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Liens citoyens

Publié le 8 juin 2020

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Le  lundi 8 juin 2020

Le COVID et le « Care »

Sandrine Poulteau, référente égalité filles-garçons Lycée Jean Monnet Vitrolles. Isabelle Colombari, IA-IPR, référente égalité filles-garçons Académie d’Aix-Marseille.

  • Crédits Engin Akyurt—Pixabays

     

    Face à la pénurie de masques dans la plupart des pays occidentaux, des collectivités locales ou des influenceurs ont explicitement sollicité des couturières1 à les produire gratuitement. Ces dernières se sont élevées contre cette injonction au travail gratuit.

    La crise actuelle a également mis en lumière que la plupart des métiers du « care », particulièrement sollicités, sont assurés majoritairement par des femmes. En France elles occupent près de 90% des postes d’infirmier.es et des aides-soignant.es. Il en est de même pour les personnels travaillant dans les EPHAD et les aides à domicile. Ces métiers se caractérisent d’une part par le fait d’être au service de l’autre et d’autre part par la faible rémunération.

    La majorité des femmes exercent dans seulement 12 familles professionnelles sur les 87 répertoriées2, familles qui se caractérisent par une très faible mixité.

    Ce constat est corroboré par les données chiffrées publiées tous les ans par la DEPP3 portant sur l’orientation : « les filles font plus des choix d’enseignements littéraires et les garçons d’enseignement scientifiques ou technologiques ». Dans l’enseignement professionnel, les filles s’orientent majoritairement dans les spécialités de « services ». Les filières restent donc très genrées.

     

    Pourquoi ces métiers sont-ils majoritairement exercés par des femmes ?

     

    Françoise Vouillot et Cendrine Marro4, s’interrogent sur le fait que les filles sont attirées par les filières du soin, de l’éducation et du social et pourquoi l’absence des garçons dans ces secteurs et métiers ne fait pas problème.

    La construction des rôles sociaux entraine que des métiers sont attribués aux femmes et d’autres aux hommes. Les femmes accouchent et sont donc amenées à rester à la maison à ce moment-là. Chacun pense alors que les femmes ont les qualités intrinsèques pour s’occuper de l’autre, à commencer par leurs enfants.

    Pour les garçons, la construction de la virilité s’effectue majoritairement par le rejet du féminin. Dans les choix d’orientation, se joue donc un enjeu identitaire fondé sur ces assignations. Celles et ceux qui choisissent des métiers attribués à l’autre sexe, transgressent les rôles sociaux. La société fait parfois payer très cher le fait d’outrepasser ses normes.

     

    Que peut faire l’école ?

     

    Depuis l’introduction de la mixité à l’école en 1975, de nombreuses conventions interministérielles ont proposé des actions pour inciter les filles à aller vers des métiers dits « masculins ». En revanche, force est de constater que peu de projets incitent les garçons à s’orienter vers des filières « féminisées ».

    Afin de faire évoluer les représentations des élèves et donc les postures pédagogiques, il est nécessaire de former de façon continue les professeurs expérimentés, dans le but qu’ils perçoivent notamment que les stéréotypes sexistes entrainent des attentes différenciées vis-à-vis des filles et des garçons (évaluation différente et orientation sexuée notamment) , que les temps de parole accordés et que l’acceptation des perturbations ne sont pas les mêmes pour les garçons et les filles. Par ailleurs, il est souhaitable de développer la formation initiale des professeurs dans les INSPE afin que les « entrants dans le métier » intègrent ces variables dans la construction de leur professionnalité.

    Dans le cadre des séances sur l’orientation en 3°, en 2° et en terminale, des figures tutélaires plus variées, contre stéréotypées peuvent être avantageusement retenues : un professeur des écoles, un infirmier, une chirurgienne, une pilote de ligne peuvent être invité.es dans les forums des métiers. L’accompagnement par les psychologues scolaires doit favoriser des conseils sur l’orientation non sexuée. Les représentations sur les métiers peuvent être avantageusement travaillées dès l’école primaire5.

    Les établissements et les enseignants auront soin de choisir des manuels scolaires respectant une représentation non genrée des rôles des hommes et des femmes6 une valorisation des femmes célèbres7 et une juste représentation des femmes en général8 . Quand toutes les générations d’élèves lisent dans les manuels et entendent parler uniquement des « hommes préhistoriques », que s’imaginent-ils ?9 Ils s’imaginent peut-être que seuls les hommes ont réalisé des dessins au fond des cavernes…

    Les rôles sociaux ne sont pas gravés dans le marbre. Ils se construisent à la maison, entre amis et à l’Ecole.  Celle-ci a un rôle pour développer les ambitions sans préjugés et pour rendre ses élèves plus libres de leurs parcours.

     

    (1) « Elles cousent, ils causent : sous les masques, le sexisme ordinaire » écrit par Isabelle Germain le 27 avril 2020, « Les nouvelles news »

    (2) Guide « Ces secteurs qui recrutent 2018 » du CIDJ

    (3) « Filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école à l’enseignement supérieur »

    (4) « L’orientation aux prises avec le genre », revue « Travail, genre et société » N°18 Françoise Vouillot

    (5) Canopé « 50 activités Tome II : Activité 42, mes métiers »

    (6) « 35 - 36 | 2011 Valeurs, représentations et stéréotypes dans les manuels scolaires de la Méditerranée » Sylvie Cromer  et Mostafa Hassani-Idrissi

    (7) « Les stéréotypes dans les manuels d’histoire », fiche ressource 7, Canopé Tome II

    (8) https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/synthese-etude-math-web_0.pdf

    (9) « Activité 34 : l’art pariétal, femmes et enfants artistes » Canopé 50 activités Tome II p 44