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Publié le 3 avr. 2020 Modifié le : 4 mai 2020

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Le  vendredi 3 avril 2020

Les mots du confinement : Continuité.

Article réalisé par Gérald ATTALI, IA-IPR HG

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    Les mots du confinement

    Mot 3 : Continuité

    Pour qui douterait de l’importance de l’École dans un pays comme le nôtre, la fermeture des écoles, des collèges et des lycées, pour une durée indéterminée, a plus que toute autre décision favorisé la prise de conscience que le pays entrait dans une époque extraordinaire. La brutalité de la mesure a fait découvrir à beaucoup l’ampleur du service jusque-là rendu à la nation : c’est aux enseignants qu’incombent la garde, les apprentissages et la socialisation de plus de 12 millions d’élèves ; et former le futur citoyen dans la tradition établie depuis Jules Ferry n’est pas une mince affaire !

    On ne peut pas faire grief à l’Éducation nationale d’avoir tardé à s’adapter à la situation nouvelle ; il est vrai que les « clusters », ces premiers foyers de diffusion de l’épidémie, avaient montré la voie et maintenu la règle républicaine : l’enseignement doit se poursuivre « coûte que coûte », malgré la fermeture des établissements scolaires. Le mot « continuité » s’est donc imposé facilement, associé à un adjectif : « continuité pédagogique ». C’est à la maison — si l’on met à part le cas particulier des enfants de soignants —, avec leurs parents, que les élèves poursuivent leur formation sous la conduite de leurs professeurs dans le cadre d’un enseignement à distance.

    On ne peut pas davantage reprocher aux enseignants de s’être insuffisamment engagés dans « la continuité pédagogique » ; bien au contraire ! Tous les témoignages montraient déjà ce qu’un récent sondage1 vient de confirmer : « en un temps record des enseignants [se sont mobilisés] pour assurer une continuité grâce au numérique ». Conscients des conséquences désastreuses de la « déconnexion » de leurs élèves, la plupart se sont emparés des moyens numériques institutionnels et non institutionnels ainsi que des abondantes ressources disciplinaires pour rétablir des liens pédagogiques déstabilisés par la crise sanitaire.

    Ces constats plutôt encourageants ne doivent pas laisser dans l’ombre le maintien de profondes difficultés et la nécessité de les surmonter pour assurer la poursuite des apprentissages et préparer la fin du confinement.

    Nombre d’enseignants et de chefs d’établissement ont alerté sur les défaillances d’équipement numérique dont souffraient beaucoup de familles ; défaillances qui pouvaient être aggravées par les nombreux dysfonctionnements des plateformes d’échanges sans lesquelles, tout enseignement à distance est impossible. Y remédier est nécessaire — et rapidement ! — sous peine de voir s’amplifier la rupture avec les principes d’équité qui fondent l’Éducation nationale. Les moyens sans les principes, c’est le consumérisme, la porte ouverte aux intérêts particuliers et la rupture d’égalité ; mais les principes sans les moyens, c’est la neutralisation même de l’acte éducatif.

    L’École à la maison est très loin de ressembler à ce qu’elle est dans et avec la classe ; celle-ci étant à la fois un lieu et un groupe. Rien ne sera plus comme avant, entend-on déjà. En effet ! Mais s’il est un outil qui fait cruellement défaut en ces temps de confinement, c’est la classe. N’est-elle pas encore, malgré tous les reproches qu’on lui fait, le meilleur outil de lutte contre tous les déterminants sociaux ?