L'article qui suit a pour objectif de présenter une synthèse des supports utilisables en classe concernant la zone de subduction de Cascadia.
Les différentes données peuvent être utilisées pour montrer comment le regard des géologues sur cette région a radicalement changé depuis les années 1980. Cascadia est ainsi passée du statut de zone faiblement sismique à zone à absolument surveiller. À ce titre, les (nombreuses !) études portant sur la région constituent de bons supports pour aborder la notion d'aléa sismique.
Une démarche indicative est proposée. Elle ne constitue en aucun cas un exemple à absolument appliquer. Bien évidemment, le professeur pourra traiter tout ou partie de ce qui est fourni selon les modalités de son choix...
Niveau
Cycle 4
Compétences
Pratiquer des démarches scientifiques
Utiliser des outils numériques
Connaissances et capacités associées
La planète Terre, l’environnement et l’action humaine
- Expliquer quelques phénomènes géologiques à partir du contexte géodynamique global. Le globe terrestre (dynamique interne et tectonique des plaques lithosphériques) ; séismes, éruptions volcaniques.
- Relier les connaissances scientifiques sur les risques naturels (ex. : séismes, inondations) ainsi que ceux liés aux activités humaines aux mesures de prévention, de protection, d’adaptation, ou d’atténuation.
- Les phénomènes naturels : risques et enjeux pour l’être humain.
- Notions d’aléas, de vulnérabilité́ et de risque en lien avec les phénomènes naturels ; prévisions.
Formation à l'argumentation, culture scientifique pluridisciplinaire, exercice de l'esprit critique.
L'étude des gaps sismiques est un élément essentiel de la prévention du risque sismique.
On définit un gap sismique comme étant une période anormalement longue durant laquelle il n'y a pas eu de séismes sur un réseau de failles connues. Ce "silence sismique" est interprété comme le signe de l'accumulation d'énergie à la suite d'une contrainte. Cette énergie peut potentiellement être restituée brutalement lors d'un séisme majeur. Les régions où l'on définit un gap sismique sont donc à aléa élevé.
Préliminaire : un exemple de gap sismique bien défini : le cas du séisme du 24 août 2016, région d'Amatrice
On peut visualiser certains gaps sismiques en étudiant, a posteriori, la sismicité d'une région affectée par un séisme majeur. Un bel exemple est l'étude de la sismicité de la région d'Amatrice (province de Rieti, Italie) avant / juste après le séisme du 24 août 2016.
Voir à ce sujet, l'article d'Alexandre Castanet : https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_10541657/fr/prevision-sismiques-a-partir-de-donnees-scientifiques-sur-le-seisme-d-amatrice-en-aout-2016
Ci-dessous, à gauche, sismicité de la région d'Amatrice entre 1976 et juillet 2016, à droite sismicité de la région d'Amatrice au mois d'août 2016 (base de données Iris).
Cartographie du réseau de failles de la région d'Amatrice :
Source : GéoAzur in The Conversation https://theconversation.com/comment-expliquer-cette-cascade-sismique-qui-fait-trembler-litalie-70630
On remarque ici que le séisme d'août 2016 a lieu sur une portion de faille qui n'avait pas joué depuis longtemps. Ce qui est remarquable c'est que l'on a pu identifier sur le terrain la portion de faille ayant joué.
Source : Frédérique Leclerc/CNRS-INSU/Géoazur, in The Conversation https://theconversation.com/comment-expliquer-cette-cascade-sismique-qui-fait-trembler-litalie-70630
Sur cette image, la portion claire est la surface du miroir de faille dégagée lors du séisme du 16 août 2016 et de ses répliques (jeu cumulé de 50 cm en moyenne).
À partir de ces données, on peut donc comprendre que, sur cette portion de faille, l'énergie s'est accumulée pendant plusieurs décennies (pas de mouvement au niveau de la faille malgré des contraintes en raison de la géométrie et / ou des frottements...). Puis, la faille a brusquement joué en août 2016 ("rupture") ce qui a libéré une grande quantité d'énergie responsable de la propagation d'ondes sismiques...
