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Enseignement spiralaire, du collège au lycée : un point sur les compétences
L'article du mois de la newsletter de mars était offert, avec l'exemple de la nutrition, à la construction spirale des notions. Au-delà des notions, cette spirale dans l'apprentissage doit également être présente pour la construction puis la consolidation des compétences disciplinaires et transversales, du collège vers le lycée : Continuité du référentiel de compétences du cycle 4 au lycée en SVT
Construire une progressivité des attentes au cours de la scolarité doit s'envisager avec des attentes de plus en plus importantes dans le cadre d'une complexification des contextes d'apprentissages. Cette complexification pouvant être source d'obstacles, le conviendra de les prendre en compte et de proposer une approche pédagogique différenciée. Cette construction progressive s'inscrit également dans le cadre d'un enseignement diversifié permettant de développer plusieurs types de raisonnements et de mobiliser des modes de communication variés à l'écrit comme à l'oral.
Afin de montrer des commentaires sur une même compétence peut être mobilisée en situation de classe et selon le niveau, nous vous indiquerons de prendre l'exemple de la compétence "interpréter des résultats et en tirer des conclusions".
Pour travailler cette compétence en cours d’apprentissage, il est indispensable de mettre en réflexion les élèves sur le raisonnement scientifique construit (quelles « étapes » ?) et de rendre explicite les attentes en appui par exemple sur la co-construction de critères ou de descripteurs.
Pour l’exemple choisi de la compétence « interpréter des résultats et en tirer des conclusions » :
- Au cycle 3: les notions déjà abordées au cycle 2 sont revisitées pour progresser vers plus de généralisation et d’abstraction, en prenant toujours soin de partir du concret et des représentations de l’élève. L’interprétation des résultats ne s’inscrit pas dans un raisonnement explicatif. Cependant, les élèves découvrent de nouveaux modes de raisonnement en mobilisant leurs savoirs et savoir-faire pour répondre à des questions et établissent des relations tout en développant leur esprit critique.
Exemple : Interpréter un résultat afin de montrer comment un engrais influence la croissance du blé.
- Au cycle 4: dans le prolongement du cycle 3, les élèves appréhendent la complexité du réel en utilisant le concret, en observant, en expérimentant, en modélisant. Ainsi, ils accèdent à des savoirs scientifiques actualisés, les comprennent et les utilisent pour mener des raisonnements adéquats, en reliant des données, en imaginant et identifiant des causes et des effets tout en exerçant son esprit critique.
Exemple : Interpréter des résultats afin de montrer que les feuilles rouges sont également capables de photosynthèse.
- Au lycée: dans le prolongement du cycle 4, il s’agit de renforcer la maîtrise de connaissances scientifiques et de modes de raisonnement propres aux sciences qui permettent de construire une véritable démarche cohérente et argumentée tout en construisant une posture scientifique et critique.
Exemple Seconde : Interpréter des résultats afin de montrer que la région PACA est un foyer de biodiversité de la France métropolitaine qu’il convient de protéger.
Exemple Première : Interpréter des résultats afin de montrer le support moléculaire de la spécificité antigène/anticorps.
Exemple Terminale : Interpréter des résultats afin de valider la théorie de l’origine endosymbiotique des chloroplastes chez les eucaryotes.
Les situations d’apprentissage suivantes permettent d’illustrer cette construction progressive de la compétence « interpréter des résultats et en tirer des conclusions » :
Situations d’apprentissage pour travailler de manière progressive une compétence
Au Cycle 3
Afin de montrer comment un engrais influence la croissance du blé, les élèves ont conçu un protocole expérimental qu'ils ont mis en œuvre. Les résultats obtenus sont exploités à la séance suivante.
Extrait d’une production d’élève :
Réponse attendue en lien avec la compétence "Interpréter un résultat et tirer une conclusion" :
En fin de cycle 3 (classe de 6ème), on peut attendre une réponse du type « la plante a grandi de 2 cm sans engrais et de 5 cm avec engrais ; j’en déduis que la plante a plus grandi avec de l’eau enrichi en engrais. Je peux en conclure que l’engrais mis par l’agriculteur est bénéfique pour la croissance de la plante. »
Cette réponse complète attendue montre que l'élève a :
- identifié les résultats utiles : il les a décrits dans différentes conditions expérimentales (avec ou sans engrais) en appui sur des observations (forme, couleur...), des mesures utiles (masse, volume, taille...),
- interprété les résultats : en comparant les mesures obtenues dans différentes conditions expérimentales, il en a déduit une information en appui sur d'autres observations ou un savoir établi,
- tiré une conclusion : il a relié son interprétation à la question de départ (qui avait amené à réaliser cette expérience) pour y répondre.
