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Contributions PHILOSOPHIQUES

Publié le May 4, 2016 Modifié le : May 14, 2016

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Le  Wednesday, May 4, 2016

RÉFLEXIONS SUR LA CRÉATION ARTISTIQUE SELON ALAIN

Georges Canguilhem

  • On a trop souvent répété qu’Alain est un moraliste. De la part de certains, c’était une forme déguisée de malveillance. On l’égalait à La Rochefoucauld pour lui refuser la grandeur d’un philosophe. Quelques-uns de ses amis, lui accordant la grandeur de Montaigne, croyaient faire mieux. C’était pourtant chausser les mêmes lunettes que les autres. Alain n’est plus, et bientôt, passé le temps, qui n’a eu qu’un temps, des exhibitions de souvenirs, des contributions biographiques, des récits d’anecdotes, Alain ce sera son oeuvre. Cette oeuvre ce sera un problème, même pour ceux d’entre nous qui pensent la comprendre simplement parce qu’ils ont été les témoins de sa confection ou qu’ils ont eu le bonheur de recueillir directement l’enseignement du maître. Alors, comme pour toute grande oeuvre philosophique, il faudra y chercher la structure, l’unité, le sens, la correspondance des thèmes et ce que, finalement, elle a voulu dévoiler. Nous pensons qu’Alain est un vrai philosophe.

     

    Cet article est paru dans le n° 69 des Cahiers philosophiques de décembre 1996.

    Il reproduit le texte d’un essai publié dans la Revue de métaphysique et de morale (Paris, n° 2, 1952).

     

     

    La beauté se tient aux frontières de la nature et de l’artifice. D’un côté elle se découvre par l’observation attentive, parfois émerveillée, de ce que nous n’avons pas créé et qui s’offre à notre perception – beauté naturelle. D’un autre côté elle émerge par certains de nos ouvrages, à des degrés et sous des modalités très variés qui ont toutefois en commun d’impliquer un certain travail, celui des mains, du corps tout entier, de l’esprit – beauté artistique. Ce qui retient l’attention d’Alain dans son Système des beaux-arts c’est l’importance déterminante du métier artisanal ou artistique, sans lequel la beauté resterait fragment imaginé et fugace, sans posséder jamais la matérialité durable d’une oeuvre. Raison pour laquelle il ne va pas de soi d’associer la beauté au dynamisme d’une imagination estimée – trop vite ? – créatrice.