La zone de Cascadia : une limite de plaque asismique ou une zone présentant un gap sismique de plusieurs siècles ?
La "zone de Cascadia" est une région très particulière, située sur les côtes pacifiques du Canada et des États-Unis, au large de la Colombie britannique et du nord de la Californie. Il s'agit de la limite entre les plaques tectoniques Juan de Fuca et Amérique Nord.
Visualisation de la zone de Cascadia sous tectoglob3D, ici entourée en jaune. On remarque qu'il s'agit d'une limite de plaque de type "subduction", en rouge, (anormalement) située proche d'une dorsale (en vert) ...
Cascadia, une zone de subduction à la sismicité atypique
En étudiant la sismicité globale dans la région et en la comparant avec celle existant dans d'autres zones de subduction, on remarque que Cascadia est exceptionnellement calme ...
Mise évidence d'un "calme sismique" à la limite des plaque Juan de Fuca / Amérique du Nord
En haut, à gauche, par affichage des données dans Tectoglob3D, à droite via la base de données de l'USGS (paramètres : sur la région, Magnitude supérieures à 5, période 1993-2023) - en bas zoom sur la région de Cascadia mettant en évidence la sismicité due à la dorsale et la relative absence de sismicité due à la subduction...
N.B : Pourtant les tomographies sismiques montrent qu'il existe bien du matériel relativement froid plongeant sous la plaque Nord-américaine...
À gauche, mise en évidence de matériel relativement froid sous la plaque nord-américaine via Tectoglob 3D, à droite données de tomographie au sud de la zone (source : https://people.earth.yale.edu/sites/default/files/files/Long/gao_long_2022_elements.pdf )
Cette absence de sismicité recensée s'expliquerait par les particularités de la plaque plongeante (relativement "jeune" et "chaude") et par la circulation de fluides qui assurerait une subduction sans "à-coup".
La récente découverte d'échappement de fluides chauds dans le pacifique provenant de la zone de Cascadia pourrait d'ailleurs être le signe que la zone perd son "lubrifiant". (https://www.washington.edu/news/2023/04/10/warm-liquid-spewing-from-oregon-seafloor-comes-from-cascadia-fault-could-offer-clues-to-earthquake-hazards/ , https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/geologie-faille-cascadia-perd-son-lubrifiant-ce-nest-peut-etre-pas-bon-signe-104743/ )
Malgré l'absence de séismes d'importance récents, la zone de Cascadia est-elle une zone à risque ?
Une zone à enjeu élevé
Le centre et le sud de la région de Cascadia sont des zones densément peuplées. On y trouve notamment la ville de Vancouver (662 248 habitants pour la ville au sens strict, 2,6 millions d'habitants pour agglomération en 2021).
À gauche : Densité de population sur la côte ouest de l'Amérique du Nord (https://www.populationdata.net/wp-content/uploads/ameriquedunord_densite.gif - modifié)
À droite : panorama de la ville de Vancouver (Colombie britannique) (https://fr.wikipedia.org/wiki/Vancouver)
Comme la région a longtemps été considérée comme calme sismiquement, de nombreux bâtiments anciens n'ont pas été construits pour résister à des séismes (absence de structure parasismiques, construction en brique et de forte hauteur dans le centre de Vancouver par exemple).
Immeubles anciens et modernes dans le vieux quartier de Vancouver.
Un aléa difficile à évaluer
Depuis l'arrivée des européens en 1774, aucun séisme d'ampleur n'a été recensé dans la région.
Toutefois on peut montrer par des données indépendantes que la zone de Cascadia a connu dans un passé pas si lointain au moins un séisme de forte magnitude ...
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La zone de Cascadia recoupe plusieurs territoires de peuples amérindiens encore importants aujourd'hui (Kwakuilt, Nuuchahnulth, Haïdas, Salish) qui peuplaient la région avant l'arrivée des européens. Bien que les langues de ces groupes ne soient pas forcément apparentées, leurs cultures présentent de forts points communs. Ils se caractérisent par une très forte tradition orale (chez les Kwakuilt par exemple, les contes traditionels sont théâtralisés lors de grandes représentations) et un art pictural très riche (masques, mâts totémiques, peintures d'habitats parfois monumentaux...). |
Ces cultures ont donc été très étudiées dès le XIXème siècle. Elles peuvent être considérées à certains égards comme une forme d'archivage d'évènements passés.