Réponse de l'élève :
Ici l'élève a bien suivi le processus intellectuel souhaité : il a comparé les résultats de taille des plants de blé avec ou sans engrais pour déterminer la situation la plus favorable à la croissance.Il a même été au-delà en interrogeant le domaine de validité de ce résultat puisqu'il précise qu'une dose seuil d'engrais pouvait être néfaste à la croissance (compétence liée à l'exercice de son esprit critique).
Ainsi, la réponse de cet élève bien que moins précise (pas de mesures citées, vocabulaire approximatif) et moins structurée que la réponse type attendue, est satisfaisante.
Comment travailler cette compétence en progressivité dans l'année ?
L'objectif est de faire prendre conscience aux élèves des divers éléments qu'ils mobilisent pour construire leur raisonnement. Ce travail est mené par l'enseignant de manière formative, il circule dans la classe et interroge les élèves pour accompagner leur prise de conscience de ces "étapes" de raisonnement.
Point de vigilance : Il n'est pas question de découper la compétence en une série d'étapes procédurales qui pourraient être rédigées sous la forme d'une fiche méthode. Il s'agit bien là, d'accompagner progressivement la construction/consolidation de cette compétence.
Ainsi, le travail rédigé ci-dessous correspond à une proposition de modélisation de l'accompagnement de l'enseignant tout au long de l'année. Il peut être par exemple intéressant de donner la consigne unique aux élèves MAIS le travail préalable d'explicitation de la consigne et des attendus consistera notamment à décortiquer/découper cette consigne unique :
1er temps (exemple précédent) : Identifier si le processus intellectuel suivi est juste - On n'attend pas ici de structuration de la réponse ; « donner » et « interpréter » sont mêlés
- dans l’exemple proposé, la mesure est faite puis notée avant et après, et le résultat rédigé est du type « la plante ayant reçu l’engrais a plus grandi que le plante n’en ayant pas reçu. »
- amener les élèves à utiliser le résultat pour répondre à la question posée.
2ème temps : Amener les élèves dont le processus intellectuel est juste à identifier « donner » et « interpréter » afin de structurer leur réponse en précisant ce qu’il faut faire pour avoir les résultats et ce qu’on en tire.Proposition de consignes à établir avec les élèves :
- Donner la taille de la plante au début et à la fin de l’expérience pour chaque pot.
- Dire alors quel pot a le mieux poussé.
- Répondre à la question de départ.
3ème temps : Pour les élèves capables de distinguer "donner" et "interpréter" à partir de la formulation d'une consigne unique du type : "A partir des résultats et de leur interprétation, répondre à la question de départ" - Interroger la qualité de la structuration, la précision et la complétude de la réponse, par exemple en comparant plusieurs réponses.
Au Cycle 4
Cet exemple s'inspire d’une question du brevet de collège évaluant la compétence « interpréter des résultats et en tirer des conclusions ».
Dans la nature, au printemps, on peut observer des plantes à feuilles vertes, des plantes à feuilles rouges, des plantes à feuilles panachées, c’est-à-dire vertes et blanches, rouges et blanches…
Pour réaliser la photosynthèse, les plantes à feuilles vertes captent l’énergie lumineuse grâce à des pigments photosynthétiques présents dans les feuilles. Parmi eux, les chlorophylles sont responsables de la couleur verte des feuilles de ces plantes.
On cherche à montrer que les feuilles rouges sont capables d’effectuer la photosynthèse.
Dans cet exemple, qui peut être enseigné en début de cycle 4, les résultats à prendre en compte, dans un document unique sont en nombre limité. Le processus intellectuel à suivre est comparable à celui construit en cycle 3.
En effet, on attend de l’élève qu’il soit capable de montrer que la capacité d’une feuille à effectuer la photosynthèse dépend de la présence de pigments chlorophylliens. Pour cela, il doit comparer la composition en pigments des feuilles rouges et vertes pour établir la correspondance". Puis s'appuyer sur le savoir établi du lien entre pigments et photosynthèse. Pour en conclure que les feuilles rouges sont capables comme les feuilles vertes d’effectuer la photosynthèse.
En cours d'apprentissage, cette compétence sera consolidée avec un accompagnement de l'enseignant (voir exemple cycle 3). Ce travail de mise en réflexion des élèves sur les attentes peut être complété par une co-construction de critères d'évaluation de la compétence :
La co-construction peut prendre diverses formes et permettra de mettre du sens :
- réponse cohérente : présente un raisonnement structuré (la photosynthèse dans les feuilles vertes est permise par les pigments => les feuilles rouges possèdent-elles les mêmes pigments => si oui, elles sont également capables de photosynthèse) + répond au problème en appui sur les résultats utiles (présence des pigments).
- réponse complète : présente de manière précise les résultats (nom des pigments dans les 2 types de feuilles).
