Vous êtes ici  :   Accueil > Opérations CLEMI > Renvoyé spécial
Connectez-vous

Accueil

Le CLEMI académique Formations Opérations CLEMI Opérations partenaires Médias scolaires dans l'académie EMI dans les disciplines Ressources pédagogiques Partenaires Internet Responsable CLEMI national L'éducation aux médias dans les textes officiels

Renvoyé spécial

Publié le Jun 18, 2021 Modifié le : Jun 21, 2021

Écrire à l'auteur

Le  Friday, June 18, 2021

Renvoyé Spécial 2021 : Rencontre avec Thelma Chikwanka, journaliste Zimbabwéenne en exil

Article rédigé par Baptiste Schmieder, lycéen journaliste du lycée Duby

  • Thelma Chikwanka, journaliste Zimbabwéenne en exil

    Cet article fait suite à la rencontre entre une journaliste réfugiée en France, Thelma Chikwanka, et deux classes de secondes du lycée Duby d'Aix-en-Provence, dans le cadre du programme "Renvoyé Spécial",  CLEMI, la Maison des Journalistes.

     

     

    Moments forts

     

     

     

    Mardi 11 mai, les premiers rayons de soleil du printemps tapent aux vitres du lycée Georges Duby, les élèves de seconde se rendent à leur cours de géographie, où les attend Mme Thelma Chikwanka, une journaliste d’origine Zimbabwéenne à l’histoire fascinante.

     

     

    Grâce à l’opération « Renvoyé spécial » organisée par la Maison des Journalistes et le CLEMI (Centre pour L’Education aux Médias et à l’Information), la journaliste a pu se rendre à Aix-en-Provence depuis son lieu de résidence à Paris pour rencontrer les élèves du lycée Georges Duby.

     

     

    Quelques regards farouches sont échangés, un mot d’introduction est prononcé par Mme Massé, professeure d’histoire-géographie, suivie par Mme Virginie Bouthors, responsable du CLEMI académique, qui encadrent la conférence.

     

     

    Un raclement de gorge. En relevant ses lunettes, Mme Thelma Chikwanka commence par évoquer quelques éléments contextuels.

     

     

    Un Contexte géopolitique

     

     

    Le Zimbabwe, son pays d’origine, a été une colonie britannique jusqu’à ce que le peuple zimbabwéen demande son indépendance et l’obtienne en 1980. Il faut alors créer un nouveau gouvernement, et après un septennat timide de Canaan Banana dans un état politiquement instable, est nommé Robert Mugabe. Il reste au pouvoir jusqu’à l’année 2013.

     

    Pour affirmer l’indépendance de son pays, et tenter d’effacer l’épisode de colonisation du siècle passé, il met en place une réforme agraire sans précédent. Les terres cultivées par les fermiers blancs installés pendant la colonisation leur sont confisquées, et sont attribuées aux locaux. Mais l’agriculture est une science qui s’apprend. Anciennement fort de ses rendements agricoles et fier d’être surnommé « le garde-manger de l’Afrique », le Zimbabwe est contraint de mettre fin à ses exportations massives vers les pays voisins, pour à la place engager des importations pour subvenir à ses besoins.

     

    S’ensuit un effondrement de l’économie, engendrant une inflation insoutenable de la monnaie du pays, Il devient alors nécessaire de se munir d’une mallette de billets de banque pour acheter un miche de pain, nous relate Thelma Chikwanka.

     

    En 2009, le dollar Zimbabwéen est définitivement aboli, et remplacé par une multitude de monnaies étrangères comme l’US dollar. Cela ne suffisant pas, le peuple Zimbabwéen doit se contenter de vulgaires bons imprimés couverts de nombres à l’échelle astronomique.

     

     

    blobid0

     

     

     

    Thelma a vécu tout cela comme citoyenne de ce pays mais aussi comme journaliste.

     

    Forte de caractère et petite-fille de la fondatrice du parti d’opposition à Robert Mugabe, elle a toujours su trouver sa vocation. Quand certains prennent les armes, elle brandit sa plume.

     

    Et non sans danger.

     

    Passionnée, elle raconte comment elle a su tenir tête au parti, comment elle a dénoncé les injustices et la responsabilité du gouvernement dans la crise économique et sociale qui ravageait le pays.

     

    Souvent elle a eu peur, quand les militaires par exemple débarquent chez elle, la menaçant, ou quand elle est arrêtée et faite prisonnière.

     

    Mais sa peur, elle ne la laisse jamais transparaitre.

     

    Jusqu’au jour où tout s'accéléra.

     

    Un matin de 2017, elle accompagne son fils à l’université, et s’envole, dans le cadre de son travail, pour la Suède.

     

    Elle comprend qu'elle ne reviendra pas : son collègue est tué, sa famille est menacée.

     

    Débarquant sur le territoire européen, elle se heurte aux démarches administratives complexes.

     

    Elle fait alors une demande de visa à l'ambassade de France, pays dans lequel elle doit déposer sa demande d'asile.

     

    Elle perd tout.

     

     

    L'exil, seule...

     

     

    Conduite en France, ne parlant pas français, elle commence alors une longue quête d’intégration.

    D’abord, il faut trouver un toit : composer le 115, numéro destiné aux sans-abris chaque soir, et obtenir un lit pour une nuit, avant de remballer ses affaires le lendemain matin.

    Puis, il faut obtenir un statut de réfugié, absolument nécessaire pour bénéficier de certains droits comme celui de travailler.

     

    Une procédure parfois extrêmement longue et difficile, mais qui dans le cas de Thelma Chikwanka a été facilitée, grâce à l'accueil à la Maison des Journalistes.

     

    Enfin il faut trouver un emploi, vite : on ne peut pas faire le bec fin, "quelques heures de ménage sont déjà ça de gagnées", nous a-t-elle confié.

     

    blobid1

     

    Ayant tout perdu, sans un sous, coupée des siens, Thelma Chikwanka a su se relever.

    Elle a su rebondir pour avancer.

     

    Aujourd’hui, elle raconte son expérience pour qu’elle ne soit pas vaine.

     

    Elle n’a jamais arrêté de rédiger des articles, de dénoncer des injustices, et à distance, elle garde un œil critique sur son pays. Journaliste indépendante, elle tient maintenant un blog, Nacked Truth, où elle concentre ses convictions, et une multitude de nouveaux projets en lien avec l’intelligence artificielle.

     

    Avec sa coiffe vivement colorée et ses bijoux éclatants, elle n’oubliera jamais son pays, sa force, sa famille qu’elle a dû quitter. Mais elle n’a pas dit son dernier mot !

     

     

    Quand on lui demande ce qu’elle regrette le plus, elle n’a pas d’hésitation :

     

    « - Ce que j’aurais aimé être là, quand le peuple zimbabwéen s’est insurgé en 2019 contre le gouvernement. J’aurais voulu être là pour le voir de mes propres yeux, car ce qui s’est passé est historique 

     

     

     

     

    Mai 2021,

    texte et photos, Baptiste Schmieder,

    élève en seconde internationale britannique au lycée G.DUBY de Luynes.