Culture Kwakiult (Kwakwaka'wakw) : multiplicité des personnages-danseurs traditionnels, grande maison de chef traditionnelle dont l'entrée est un bec d'oiseau articulé. Source https://www.leportedellanno.unito.it/4_eng_ind_cicli_kwakiutl.html, https://www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/aborig/grand/ghhe4fra.html
Certains éléments traditionnels sont interprétés comme des traces de séismes ayant eu lieu avant l'arrivée des européens :
=> Masque et danseur Swai’xwe (Salish) et les danseurs "tremors" Nuuchahnulth.
Dès le XIXèmesiècle, les ethnologues et explorateurs s'intéressant aux tribus de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord se sont interrogés sur certaines danses traditionnelles représentant des personnages mythiques déclenchant des tremblements de terre.
=> le mythe du combat entre la baleine et l'oiseau Tonnerre (commun à tous les groupes de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord).
Le combat entre l'oiseau Tonnerre et la baleine est un élément fort des mythes des peuples "natifs" de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord.
Maison ornée du motif "oiseau Tonnerre capturant la baleine" - Alert Bay, Vancouver Island - Tlah go glas house. Photo (Goddard,1934)
https://www.pnsn.org/outreach/native-american-stories/thunderbird-and-whale/totem-art
De nombreuses variantes de la légende coexistent (notamment au sujet de la raison de la lutte entre les deux êtres mythiques) mais une constante de ces récits est le déroulement du combat entre l'oiseau Tonnerre et la baleine :
- L'oiseau Tonnerre capture la baleine et la lance violemment sur le sol plusieurs fois. Ceci provoque de vastes tremblements de terre.
- L'oiseau Tonnerre capture la baleine dans l'océan ce qui provoque un retrait de l'eau. Puis, il la lance dans l'océan ce qui provoque un énorme vague qui dévaste les régions côtières.
Version Quileute (communauté dont le territoire est en partie dans la partie sud de Cascadia)
Whale was a monster, killing other whales and depriving the Quileute tribe of meat and oil. Thunderbird, a benevolent supernatural being, saw from its home high in the mountains that the people were starving. It soared out over the coastal waters, then plunged into the ocean and seized Whale. A struggle ensued; the ocean receded and rose again. Many canoes were flung into trees and many people were killed. Thunderbird eventually succeeded in lifting Whale out of the ocean, carrying it high into the air and then dropping it. Then another great battle occurred on the land.
Source :https://en.wikipedia.org/wiki/Thunderbird_and_Whale#CITEREFLudwinSmithsCarverJames2007
On peut comparer les éléments du récit aux déroulés de tsunami actuels bien décrits. Par exemple, le tsunami du 26 décembre 2004 qui touche l'Indonésie.
Description des évènements lors du tsunami du 26 décembre 2004 en Indonésie.
07h58 Un puissant séisme dans l'océan Indien
A 07h58 et 53 secondes (heure locale), un séisme secoue l'océan Indien. Son épicentre se situe à 250 kilomètres au sud-ouest de l'île indonésienne de Sumatra.
Le tremblement de terre est initialement estimé à 6,4 sur l'échelle de Richter par le Bureau de géophysique de Djakarta. En réalité, il atteint entre 9 et 9.3 de magnitude, ce qui en fait l'un des plus puissants jamais enregistrés à ce jour.
Cette secousse, qui a libéré une puissance équivalant à 23'000 bombes atomiques d'Hiroshima, provoque la formation d'une vague d'environ 50 centimètres de hauteur au milieu de l'océan et qui se déplace à 800 km/h en direction des côtes.
C'est en approchant des terres, quand le plancher océanique remonte, que la vague géante se forme. Dans le cas présent, la vague atteindra jusqu'à 35 mètres de hauteur en frappant l'île indonésienne de Sumatra.
