Information et science : en toute confiance ?
Ou pourquoi douter avec méthode.
Cet article fait partie d’un texte plus long, scindé pour l’occasion en trois parties dont voici la première. Les deux dernières seront diffusées dans les prochains numéros de Liens Citoyens.
Douter de tout ou tout croire : faux dilemme
Est-il possible de faire preuve d’une confiance totale que ce soit en « la science » ou dans l’information ? En première analyse, évidemment, non. Croire sans discernement serait faire usage d’un esprit critique bien peu aiguisé, incapable de distinguer ou de séparer comme l’étymologie du terme critique nous l’apprend. Bien au contraire, pour juger de manière éclairée, il faut être capable de douter, de remettre en question, de trier parmi les thèses qui nous sont proposées au quotidien et parmi lesquelles nous devrons faire des choix, pour réfléchir, estimer, soupeser et agir en connaissance de cause. Douter est l’essence même du jugement critique, de l’autonomie et de l’autodéfense intellectuelle. Sans ce germe de doute, point d’examen des positions avancées, point de nuance et encore moins de curiosité. Mais tels le bon et le mauvais chasseur de nos joyeux humoristes « Les inconnus »1, ne pas donner de critères et s’en tenir à une simple incitation à douter peut, au mieux accoucher d’une souris, au pire nous entraîner sur des pentes bien glissantes. Il nous faut donc douter avec méthode, car être critique c’est justement agir avec raison et rejeter deux positions conduisant, si l’on s’y jette sans autre forme de réflexion, dans deux abîmes également sombres et profonds : le doute systématique et la crédulité aveugle. C’est donc éviter l’écueil du doute irrationnel, terreau des conspirationnistes les plus extrêmes qui exercent avec peu de méthode un doute total, un doute orienté, un doute souvent borné aux idées qui vont dans le sens de leurs préjugés. Attention, nous sommes tous et toutes enclins à ce biais de confirmation2, et être capable d’aller chercher les idées qui vont à l’encontre de nos préjugés est une attitude qui s’apprend, se travaille, et doit toujours être présente à l’esprit (critique) pour éviter le dogmatisme de l’irréfutabilité (au sens de non remise en question).
Bien entendu, la crédulité totale est également l’ennemi de la pensée critique, et de la pensée tout court : s’enfermer dans un dogme c’est se couper d’une partie de la réflexion sur les fondements de ce qui nous amène à croire, c’est faire un acte de foi radical, sans concession ni remise en cause. C’est s’extraire du débat, de la confrontation des idées, du questionnement, de la nuance, de la prise en compte de l’Autre, c’est figer sa pensée en la rendant bornée, limitée et privée de tout enrichissement. Poincaré le disait si bien : « Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes qui l’une comme l’autre nous dispensent de réfléchir »3. Alors doutons, oui, mais avec méthode. Encore faut-il en trouver une qui peut nous aider dans cette démarche d’enquête…
A suivre…