Valéry LARBAUD,1881-1957.
Le poète n’est pas confiné, ni contraint au port du masque lorsqu’il écrit ce poème, publié dans un recueil en 1913 sous le pseudonyme de A.O Barnabooth. Très jeune il effectue de nombreux voyages en Europe, perfectionniste et de santé fragile, son œuvre littéraire est réduite aux années avant la Première Guerre mondiale. Frappé d’hémiplégie en 1935, aphasique, il ne quittera plus son domicile.
Le Masque
J 'écris toujours avec un masque sur le visage;
Oui, un masque à l'ancienne mode de
Venise,
Long, au front déprimé,
Pareil à un grand mufle de satin blanc.
Assis à ma table et relevant la tête,
Je me contemple dans le miroir, en face
Et tourné de trois quarts, je m'y vois
Ce profil enfantin et bestial que j'aime.
Oh, qu'un lecteur, mon frère, à qui je parle
A travers ce masque pâle et brillant,
Y vienne déposer un baiser lourd et lent
Sur ce front déprimé et cette joue si pâle,
Afin d'appuyer plus fortement sur ma figure
Cette autre figure creuse et parfumée.