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Liens citoyens

Publié le 24 juin 2020

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Le  mercredi 24 juin 2020

Crise sanitaire : Poursuivre plus que jamais la lutte contre les discriminations.

Nathalie Topalian, IEN Lettres HG

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    La pandémie continue de générer une avalanche de haine et de xénophobie ; on désigne des boucs émissaires ; on entretient la peur. Antonio Guterrez1, secrétaire général de l’ONU, 7 mai 2020. C’est au tout début de la crise du Covid-19 en France que des comportements de rejets xénophobes, racistes se sont manifestés à l’égard de concitoyens d’origine asiatiques, de touristes, ou étudiants chinois. Fin janvier 2020, alors que l’on évoque l’épidémie de coronavirus et ses 80 morts en Chine, une jeune étudiante témoigne de l’attitude des voyageurs dans le métro, elle subit des regards méfiants, certains s’éloignent systématiquement d’elle. On profère des commentaires méprisants à son approche. A Paris comme ailleurs les restaurants asiatiques sont désertés. Un « #je ne suis pas un virus » enflamme les réseaux sociaux, relaie des récits identiques qui manifestent l’incompréhension, le désarroi devant cette vague de xénophobie.

     

    Il n’y a pas de crise sans recherche des causes, du ou des responsables. Comme toujours, c’est à la faveur de crises que les préjugés s’exacerbent : les mesures sanitaires ont engendré un climat de peur provoquant des mouvements de rejets fondés sur l’origine des personnes. L’épidémie du coronavirus vient de Chine, on cherche à comprendre les raisons de son apparition, la nourriture assurément ! Les chinois ne mangent-ils pas des chauve-souris ? Le courrier picard titre sa Une « Alerte jaune », le 26 janvier 2020, avant de présenter ses excuses et reconnaitre qu’il n’était pas approprié au contexte. Il faudra peu de temps pour qu’un nouveau responsable apparaisse, cette fois-ci il s’agit des évangélistes présents au rassemblement de leur église en février, à Mulhouse. Ils subissent à leur tour des menaces sur les réseaux sociaux, sont jugés responsables de la dispersion du virus sur le territoire. Premières victimes, les voilà jugés coupables de répandre l’épidémie ! Nous pourrions cumuler les exemples, le Covid-19 a révélé des comportements bien vils. Les personnels soignants n’ont pas été épargnés, menaces et réactions hostiles à leur égard ont été rapportées. Ce harcèlement a concerné 12% des infirmiers selon l’enquête réalisée par l’ordre national des infirmiers2. La dimension inédite de la crise a pu revêtir par certains aspects des choix politiques nécessaires au regard de la prévention sanitaire, l’exclusion et la marginalisation d’une partie de la population. De fait, elle illustre le concept de discrimination indirecte, telle qu’elle est définit par la cour de justice européenne au cours des années 803. Ainsi, au mois d’avril le conseil scientifique recommande de maintenir le confinement au-delà du 11 mai pour les 18 millions de personnes à risque, plus précisément les Français au-dessus de 65 ou de 70 ans, les personnes ayant des affections de longue durée, ainsi que des sujets jeunes ayant une pathologie et ceux en situation d’obésité morbide. En imposant des contraintes supplémentaires, absence de visites, confinement strict, à des personnes âgées de plus de 65 ans-70 ans, sans distinction, on crée un amalgame à partir du simple fait des statistiques qui indiquent qu’un tiers des malades atteint du Covid a plus de 65 ans. En réalité les personnes âgées ne constituent pas un ensemble homogène, et la proportion de décès est plus élevée sur les plus de 75 ans, en raison des maladies (diabète, maladie cardio-vasculaire…) qui les affectent. L’amalgame entre personnes âgées, personnes en situation de handicap et personnes affectées par des maladies chroniques, a été très mal vécu par ceux qui se sont ainsi trouvés catalogués. Très vite, Le président de la République conviendra du risque discriminatoire de la proposition4, en précisant que le confinement prolongé ne sera pas obligatoire, en appellera à la "responsabilité individuelle » Ces mesures nécessaires, liées à la situation sanitaire, ont réduit nos libertés. Parfois même, elles ont été mises en œuvre sans prise en compte en des difficultés de la vie quotidienne qu’éprouvent les personnes les plus précaires et les plus fragiles, cela s’est manifesté concrètement avec les sans - abris, et les migrants. Comment mettre en œuvre les gestes barrières quand on ne bénéficie pas d’accès à l’eau, que l’on vit dans des squats exigus ou dans la rue ? Garantir l’égalité de traitement de toutes et de tous comme le plein exercice des droits fondamentaux devient alors un défi. Comme le rappelle la Commission nationale consultative des droits de l’homme5(CNCDH), il est impératif que ces mesures prises pendant l’état d’urgence sanitaire respectent le principe de non discrimination qui interdit notamment toute discrimination fondée sur le handicap, l’âge ou l’origine sociale. La discrimination géographique, est plus encore marquée dans les quartiers, banlieues de grandes villes, touchés fortement par l’épidémie, cumulant dès lors des difficultés sociales, économiques… Pour faire face à ces discriminations, à ces quotidiens difficiles, des associations6, des bénévoles ont développé une solidarité qui mérite d’être soulignée, car elle casse les stéréotypes et préjugés. Ici ou là des professeurs, des chefs d’établissement, de zones d’éducation prioritaire de REP ont créé des associations d’aides, pour financer des repas ou simplement l’achat de produits d’hygiène, assurer l’accès à Internet pour certains élèves… , des adolescents se sont engagés dans des actions citoyennes. La solidarité ne peut être l’unique moyen pour lutter contre les discriminations, Paul Eluard, nous le dit « Plus de malheur encore est imposé aux pauvres »7

     

    1 https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2020-05-07/secretary-generals-message-global-appeal-address-and-counter-covid-19-related-hate-speech-scroll-down-for-french

    2 Consultation exceptionnelle de l’ONI réalisée en ligne du 4 au 7 avril 2020 à laquelle près de 70.000 infirmiers

    3 La démarche est comparative et quantitative, arrêt Bilka du 13 mai 1986.

    4 déclaration de l’Elysée le 13 avril, et communiqué du 17 avril

    5 https://www.cncdh.fr/fr/avis

    6 https://metropop.org/

    7 Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, extrait du poème : Courage, Les éditions de Minuit.