08h06 (T+8min)
La secousse détectée
Le Centre d'alerte sur les tsunamis du Pacifique (Pacific Tsunami Warning Center, PTWC) à Hawaii détecte les premiers signaux du tremblement de terre. Sa magnitude est alors estimée à 8.
08h13 (T+15min)
La mer se retire
A Banda Aceh, en Indonésie, et dans les environs, la mer se retire brusquement, sur une distance pouvant atteindre un kilomètre. Selon des témoignages, de nombreux animaux se mettent à grimper sur les collines.
Le retrait de la mer est aussi visible en Thaïlande. Des rescapés ont rapporté que de nombreux curieux se sont rapprochés de la plage pour assister au phénomène, ce qui explique notamment le terrible bilan de la catastrophe.
Première vague sur Aceh
Une première vague déferlante de 15 à 20 mètres s'abat sur les côtes de la province indonésienne d'Aceh. Elle se déplace à 50 km/h.
Au même moment, le tsunami touche les Iles Nicobar.
08h38 (T+40 min)
Tout Sumatra est touché
Les vagues géantes s'écrasent sur le pourtour de Sumatra, dont Banda Aceh.
En vidéo, les images tournées par des rescapés :
08h40 (T+42min)
Une vague de 35 mètres
La vague fait plus de 30 mètres
Le raz-de marée qui frappe les côtes de l'île de Sumatra fait entre 5 et 35 mètres.
Source : https://www.rts.ch/info/monde/6390807-le-tsunami-du-26-decembre-2004-minute-par-minute.html
Les évènements décrits peuvent correspondre au déroulement d'un tsunami (retrait de la mer puis vague) déclenché par un tremblement de terre de forte magnitude.
Représentations du combat entre oiseau Tonnerre et baleine
Nuu chaa nulth (Nootka) memorial erected in 1902-1903 to honor Chief Moqwinna - Photograph in the W.A. Newcombe Collection) (Drucker, 1951, 1955) Graphic theme of Nuu chaa nulth (Nootka) cloth screen depicting thunderbird and whale. (Malin, 1999)
https://www.pnsn.org/outreach/native-american-stories/thunderbird-and-whale/totem-art
=> Tradition orale des tribus Nuuchahnulth : témoignages indirects d'un évènement catastrophique.
Au début du XXèmesiècle ont été recueillis auprès de personnes agées Nuuchahnulth des témoignages sur un évènement passé catastrophique. Le récit fait référence à une montée soudaine de la mer sous la forme d'une vaste vague emportant les villages. La ou les vagues submergent les arbres dont seuls les plus grands résistent. Lorsque la vague prend fin, des canoës se trouvent perchés dans les arbres, des villages entiers ont été emportés. La ligne de côte comme le cours de certaines rivières ont été modifiés.
Compte-tenu des éléments du récit, de l'âge des témoins indirects et de leurs relations avec les témoins directs, on peut dater cet évènement autour des années 1700.
Ci-dessous, la reproduction de deux témoignages. Les dates en début de texte représentent l'époque possible à laquelle l'évènement a pu avoir lieu compte-tenu du témoignage.
Portrait d'une femme Nuuchahnulth https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/hesquiahts |
1690–1805 (27). “My grand father saw one of the old women (survivors) who had been left alive. She had been hung up on a tree, and the limbs of that tree were too high up. So she took her pack line and tied it to a limb, and then when she wanted to go down by means of that, she fell, she was just a girl when she fell from it. Her back was broken from it (she had a hump back there after). That is what she told about the raised water.”
— Annie MinerPetersen, age 73 in 1913. |
1657–1777 (28). “… there was a big flood shortly before the white man’s time, … a hugetidal wave that struck the Oregon Coast not too far back in time … the ocean rose up and huge waves swept and surged across the land. Trees were up rooted and villages were swept away. Indians said they tied their canoes to the top of the trees, and some canoes were torn loose and swept away… After the tidal wave, the Indians told of tree tops filled with limbs and trash and of finding strange canoes in the woods. The Indians said the big flood and tidal wave tore up the land and changed the rivers. Nobody know show many Indians died.
