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2013

Publié le 20.11.2013

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Le  Mittwoch, 20. November 2013

Jeco 2013 2

Crises financières

  • Vendredi 15 Novembre 2013 de 16h30 à 18h.

     Peut-on éviter les crises financières ?

     

    Présentation de la conférence par Paul Seabright (Professeur de sciences économiques, Université de Toulouse)

     

    Sommes-nous destinés à vivre toujours des crises ? Pourquoi est-il si difficile d’apprendre du passé ? Sommes-nous condamnés à être toujours en retard d’une guerre ?

    Les crises financières changent au cours du temps, elles ne prennent pas les mêmes formes.

    Par exemple crise des années 1930 : la principale raison de la faillite des banques provient du mouvement de panique des ménages, des petits investisseurs. Donc presque partout on a mis en place des systèmes pour protéger ces derniers. Mais les banques ont alors pris d’autres risques : avec les investisseurs professionnels. Problème d’aveuglement systématique car on croit avoir tiré les leçons de l’histoire. Mais on a oublié que les proies et les prédateurs interagissent, évoluent en même temps : si la victime est plus rapide, le prédateur s’adapte et devient plus rapide. Autre analogie : la ligne Maginot. On trouve toujours des moyens de contournement.

     

    Michel Aglietta (Professeur émérite de sciences économiques) : cycle financier, politique monétaire et dette publique.

     

    Informations sur l’output gap, le cycle des affaires.

    Nécessité d’une politique macroéconomique prudentielle. Les autorités doivent effectuer un arbitrage entre la prise de risque et le prix du risque.

    Il existe plusieurs formes de vulnérabilité :

    • Vulnérabilités structurelles : trop d’interconnectivité, des risques de contrepartie,
    • Vulnérabilités dynamiques des banques : crises de liquidité,
    • Vulnérabilités dynamiques des emprunteurs : il faut limiter les dettes rapportées aux valeurs des biens immobiliers et aux revenus.

    La supervision doit être continue, les stress tests doivent être réguliers. Il faut aussi utiliser des instruments de politique monétaire (réserves obligatoires)

     

    Hélène Rey (Professor of Economics-London Business School) : les crises bancaires sont récurrentes.

     

    Souvent elles arrivent ensemble car il y a des phénomènes de contagion. Il existe aussi des interactions entre crises bancaires-crises souveraines (ex Irlande, Chypre, Espagne car taille des banques trop élevée par rapport au PIB de ces Etats)-crise du change.

    De nombreuses recherches portent sur la prédictibilité des crises. Comme les crises bancaires sont les plus dommageables surtout en cas de crise jumelle avec les crises souveraines, il est logique de chercher à les prévoir. Quels indicateurs utiliser ? Étude de Gourinchas Obstfeld en 2013 (test sur 1973-2010) à partir de plusieurs variables : dette publique/PIB, balance courante/PIB, taux de change réel, différence PIB effectif - PIB potentiel. Ces indicateurs sont imparfaits. Point commun à 45 crises sur 129 : expansion massive du crédit juste avant la crise.

     

    Natacha Valla (Directeur exécutif, Recherche macroéconomique, Goldman Sachs Paris).

     

    Deux éléments sont essentiels dans l’analyse macroéconomique et bancaire : l’évolution de l’output gap, la croissance du crédit bancaire proprement dit.

    Constat : crédit bancaire et modèle de financement de l’économie ont changé dans la zone euro (contraction du crédit, hausse de détention de titres obligataires). Les banques ont réduit les encours de crédit en proportion de leurs actifs mais elles détiennent de plus en plus de titres obligataires. Autrement dit, elles prêtent moins mais elles portent leurs titres sur les marchés financiers ; on passe de la relationship banking (prêter) à l’asset manager (titres obligataires).

    Autre constat : changement dans l’allure du cycle économique qui est de plus en plus asymétrique. La crise est rapide et brutale, la reprise est très lente. Comment interpréter cette asymétrie ? 3 réponses :

    • Le potentiel de croissance est décalé, on a une croissance structurellement plus faible.
    • C’est une phase transitoire car la crise a été très sévère.
    • C’est un nouveau régime où les cycles ne sont plus du tout symétriques.

