Pédagogie et classes en îlots.
Les limites de la classe traditionnelle
Les classes installées classiquement de manière frontale où tous les élèves sont tournés vers le tableau et font face à l'enseignant, placent ce dernier dans une position centrale. Même si cette disposition peut répondre à certains objectifs dans des conditions définies, elle présente aussi plusieurs écueils :
- elle incite l’enseignant à mettre en œuvre une transmission collective des informations,
- elle limite souvent les interactions à des échanges entre le professeur et quelques élèves.
En atteint ses limites, par exemple, pour installer une pédagogie diversifiée et différenciée ou pour conduire une démarche de projet impliquant tous les élèves afin de permettre à chacun de développer les compétences attendues.
Les classes en îlots
Les classes installées en îlots peuvent apporter une alternative intéressante pour développer d’autres pratiques pédagogiques et renforcer leur efficacité.
Les élèves placés par petits groupes de quatre à six individus permet une communication orientée entre les élèves eux-mêmes et non plus centrée vers le professeur. Cette disposition favorise la co-formation, la coopération entre élèves et le développement de la pratique de l’oral.
La place du professeur dans une classe en îlots
L’enseignant n’est plus en permanence dans une position de transmission unilatérale et collective. Il se retrouve aux côtés des élèves, placés dans une position de travail coopératif ou collaboratif. Il devient celui qui aide les élèves à construire des connaissances et des compétences par l'intermédiaire d’échanges professeur-élèves mais surtout en stimulant les échanges élèves-élèves. Il prend le rôle d’une personne-ressource, d’accompagnateur et de régulateur, tout en gardant le rôle d’expert qui valide la démarche et les résultats du travail des élèves. Le rapport professeur-élève et le climat dans la classe sont alors modifiés.
L’enseignant peut également se mettre plus facilement en retrait pour observer les pratiques des élèves et être à l’écoute de la verbalisation des difficultés qu’ils rencontrent afin de mieux comprendre les points de blocage et mettre en place des stratégies pédagogiques adaptées.
Le travail en îlots conduit le professeur à faire davantage confiance aux élèves. Cette posture permet de les conduire vers l’autonomie. Même si le professeur ne pilote pas l’enseignement de manière descendante, la préparation de l’activité n’est pas pour autant diminuée. En effet, le travail en groupe ne constitue pas une fin en soi mais un moyen d’atteindre les objectifs visés. Les élèves sont responsabilisés dans les tâches qui leur sont confiées ; ils apprennent à travailler avec les autres et à exercer leur esprit critique. Ils construisent ensemble des outils pour apprendre.
Le travail en îlots induit un dialogue régulier entre élèves. Celui-ci est toujours formateur et permet une pratique renforcée de l’oral. Le corollaire est une augmentation du niveau sonore dans la classe en îlots. Le professeur doit alors mettre en place des régulations et confier à chaque groupe cette responsabilité pour que le niveau sonore reste acceptable.
Deux outils de régulation peuvent être conseillés :
- Classroomscreen : https://classroomscreen.com/
Classroomscreen permet de projeter au vidéoprojecteur des outils de régulation pour toute la classe. Très simple d'emploi, le logiciel permet d'afficher le niveau sonore de la classe, une horloge, un nom d'élève, des consignes, des liens par flashcode..etc..
- le tétra-aide : plus rustique, le tétra-aide à confectionner soi-même à l’aide d’un patron permet d’indiquer au professeur le niveau d’aide dont l’élève ou le groupe a besoin.
http://www.ac-grenoble.fr/ien.bourgoin1/IMG/pdf/tetraaide.pdf
Des îlots au service de la pédagogie différenciée
Les tâches confiées à chaque îlot peuvent être différentes dans le cas d’ateliers mosaïques sur un sujet donné par exemple. Ceux-ci permettent d’éviter la multiplication à l’identique de matériels onéreux ou d’échantillons rares. La confrontation et la mutualisation des résultats obtenus par les différents groupes permet ensuite de dégager la notion qui en découle.
Pour l’enseignant, la mise en îlots permet une différenciation pédagogique plus efficiente pour répondre aux besoins de chacun. La différenciation peut être conduite à partir des contenus disponibles (ressources, coup de pouce), des tâches à réaliser (selon des contraintes données) ou des productions attendues.
Le professeur peut également utiliser les îlots pour conduire une pédagogie différenciée entre les groupes de manière à mener plusieurs tâches lors d’une séance sans dédoubler la classe.
La réalisation de tâches complexes nécessitant un travail coopératif ou collaboratif est particulièrement adaptée à l’organisation en îlots, tout comme la pédagogie de projet ou la conduite de démarches d’investigation.
L’organisation des salles au sein de l’établissement
La classe en îlots ne doit pas induire une moindre utilisation du tableau ou des outils numériques lorsque ceux-ci sont nécessaires. L’installation de la salle doit donc prendre en compte les contraintes matérielles et permettre aux élèves de minimiser leurs mouvements pour observer le tableau.
L’adaptation du matériel installé et l’organisation de la salle ne sont pas envisageables entre chaque heure de cours. L’installation doit être pérenne. Il est important que toutes les salles disponibles ne soient pas disposées de la même manière pour permettre aux professeurs de diversifier les approches pédagogiques et didactiques. Les enseignants doivent alors prendre place dans une salle en îlots qu’en fonction des objectifs d’enseignement visés ou de l’activité à conduire. Idéalement, un établissement doit mettre à disposition des salles en îlots et des salles disposées classiquement. Il est également possible, selon l’organisation de l’établissement, de disposer certaines salles en îlots pour une journée ou plusieurs journées par semaine.