— Beverly Ward, recounting stories told to her around in 1930 by Susan Ned, born in 1842. |
in Dating the 1700 Cascadia Earthquake : Great Coastal Earthquakes in Native Stories (Ludwin et al., 2014) |
- Données relatives aux "forêts fantômes" de la côte ouest de l'Amérique du Nord
Le long de la côte ouest de l'Amérique du Nord, de nombreuses forêts fantômes (ghost forests) sont connues. Ce sont des étendues parsemées de troncs d'arbres morts (Sequoia, "red cedar" - grands thuyas (Thuja plicata) de la côte nord-ouest) plus ou moins complets.
L'étude des cernes de croissance des arbres tant dans les troncs qu'au niveau des racines peut permettre de dater la mort subite des arbres.
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Dans les troncs ou les racines, les cernes de croissance sont plus ou moins épaisses en fonction de l'intensité et de la durée des périodes froides hivernales. |
À partir d'arbres vivants actuels et assez vieux (ce qui est le cas des Séquoia et des grands thuyas de la cote nord-ouest de l'Amérique du Nord), on peut faire correspondre l'épaisseur des cernes à certaines années. On obtient ainsi une sorte de code barre de référence (ci-dessus à gauche en haut). Ensuite, la correspondance entre les cernes d'un arbre mort et les cernes de référence permet de déduire les années pendant lesquelles l'arbre a été en croissance et une date minimale (les troncs n'étant souvent pas complets) de sa mort (voir ci-dessus à gauche).
Pour plus de détail sur la méthode, voir le lien "La dendrochronologie, c'est bien davantage que compter des cernes" : https://www.wsl.ch/fr/foret/cernes-et-croissance-des-arbres/bien-plus-que-compter-des-cernes/
Ci-dessous, sont répertoriés les résultats de l'étude de troncs et de racines prélevées dans 3 forêts fantômes de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord.
https://www.researchgate.net/figure/Dating-of-red-cedar-snags-that-retain-intact-roots_tbl1_13876634
On remarque que, pour les troncs, le dernier cerne correspond aux années 1674 à 1699. Pour toutes les racines, sauf un échantillon, le dernier cerne de croissance correspond à l'année 1699.
Ces données sont en accord avec un évènement qui aurait tué les arbres avant l'été de l'année 1700.
- Données des archives de l'administration japonaise du XVIIIème siècle : le tsunami orphelin des 27 et 28 janvier 1700
La Grande vague de Kanagawa, Katsushika Hokusai,1831
Les administrations japonaises territoriales au XVIIIème siècle ont recensé à divers titres (dégâts sur les navires, dégâts sur les villages, dégâts sur les cultures...), les tsunamis et les tremblements de terre associés subis par l'archipel du Japon. La plupart des tsunamis sont associés à des secousses sismiques ressenties au Japon.
Le tsunami de janvier 1700 fait exception à cette règle. Il ne peut être mis en relation avec aucun des séismes rapportés dans les archives japonaises (de tels tsunamis sont dits "orphelins").
La précision des archives permet de reconstituer le trajet de la vague qui s'abat les 27 et 28 janvier 1700 sur les côtes japonaises.
"Le premier lieu atteint par le tsunami orphelin sur la côte Est du Japon est le village de Kuwagasaki. Il est touché durant la nuit, à la 9ème heure du 8ème jour. Si on convertit les jours et heures japonaises en nos jours et heures occidentales, le tsunami a atteint Kuwagasakiet Ôtsuchi, le mercredi 27 janvier 1700, à minuit. Et il atteindra Nakaminatoplus au sud, le jour suivant, vers la cinquième heure du neuvième jour, peu après les premières lueurs de l'aube, c'est à dire le jeudi 28 janvier 1700 vers huit heures du matin.Lesdocuments qui contenaient cette somme étonnante de précisions sur le début de l'année 1700 dormaient dans des registres et des carnets. La plupart étaient consignés dans les livres du registre du Château de Morioka."
