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Liens citoyens

Publié le 3 sept. 2020

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Le  jeudi 3 septembre 2020

Lettre aux collégiens

Eric Rusterholtz—pvs et coordonnateur du CAESC

  • Lettre aux collégiens

     

     

    Jeudi 12 mars 2020. 20h. Tu retiens ton souffle en écoutant le Président. Et soudain tu exploses de joie, cours dans ta chambre pour appeler tes amis. Pas d’école pendant 15 jours! Le kiff.

    Le week-end te permet de profiter de cette bonne nouvelle. Tu as entendu parler du virus mais il ne signifie rien pour toi. Tu n’as pas d’amis malades, pas de professeurs, pas de voisins. Seulement des jours de grasses matinées à l’horizon, et des tas de trucs à programmer pour ces jours de détente à venir.

    Très vite l’école te contacte. Tes professeurs s’organisent. Pour être sûr de ne pas te perdre, ils t’envoient tous en même temps une quantité de travail disproportionnée. Cela ressemble rapidement à l’école...en pire. Pas d’aide pour comprendre, pas d’amis pour rires ou se consoler. Un ordinateur pour seul contact social. Ou seulement un téléphone, ton confident ludique transformé en oppresseur didactique.

     

    Rapidement le ton devient grave. Tu vas devoir rester confiné.e, loin de tes ami.es, et privé.e de sortie. Des membres de ta famille ou de ton entourage sont touchés, et le nombre de décès quotidien te fait rapidement passer d’un état de joie à un état de sidération.

     

    Les jours passent et l’amusement fait place à la routine. A l’ennui. L’école te manque, surtout tes amis. Mais aussi les professeurs. D’ordinaire tu penses à certains que tu n’apprécies pas et qui occupent ton esprit. Mais pendant le confinement tu penses surtout à tous ceux qui te guident avec bienveillance dans ta scolarité. Tu adores tellement ton professeur de SVT qui était à l’origine de ton engagement d’éco délégué.e que tu t’agaces à jeter tes feuilles de papier dans les ordures. Tu regardes les poubelles jaunes immobiles devant l’immeuble, avec l’incompréhension d’un.e adolescent.e qui dénonce les contradictions des adultes.

     

     

    Tu ne célèbres pas spécialement ton retour à l’école. Plus que la peur du virus, c’est la certitude de ne pas revoir tous tes amis qui freine ton enthousiasme. Tu sais que tu les verras en dehors de l’école, dans des conditions sanitaires moins strictes. Un peu de légèreté parmi toutes ces consignes graves qui te dépassent.

     

     

    L’été arrive. Les vacances aussi. A quoi bon, si tu ne peux aller danser et rencontrer d’autres jeunes? Tu commences à t’agacer. Tu ne comprends pas d’être privé.e de ta liberté pour des personnes à risques qui pourraient être les seules confinées. Tu veux aller à la plage, être libre de circuler. D’embrasser.

     

     

    Tu n’es plus un.e enfant. Tu connais les heures noires et les épreuves vécues par des membres de ta famille. Le pire pour toi n’est pas de vivre une période inédite de crise mais bien de voir la fragilité des adultes. Des colosses aux pieds d’argile, qui malgré leurs tons souvent péremptoires semblent bien incapables de faire preuve de solidarité et de bon sens.

     

     

     

    Sans adhérer à son discours pessimiste, tu regardais et écoutais Greta Thunberg avec curiosité. Maintenant tu te dis que, peut-être, et malgré son jeune âge, presque le tien, elle avait en partie raison d’interpeller les puissants. Tu veux que les choses changent, et tu veux qu’on t’écoute. Alors parle. Et surtout, engage-toi.

     

     

     

    Eric Rusterholtz—Proviseur