Le travail de groupe
« L’élève travaille en équipe, partage des tâches, s’engage dans un dialogue constructif, accepte la contradiction tout en défendant son point de vue, fait preuve de diplomatie, négocie et recherche un consensus.
L’élève sait que la classe, l’école, l’établissement sont des lieux de collaboration, d’entraide et de mutualisation des savoirs. Il aide celui qui ne sait pas comme il apprend des autres. L’utilisation des outils numériques contribue à ces modalités d’organisation, d’échange et de collaboration.»
Décret du 31 mars 2015
Définissant le socle commun de connaissances, de compétences et de culture
Un article très complet fait le point sur le travail en groupes :
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Physique_Chimie/86/2/RA16_C4_PHCH_travail_groupe_594862.pdf
La répartition des élèves dans les groupes
La distribution des élèves au sein des groupes constituant les îlots doit aussi être prise en charge par le professeur, en fonction des besoins de chaque élève, en fonction de l’activité à réaliser ou en fonction des objectifs poursuivis. Il existe de nombreuses possibilités pour construire les groupes :
- selon les affinités,
- selon les compétences que chacun peut apporter dans l’îlot,
- ou selon les facilités et les difficultés des uns et des autres pour mettre en place un tutorat entre pairs.
L’organisation et la gestion des groupes doit constituer un point d’attention du professeur pour garantir l’efficacité de l’enseignement.
La distribution des rôles des élèves dans les groupes
Une préparation pédagogique rigoureuse est nécessaire à la mise au travail des élèves en groupes. Certaines étapes sont incontournables pour permettre à l’enseignant d’atteindre ses objectifs d’apprentissage. Par exemple, une première phase de travail individuel et silencieux permet à chacun de prendre connaissances des documents ou objets fournis et des consignes. Les échanges survenant ensuite favorisent l’appropriation par chacun de ces éléments.
La mise en îlots ne signifie pas une mise au travail sans consigne. Les consignes peuvent être données collectivement à la classe ou par groupe (pour chaque îlot). Il est recommandé de rendre un élève responsable de la consigne (orale ou écrite).
Les rôles et tâches à réaliser par chaque élève au sein du groupe doivent être clairement définis :
- rédacteur,
- porte-parole,
- gardien du temps,
- gardien du niveau sonore,
- responsable des ressources documentaires, par exemple…
Selon les activités et en fonction des apprentissages à construire, il est nécessaire de recomposer régulièrement les îlots pour ne pas installer des rôles stéréotypés au sein de chaque groupe.
L’évaluation d’une activité de groupe
L’évaluation d’une activité de groupe se fait généralement par groupe avec des critères clairement explicités en amont en fonction des compétences travaillées. L’utilisation de grille d’évaluation construite avec les élèves et partagée au sein de la classe est recommandée.
Des évaluations individuelles peuvent aussi être réalisées en fonction des tâches données en responsabilité au sein de l’îlot.
L’implication dans un travail collectif favorise une évaluation entre pairs et une auto-évaluation qui conduit à une évaluation positive naturellement installée. L’erreur est moins vécue comme une faute. Ainsi le travail en îlots permet de ne pas stigmatiser un élève, en particulier à l’aide d’une distribution adaptée et évolutives des rôles donnés à chacun au sein de l’îlot.
En leur donnant la possibilité de se concerter, les élèves se retrouvent moins bloqués par un manque d’idées lors d’un travail de production écrite par exemple ; l’émergence et l’enrichissement des idées sont renforcés par cette collaboration.
La remédiation est facilitée au sein du groupe par la possibilité de verbalisation et d’explication entre pairs des difficultés rencontrées. Des analyses métacognitives peuvent être facilement partagées.
La valorisation de l’oral
Le travail en îlots favorise la prise de parole des élèves et l’expression de leurs idées pour les confronter au sein du groupe. Cela doit être complémentaire des phases de mise en commun, de régulation et de synthèse à l’échelle de la classe. Pour ne pas perdre l’unité de la classe par rapport aux objectifs communs, il est nécessaire de construire ces allers-retours qui donnent tout son sens au travail en îlots par rapport au travail de la classe entière.
Ce travail coopératif ou collaboratif permet de développer les compétences de communication, de la prise en compte de l’autre et de l’écoute dans le respect du travail de chacun. L’enseignement de la langue orale tel qu’il est préconisé dans les nouveaux programmes peut être plus facilement évalué.
L’alternance entre ces temps pour écouter, pour travailler seul et pour chercher et construire ensemble, participe au développement de l’estime de soi, de l’intérêt et de la légitimité de sa parole pour répondre au problème posé. La motivation et l‘adhésion des élèves s’en trouvent amplifiées et favorisent la mise en place d’attitudes plus propices à l’engagement et au travail.
Le travail en îlots, piloté par l’enseignant, permet ainsi en s'appuyant sur les interactions entre pairs, de diversifier et d’enrichir les processus d’apprentissage ; il permet alors aux élèves de devenir les véritables acteurs de leurs apprentissages.
Les IA-IPR : P. Loos - P. Rigat - I. Tarride