Un contrat didactique clair, des objectifs de cours annoncés, distribution des cours et évaluations (contrat de confiance), un co-tutorat hétérogène, l’enseignant ressource en côte à côte. Des élèves plus actifs, plus autonome dans le travail intellectuel, dans la recherche, qui voient leurs résultats fortement progresser. Dans ce dispositif, appelons-le "inversion", ou "inversion de la classe", sont valorisés l’erreur, la démarche de recherche, la production écrite autonome, la restitution orale au coeur de l’autonomie intellectuelle et le renforcement positif de l’estime de soi.
Contribution d'Aïssa Grabsi, enseignant SES et formateur
Dans l’inversion de la classe (seconde à terminale), tout se fait dans la classe. Rien n’est à faire à la maison qui viendrait renforcer les inégalités sociales, linguistiques, culturelles : le travail en amont commence dans la classe.
Le support écrit reste un préalable, l’outil et les ressources numériques des compléments pertinents.
Présentation par Aïssa Grabsi lors des Rencontres de l'Orme 2018
La classe reste caractérisée par l'hétérogénéité des élèves, des profils d'apprenants
Comment créer un dispositif minimal permettant de favoriser l'autonomie, la démarche active de compréhension et d'apprentissage en s'appuyant sur des outils numériques pertinents ?
En classe de première ES (lycée général et technologique A. Artaud à Marseille), dans la pratique de l’inversion en classe, le support écrit reste un préalable. Le travail se fait en classe non à la maison. Cours (notions centrales, problématiques, plan de cours), feuille de route (questions de cours, exercices) et évaluations (formatives et sommatives) sont distribués dès le début. Des liens vers des ressources et applications sites (Chamilo, Cloudschool, Socrative notamment) viennent en appui.
Si les réponses aux questions sont disponibles, cela n’amène pas pour autant les élèves à aller les prendre et copier telles quelles. Il y a une réelle stimulation et émulation intellectuelle à chercher ensemble à trouver les réponses et construire celles-ci en autorégulation : "Le travail que nous faisons ne renforce pas les inégalités, car on travaille en groupe et on partage nos informations. On peut s'autoréguler" explique Laura G. élève en première ES.
Des groupes de travail en ilôts
La feuille de route est construite autour d’une progression, et une régulation et des temps de remédiation communs. L’enseignant se positionne en ressource, on passe du face-à-face au côte-à-côte. Sollicité par les groupes (binôme, trinôme ou groupe de 4 élèves) pour les questions et problèmes de fond et de forme.
Le travail porte sur la mise en relief (centrale et/ou problématique) d'une notion, d'un concept, d'un mécanisme, d'une analyse théorique (focus). Il se poursuit également en appui des outils et ressources numériques. Dans les deux espaces, des ressources et outils sélectionnés, jugés pertinents sont utilisés dans la classe.
Les élèves n’ont pas à découvrir le cours, des vidéos ou autres ressources chez eux avant le cours. Pourquoi ? Parce qu’ils ne disposent pas des mêmes ressources (aides, moyens et outils) pour faire le travail, le comprendre, progresser en cas de difficultés. Cela reviendrait à renforcer des inégalités déjà présentes par l’origine sociale et culturelle.
Témoignages des élèves lors des Rencontres de l'Orme 2018
A la base, les groupes de travail en îlot tiennent compte de l’hétérogénéité des élèves (bons élèves, élèves à besoins particuliers, élèves moyens au regard des évaluations) et de leurs compétences. La caractéristique est le travail en groupe, la mise en activité où l’erreur dans le processus est analysée dans le groupe et/ou avec l’enseignant pour comprendre le cheminement logique de celle-ci dans le travail individuel mis en auto-régulation : "C'est nous qui choisissons notre leçon, il n'y a plus de pression scolaire, on n'a pas peur d'échouer. Tout le monde est placé dans les mêmes conditions en classe" témoigne Tatiana P. élève en première ES.
Aussi, ces groupes ne sont constitués que pour un temps. Les élèves savent qu’ils vont tourner dans des groupes chaque fois différents, ils saisissent vite que : "dans la classe inversée on est dans l'entraide : pas dans la concurrence" (Tatiana P., première ES).
L’activité se déroule en îlots hétérogènes, où le questionnement, la recherche, la construction des réponses, la production d’une analyse ou d’une synthèse amène les élèves à travailler ensemble : "Le professeur est moins présent il nous pousse à être plus actifs à travailler en échange avec les autres. On change de groupe à chaque cours" explique Laura G, élève en première ES.
Quels constats tangibles peut-on faire ?
Bien sûr, toutes les séances ne sont pas réalisées en classe inversée, car il est nécessaire de diversifier les pratiques.
- accroissement/renforcement de l’autonomie.
- une capacité à travailler de façon plus concentrée,
- une évaluation positive par contrat de confiance : les élèves connaissent leurs évaluations
- ce qui amène les élèves à mieux organiser les ressources pour les mobiliser vers l’exercice d’évaluation au regard des contraintes des épreuves de l’examen (dissertation, épreuve composée) et par les formes de rédaction (analyse, synthèse)
- les notes progressent avec les mêmes exigences que pour la forme d’évaluation utilisée jusqu’alors : le copier-colléerd’un cours appris par coeur est sanctionné.
- renforcement de l’estime de soi.
"J'ai de meilleures notes avec l’évaluation positive, j'ai plus confiance en moi. On ne se perd plus dans le travail, on est plus concentré sur le sujet et on apprend à être autonome, ce qui nous prépare à l’entrée à l’université" nous dit Tatiana P., en classe de première ES.