Extrait de l'émission "Sur les épaules de Darwin", J.C Ameisen, 17 Aout 2019, "Le mystérieux tsunami de 1700 au Japon" https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/sur-les-epaules-de-darwin/le-mysterieux-tsunami-de-1700-au-japon-6624099.
Grâce à ces données, on a pu calculer la vitesse de la vague et la direction de son déplacement. Des modélisations numériques permettent de déterminer l'épicentre et la puissance du séisme à l'origine de l'onde responsable de la vague. On montre alors que l'onde a traversé le Pacifique et que son origine se trouve précisément dans la zone de Cascadia. La magnitude du séisme capable de générer une telle onde est estimée à 9+, ce qui correspond aux magnitudes les plus élevées connues.
Modélisation du trajet du tsunami de janvier 1700.
https://kval.com/outdoors/last-big-one-shook-the-pacific-northwest-316-years-ago-tuesday
- Données tirées des études de forages dans les sédiments marins de la zone de Cascadia
Forages effectués entre 1999 et 2009 dans les sédiments à la base du talus continental au sud de la zone de Cascadia. |
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Lors de séismes côtiers importants, de vastes glissements de terrains sous-marins au niveau du plateau continental ont lieu. Il en résulte de forts apports sédimentaires brutaux à la base du plateau continental. Ces sédiments, connus sous le nom de turbidites, sont généralement reconnaissables par leur contenu (taille et granoclassement des particules déposées). Ils sont donc identifiables au sein de sédiments plus habituels. On peut effectuer des forages et récupérer des colonnes de sédiments dans leur ordre de dépôt (ce sont des "carottes" de forage"). Une seule carotte peut faire plus de 6 m et donc représenter plusieurs milliers d'années de sédimentation. Dans ces colonnes, des variations de la taille et de l'ordre des particules peuvent permettre d'associer les sédiments observés à des turbidites déposées à la suite de séismes importants. Ci-contre, à gauche : identification de turbidites dans une carotte de forage, à droite : photographie de la carotte et graphique représentant l'intensité de la sédimentation. Les pics représentent des augmentations brutales du taux de sédimentation permettant d'identifier les turbidites.
Ci-dessous : aspect des turbidites dans une carotte de forage. turbidite dans une carotte de forage. |
Une analyse fine des sédiments ainsi récoltés sur un grand nombre de forages (voir carte) permet de définir des turbidites communes à tous les forages. Ces turbidites correspondent à des séismes de forte magnitude.
Ces études ont montré qu'il y a eu de 14 à une vingtaine de séismes importants dans la zone de Cascadia depuis 10 000 ans.
Volumes des turbidites interprétées comme résultat d'évènements sismiques depuis 10 000 ans.
https://earthquake.usgs.gov/static/lfs/nshm/workshops/PACNW2012/Goldfinger2012PacNWworkshop.pdf
Ci-dessus : reconstitution de la succession des séismes dans la zone de Cascadia depuis 800 ans reportée sur une chronologie avec des répères de l'histoire humaine.
Ces études montrent que des séismes majeurs affectent la zone de Cascadia environ tous les 500 ans en moyenne avec des calmes sismiques dont la durée varie de 200 à 900 ans. Les derniers séismes majeurs sont datés des années 1310 avant JC, 810 av JC et 1700 ap JC.
Actuellement, l'absence de sismicité observée depuis l'arrivée des européens dans la région est le reflet d'un gap sismique durant depuis 1700...
Des séismes peuvent certainement avoir lieu dans la zone de Cascadia. La question est donc "quand" et avec "quelle magnitude"
En complément : pourquoi déterminer un gap sismique ne permet pas une prévision optimale
Les expériences du type "patin tracté" peuvent permettre de comprendre le lien entre contrainte / gap sismique / période sismique. On peut mettre en évidence la difficulté à prédire les séismes même lorsqu'on dispose d'archives permettant de bien définir les gaps et les apparents cycles sismiques.
Ainsi, par exemple, à un gap sismique important peut succéder une multitude de petits séismes de faible magnitude. De même, un glissement sur la faille peut intervenir relativement tôt de façon assez peu prévisible.
