Posts et rebonds
Pour ou contre le Pr. Raoult
Je vais vous faire un aveu : je n'ai pas d'avis sur le traitement possiblement découvert par le professeur Raoult. Pour plusieurs raisons, dont les principales sont que je ne suis ni médecin, ni chercheur en médecine. Par contre je me pose des questions sur l'excitation collective le concernant... Ce besoin d'être "pour" ou '"contre"... Cette virulence (c'est le cas de le dire) dans les prises de positions chez des gens qui, comme moi, n'ont que des informations de troisième ou quatrième main... (Et encore le terme "informations" est mal approprié, eu égard au nombre de rumeurs qui circulent.) Alors on peut émettre des hypothèses pour rendre compte de cette excitation.
On sait combien la Grande Peste, au Moyen Age, avait exacerbé la foi et le mysticisme. On connaît le lien entre le besoin de croyances, voire de superstitions, et le degré d'incertitude et d'inquiétude.
On peut supposer aussi que le besoin de prendre une position tranchée ("Je suis pour"/"Je suis contre") permet de se raccrocher à une certitude dans un contexte anxiogène parce que, justement, aléatoire et imprévisible.
Et qui sait, peut-être que la barbe et la coiffure du Professeur Raoult en font un objet particulièrement adapté à une nouvelle (micro) guerre de religion ?
C'est en tous cas fascinant de voir se télescoper d'un côté ce qui relève de la rationalité de la méthode scientifique (qui finira par montrer si le Pr Raoult se trompe ou s'il a raison), et de l'autre le caractère presque mystique des attitudes de ceux qui voient en lui soit un sauveur, soit un faux prophète.
Peut-être ce texte de Nietzsche (extrait de Humain, trop humain, Chapitre IX, § 635) pourra-t-il nous inciter à la retenue :
A tout prendre, les méthodes scientifiques sont un aboutissement de la recherche au moins aussi important que n’importe quel autre de ses résultats ; car c’est sur l’intelligence de la méthode que repose l’esprit scientifique, et tous les résultats de la science ne pourraient empêcher, si les dites méthodes venaient à se perdre, une recrudescence de la superstition et de l’absurdité reprenant le dessus. Des gens intelligents peuvent bien apprendre tout ce qu’ils veulent des résultats de la science, on n’en remarque pas moins à leur conversation, et notamment aux hypothèses qui y paraissent, que l’esprit scientifique leur fait toujours défaut : ils n’ont pas cette méfiance instinctive pour les aberrations de la pensée qui a pris racine dans l’âme de tout homme de science à la suite d’un long exercice. Il leur suffit de trouver une hypothèse quelconque sur une matière donnée, et les voilà tout feu tout flamme pour elle, s’imaginant qu’ainsi tout est dit. Avoir une opinion, c’est bel et bien pour eux s’en faire les fanatiques et la prendre dorénavant à cœur en guise de conviction. Y a-t-il une chose inexpliquée, ils s’échauffent pour la première fantaisie qui leur passe par la tête et ressemble à une explication ; il en résulte continuellement, surtout dans le domaine de la politique, les pires conséquences.
Marc Rosmini, animateur du groupe académique EMC, professeur de philosophie