a priori, le moindre souci d’adaptation : les copains et copines se séparent sans drame, on enchaîne avec un nouvel enseignant et moi, je me retrouve avec la moitié de mes effectifs renouvelés.  Finalement, le seul groupe à peu près stable tout au long de l’année est le « tutor group » (le groupe d’élèves formé autour d’un professeur principal) que je partage avec une collègue. Les jeunes se retrouvent chaque jour, à deux reprises, dans notre classe  pour l’appel,  la distribution des bons et mauvais points et d’autres activités plus ludiques, ce qui nous permet de nouer des liens plus étroits et conviviaux avec ces élèves sous notre responsabilité. Quand la cloche sonne, ils se dispersent et forment d’autres groupes-classes selon les différentes matières.  Mes élèves, habitués à ce système, ne semblent pas le trouver plus perturbant que cela. En ce qui me concerne, c’est un peu plus délicat à intégrer.

     

                Choquée !

    Je vois mes élèves  arriver en classe sans affaires autres que quelques stylos !  En effet, l’équivalent de l’allocation de rentrée scolaire n’est pas versé aux familles mais aux établissements scolaires qui fournissent la totalité du matériel scolaire : cahiers, crayons, gommes…  Le plus étonnant pour moi est que le cahier de l’élève reste dans la classe, l’élève ne le rapportant à la maison que très exceptionnellement. Il n’y a pas de livre papier, qui a été remplacé par le livre électronique, projeté sur le tableau blanc interactif durant la classe. Et de ce fait, le contraste avec la France est saisissant : les élèves français vont à l’école avec un sac surchargé de livres, cahiers, et autres classeurs, alors que les petits Anglais viennent en classe les mains dans les poches ! Mon élève anglais est également très instruit de ses droits et revendicateur. Il me considère, moi, son enseignante,  comme étant à son service et lui devant de faire mon maximum pour l’aider dans son apprentissage. A ce titre, il est plus enclin que l’élève français à se manifester pour dire qu’il n’a pas compris et qu’il a besoin que je l’aide. Et j’entends « I don’t get it ! » (je ne comprends pas) comme un leitmotiv quotidien. Je suis sans cesse sollicitée par les uns et les autres et un défaut d’attention particulière envers un élève peut m’être vertement reproché tandis que les remerciements ne viennent qu’après que j’ai démontré toute mon implication à son égard à de nombreuses reprises. Bien sûr, je généralise quelque  peu, mais j’exprime l’impression que j’éprouve cette année  au contact de ce nouveau public, souvent exigeant, mais pas moins attachant pour autant.

     

                Au bout de six mois…

    Je suis désormais une enseignante à part entière à Astor College et me voilà donc contrainte à une flexibilité plus grande, à une adaptabilité de tous les instants et à un vrai travail en concertation permanente avec mes collègues enseignant la même discipline que moi.  Je vois des professeurs démissionner et partir vers d’autres écoles en cours d’année. De nouvelles têtes, jeunes ou adultes, débarquent et restent plus ou moins longtemps. De nouvelles instructions officielles nous parviennent au milieu de l’année, qu’il faut mettre en place… Cette mutation perpétuelle des choses semble, bizarrement,  constituer un cadre dans lequel  chacun, élève comme enseignant,  trouve son équilibre.