Un dispositif de type patin tracté simplifié en collège peut permettre aux élèves de s'exercer à la prévision sismique (et de se rendre compte de l'incertitude...).
Photo : François Tilquin, modifé.
Dispositif : une masse est tractée via un élastique ou un ressort relié à une ficelle capable de s'enrouler (manuellement ou de façon motorisée). La masse est placée sur une surface rugueuse (classiquement une bande de "papier de verre").
La contrainte exercée par la traction est partiellement compensée par l'élasticité de l'élastique ou du ressort. Jusqu'à un point "de rupture" où la masse va brutalement avancer par rétractation brutale de la portion élastique.
De façon simple, on peut demander à un observateur de signaler lorsqu'il pense que la masse est prête à bouger. On pourra noter son pourcentage d'erreur. On peut aussi tenter de mesurer un cycle dans les mouvements du patin tracté...
Les élèves s'apercevront rapidement qu'il est difficile de prédire le moment où le patin va bouger et l'importance (distance parcourue lors de l'à coup) du mouvement. Il est ensuite aisé de comprendre l'analogie avec le mouvement de deux compartiments de part et d'autre d'une faille.
De nombreuses variantes plus ou moins complexes ont été proposées par François Tilquin. Pour plus de précision, voir la page :
http://acces.ens-lyon.fr/acces/logiciels/e-librairie/sismologie-modeles-experiences-logiciels#d0e75
Proposition d'une démarche possible
1 - Tâche commune - Définir la notion de gap sismique éventuellement à l'aide du cas d'Amatrice ;
2 - Tâche commune - Mettre en évidence le silence sismique dans la zone de Cascadia - base de données USGS ou Tectoglob 3D ;
3 - Construire / Formaliser un questionnement scientifique fondé sur le paradoxe Zone asismique <=> Zone de subduction ;
4 - Rappeler la nécessité de ce questionnement compte-tenu des enjeux : densité de population... ;
5 - Corollaire : le silence sismique dure depuis 1774... Peut-on savoir si des séismes ont eu lieu avant l'arrivée des européens ?
6 - Tâches en mosaïque sur supports divers (vidéos, textes, ... Voir sources) : données ethnologiques, forêts fantômes, archives japonaises, forages ;
7 - Mise en commun, possibilité de synthèse orale argumentative (on attend une démonstration avec un argument tiré des documents) : il y a eu un (des) séisme(s) avant 1774. On insistera sur les méthodes qui permet d'attester l'existence de séismes passés et sur les méthodes indépendantes de datation.
8 - Mise en évidence de la convergence des résultats de méthodes indépendantes => Notion de construction d'un savoir scientifique, solidité de la "preuve" ;
9 - Bilan consensuel : La zone de Cascadia n'est pas asismique. L'absence de séismes s'explique par un gap sismique de 350 ans. La probabilité de survenue d'un séisme dans un avenir proche est non nulle. On sait donc où, mais peut-on savoir le quand ?
10 - Montrer que déterminer les gaps sismiques et une récurrence apparente de phases sismiques ne suffit pas à la prévention. Travail sur les relevés synthétiques de forages dans les sédiments et/ou expériences analogiques du patin tracté. Identifier la survenue (partiellement) aléatoire d'un séisme à l'aléa. (Variabilité de la durée des gaps par exemple) => on ne peut prévoir avec une certitude suffisante ni le quand ni la puissance d'un séisme futur...
11 - Notions construites : aléa, enjeu. Définir le risque comme la combinaison aléa x enjeu
Note sur l'image de présentation
Masque articulé oiseau Tonnerre et baleine https://kids.britannica.com/kids/assembly/view/178503 |
L'image de présentation de l'article comprend une photographie d'un masque articulé Kwakiult. Ci-contre, une photographie (1904, Field museum) montrant comment ce type de masque est porté. Pendant la représentation, le danseur peut actionner via des cables, la gueule, la queue et les nageoires latérales qui sont des pièces mobiles. |
Masque articulé "killer whale" - Photo Field Museum, 1904 |
Auteurs
Lionel Roux / Nathalie Romeuf