     

    Nicolas Véron (économiste, Research Fellow, Bruegel)

     

    Tant qu’il y aura du crédit il y aura des crises. Or on ne peut pas se passer du crédit, il est nécessaire pour financer des projets (logement, machines…). Donc il existe toujours un risque de formation excessive de crédit. Le crédit est une force de changement c’est pourquoi les traditionnalistes (religieux ou non) s’opposent au crédit.

    La régulation est procyclique. Les régulateurs sont attentifs à la prise de risque excessive quand on est déjà dans la crise. Quand les conditions de crédit sont favorables, les régulateurs sont plus souples, la réglementation est moins dure. On apprend tout de même des crises : développement d’institutions publiques pour traiter les problèmes qu’on a connus lors des crises précédentes (supervision des banques, garanties des dépôts : procédures administratives de résolution des crises bancaires et politiques macroprudentielles). Dans l’UE on va vers l’union bancaire ce qui est logique puisqu’on a un marché unique, la réglementation ne peut pas rester nationale. Défi pour l’avenir : réglementation mondiale puisque le système financier est international.

     

    ***

     

    Questions par SMS

     

    En quoi consistent les politiques macroprudentielles ? Pouvez-vous donner des exemples d’instruments ?

     

    Hélène Rey : exemples sur le marché immobilier si on constate que les banques accordent trop de crédits ; demander aux banques d’augmenter leurs fonds lorsqu’elles accordent des crédits immobiliers, interdire de prêter plus de 80 % de la valeur du bien acheté, limiter le montant de la dette par rapport aux revenus sûrs des ménages (33 %). Autre exemple : exiger des provisions pendant les phases de surchauffe (=output gap positif) ; on anticipe le retournement du cycle des affaires.

     

    Michel Aglietta : multiplicité d’instruments de ces politiques car l’instabilité financière est diffuse (ce n’est pas comme l’inflation), les critères de vulnérabilité sont nombreux. Il faut tester la politique macroprudentielle, un indicateur ne suffit pas d’où les stress tests à effectuer tous les ans.


    Peut-on envisager un nouveau Glass Steagall Act pour structurer la régulation financière ?

     

    Nicolas Véron : cela peut sembler très simple de découper les acticités des banques. En fait c’est simpliste et c’est un leurre. Mais la séparation banque d’affaires-banque de dépôt n’est plus d’actualité. Le vrai enjeu actuel est la distinction banques locales (donc elles peuvent être soumises à une réglementation) / banques internationales comme Goldman Sachs : difficile de les contrôler.

     

    Natacha Valla : autres critères de distinction des banques : par rapport à la structure de leur passif, par rapport à la structure de leur actif.

     

    Les banques ont-elles trop de pouvoir ? N’y a-t-il eu aucune décision politique pour les museler contrairement à 1930-1933 ?

     

    Michel Aglietta : c’est vrai que les États n’ont pas agi vis-à-vis des banques de la même manière dans les années 1930 et en 2008. On aurait dû changer les managers puisque la faillite leur est imputable.

     

    Natacha Valla : les banques ont en effet du pouvoir. Elles ont été tout de même impactées par la gestion de la crise de la dette grecque. En Europe on a un grand superviseur, la BCE ; il manque encore un mécanisme de résolution des crises financières. La BCE émet un avis sur les stress tests des banques systémiques.

     

    Peut-on faire éclater une bulle spéculative avant qu’elle ne soit trop grosse ?

     

    Nicolas Véron : On retrouve le problème de la procyclicité de la réglementation. Aujourd’hui les États ont davantage d’autonomie par rapport au lobby bancaire, financier.

     

    Hélène Rey : Il faut effectuer des stress tests et même si on n’est pas sûr que cela soit une bulle, il faut intervenir. Cependant cela ne concerne pas que les banques : il y a aussi les États. Par exemple les aides pour l’achat de logement créent des distorsions. L’État doit aussi penser à se constituer des « cagnottes » quand on est en période de surchauffe.