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Liens citoyens

Publié le 4 sept. 2020

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Le  vendredi 4 septembre 2020

Lettre aux futurs enseignants

Marie-Christine De Riberolles

  • Rentrée des classes 1988. Marie-Christine de Riberolles.

     

     

    Vous aviez nourri le projet de devenir enseignant avec conviction, attaché à une discipline que vous aimez et fort d’un calendrier qui avait organisé toute votre existence. En quelques jours, puis quelques mois, tous vos repères ont éclaté.

    Combien cela a dû être difficile pour vous de passer ces longues journées de doute, dans une attente douloureuse vers l’annonce des concours, dans le main-tien pour certains d’une continuité pédagogique exigeante, dans l’inquiétude pour d’autres de faire face matériellement au quotidien.

    Sans doute, n’êtes-vous pas arrivés à ce métier par hasard mais cela a été le fruit d’une évolution où se sont mêlés la passion, la raison, l’attrait ou l’incertitude, l’évidence et l’engagement? Qu’en est-il aujourd’hui? Conservez-vous ce même désir de transmettre? Etes-vous prêt à reprendre votre projet ou avez-vous perdu la flamme?

    Je voudrais vous entraîner, chers futurs enseignants, à la suite d’autres générations du XXe siècle, qui comme vous, ont vu leur futur se transformer, parfois en drames (1914,1940), parfois en évolutions brutales (1969)1, par-fois dans des transformations majeures de la formation ayant des impacts sur leur projet (1979, 1982, 1986, 1991)2. De ces témoins des temps anciens, je retiendrais un point commun qui leur a permis de tenir: «la force de la mission».

     

    Bien que le cadre professionnel et le statut social de l’enseignant ait évolué considérablement depuis une trentaine d’années, la mission même de l’enseignant, de participer à la construction intellectuelle, éducative et citoyenne d’une jeunesse montante, est toujours la même. C’est une noble mission qui demande certes, des sacrifices, mais procure aussi de belles joies.

    Outre, la période délicate des concours, des mutations et de votre installation sur un nouveau poste, vous allez participer à un moment unique de l’histoire de notre institution. L’Ecole, par la continuité pédagogique a montré sa capacité à résister et à élever les enseignants au rang de fonctionnaires zélés. Là, où le métier était dévalorisé, des voix s’élèvent peu à peu pour reconnaître les mérites des enseignants et leur importance pour la Nation. A ce contexte national, s’ajoute l’évolution même des pratiques pédagogiques. Les enseignants ont montré leurs capacités d’adaptation, leur ingéniosité, leur créativité et leur sens du service. Ils ont montré l’étendue de ce qui était invisible à l’extérieur de la profession et qui requiert tant de travail pour y parvenir . Enseigner est un métier.

     

    Tout ce que vous avez pu emmagasiner de vos temps de formation, tout ce qui a pu vous paraitre à ce jour, inutile, peut vous inspirer demain et vous permettre d’entrer dans cette nouvelle ère de l’enseignement. Toutes ces ressources seront des petits cailloux pour les jours de doute et de fatigue. Et que dire, du témoignage apporté par ceux qui vous ont accompagnés, reçus dans leurs classes et qui ont imprimé durablement des traces visibles dans votre construction professionnelle.

    Alors, à l’heure où vous entrez dans la turbulence de cette délicate entrée dans le métier, je voudrais vous dire ma confiance dans la capacité de chacun à devenir un bon enseignant, si il ne perd pas de vue cette mission et qu’à l’occasion, il s’y oublie lui-même.

    La jeunesse ne s’y trompe pas. Elle sait remercier l’engagement de ceux qui l’accompagne avec investissement et désintéressement. Et c’est là, le plus beau trophée de l’enseignant.

    Tous mes souhaits vous accompagnent sur ce chemin.

     

     

    (1) Prost Antoine. L'évolution de la formation des enseignants de 1960 à 1990. In: Recherche & Formation, N°32, 1999. Formation continue des enseignants: les MAFPEN et après... sous la direction de Annette Bon et Nicole Mosconi. P 18

     

    (2) Idem—page 19 et 20