Si nous plaçons cette situation en fin de cycle 4, on peut modifier la consigne :
On cherche à comprendre l'origine de la couleur rouge des feuilles et son rôle dans la photosynthèse.
Bien que les résultats à traiter soient les mêmes, on complexifie la situation d'apprentissage avec une interprétation qui nécessite 2 mises en relations qui restent cependant indépendantes :
- lien pigments et photosynthèse (idem exemple début de cycle),
- lien anthocyane et couleur rouge.
En Seconde
Ce document permet de soulever le problème du nombre élevé de territoires protégés en région PACA par rapport au reste du territoire national.
On cherche à montrer que la région PACA est un foyer de biodiversité de la France métropolitaine qu’il convient de protéger.
Résultats obtenus par les élèves :
Les résultats suivants ont été obtenus par le calcul de pourcentages provenant d’une base de données sur la France métropolitaine.
Interprétation des résultats et conclusions :
Dans cet exemple, les résultats à prendre en compte, dans un document unique (tableau) sont en grand nombre. Le processus intellectuel à suivre est comparable à celui construit au collège mais se complexifie avec ici la construction de 2 grandes idées complémentaires :
- une grande biodiversité à protéger : prendre en compte le % élevé d’espèces françaises rencontrées en région PACA en relation paradoxale avec la faible superficie de cette région (comparaison des colonnes C1 et C5).
- protéger la biodiversité afin de sauvegarder les espèces menacées: prendre en compte le % d’espèces menacées en France rencontrées en région PACA (colonne C4)
Pour aller plus loin (non exigible en classe de 2de) à la faveur d’une pédagogie différenciée : comparaison des colonnes C2 et C3 et prise en compte des données de C4 afin de montrer que les espèces ne sont pas plus menacées en région PACA qu’au niveau national, d’où la grande biodiversité des espèces en région PACA.
En première (enseignement de spécialité)
On cherche à montrer le support moléculaire de la spécificité antigène/anticorps.
Résultats obtenus par les élèves et documents ressources :
Dans cet exemple, les résultats à traiter sont de natures différentes dans un document composite. L'élève doit prendre en compte :
- de la dimension spatiale (représentation tridimensionnelle de la protéine) à appréhender grâce au logiciel de modélisation moléculaire ;
- des structures protéiques à relier fonctionnellement (structures primaire et quaternaire des protéines).
Afin d'accompagner les élèves en cours d'apprentissage afin de consolider la compétence "interpréter des résultats et tirer des conclusions", il peut-être pertinent de fournir des éléments de réponses organisés selon les "étapes" du raisonnement attendues (voir cycle 3 : identifier les résultats utiles - interpréter les résultats - tirer une conclusion) afin de soutenir un travail d'auto-évaluation des élèves.
Point de vigilance : Il n'est pas question de systématiser ce type d'outil d'auto-correction ; en effet la pensée linéaire, ordonnée et procédurale pourrait empêcher la construction d'autres types de raisonnement laissant davantage de place au développement de l'esprit critique.
En terminale (enseignement de spécialité)
On recherche à argumenter l'origine endosymbiotique des chloroplastes chez les eucaryotes, proposée par la théorie de L. Margulis. Pour cela on souhaite vérifier que les chloroplastes sont issus de la phagocytose de cyanobactéries par des cellules eucaryotes en cherchant des points communs par comparison des cyanobactéries et des chloroplastes.
Résultats obtenus par les élèves et documents ressources :
- chromatogrammes
- documents ressources:
A nouveau, dans cet exemple, les résultats à prendre en compte sont de natures différentes et très nombreuses dans un document composite.
On attend des élèves, un traitement intégré de l'ensemble des résultats avec la mise en relation de nombreuses informations issues à la fois des études documentaires et des résultats experimentaux afin d'établir des comparaisons utiles pour valider la théorie endosymbiotique. Ces comparaisons entre les chloroplastes des cellules végétales et les cyanobacteries se font à plusieurs échelles :
- structural (thylakoides)
- fonctionnel (pigments)
- genetique
On peut envisager une évaluation de la maîtrise de la compétence en appui sur les grilles d'évaluation proposer pour la correction de l'exercice de type 2 du baccalauréat qui prend en compte 3 curseurs indépendants :
1- Le curseur démarche
2- Le curseur analyse et mobilisation
3- Le curseur exploitation et mise en relation
Dès la classe de seconde, on pourra co-construire ces curseurs de voies progressives avec les élèves en identifiant les 3 critères qui sont évalués.
Lien vers l'intégralité de cette activité
Auteurs : Laetitia BRUNEAU, Sylvie DOUCET, Mathieu GOIRAND, Sabine TICAUD et Sébastien VOLAND