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Pgme Terminale. Avril 2012

Publié le 28 mai 2012

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Le  lundi 28 mai 2012

Stage pgme Tale (struc. soc.)

Analyse de la structure sociale. B. Herbelot

  • Comment analyser la structure sociale ? – Clés de lecture

     

    1.1 Comment analyser la structure sociale ?

    Classes sociales, groupes de statut, catégories socio-professionnelles.

    On présentera les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition sociologique (Marx, Weber) ainsi que leurs prolongements contemporains et on s'interrogera sur leur pertinence pour rendre compte de la dynamique de la structuration sociale. On mettra en évidence la multiplicité des critères de différenciation sociale dans les sociétés post-industrielles (statut professionnel, âge, sexe, style de vie) et on se demandera dans quelle mesure cette multiplicité contribue à brouiller les frontières de classes.
    Acquis de première : groupe social.

     

    Les indications complémentaires incitent à présenter dans un premier temps les théories classiques de la stratification sociale, essentiellement celles de Marx et de Weber (I), puis dans un second temps les prolongements contemporains de ces théories et leur pertinence pour rendre compte de la dynamique de la structuration sociale (II).

     

    I) La stratification sociale dans la tradition sociologique : l’analyse de Max Weber

    Les indications complémentaires précisent qu’il faut présenter les théories de la stratification sociale élaborée par Karl Marx et par Max Weber. La théorie des classes sociales de Marx étant assez largement présente dans l’ancien programme de terminale (tronc commun et spécialité), cette présentation se concentrera sur la théorie de la stratification sociale de Max Weber.

    La première caractéristique distinctive de l’approche wébérienne de la stratification sociale est son caractère pluridimensionnel. Weber analyse en effet la stratification sociale à partir de trois dimensions distinctes, qui correspondent toutes les trois à des « phénomènes de distribution du pouvoir dans une communauté donnée » :

    • -          l’ordre économique, qui correspond à la distribution des biens et de la richesse, où les individus se répartissent en différentes classes (A) ;
    • -          l’ordre social, qui correspond à la distribution du prestige social, où les individus se répartissent en groupes de statut (B) ;
    • -          l’ordre politique, qui correspond à la distribution du pouvoir politique, où apparaissent les partis, en lutte pour le contrôle de l’Etat. Cette dernière dimension n’est pas explicitement au programme.

     

    A) La théorie des classes sociales de M. Weber

     Les principaux aspects de la théorie des classes sociales de M. Weber :

    -          les classes sont des regroupements d’individus qui occupent la même situation de classe, ce que Weber définit comme le fait que ces individus ont des chances identiques d’accès aux biens ou aux revenus. Weber évoque également une définition complémentaire des classes sociales à partir de la mobilité sociale : une classe sociale regroupe l’ensemble des situations de classes entre lesquelles la mobilité sociale est possible et fréquente ;

    -          Weber retient deux critères de différenciation des situations de classes (là où Marx n’en retient qu’un) :

    • la possession de capital. Weber parle à ce sujet de « classes de possession ». La distinction fondamentale à partir de ce critère est la distinction opposant propriétaires et non propriétaires (comme chez Marx). Mais au sein de la catégorie des propriétaires, Weber opère également une distinction entre plusieurs classes en fonction de la nature de la propriété (foncière, financière et industrielle) et met en évidence des oppositions d’intérêt entre ces groupes ;
    • le type de service offert par les travailleurs. Il parle à ce sujet de « classes de production » (les membres d’une même classe partagent les mêmes « chances d’exploitation du marché des biens et services »). Ce critère permet à Weber de distinguer les classes moyennes salariées, disposant d’une qualification élevée (et liées notamment à la bureaucratisation), et la classe ouvrière (ce que la classification de Marx ne permet pas) ;

    -          à partir de ces deux critères, Weber distingue une multitude de fractions de classes (voir Economie et Société, t.1, pp. 392-394), ce qui complexifie l’analyse. Il opère toutefois un regroupement en quatre grandes classes sociales : la classe ouvrière, la petite bourgeoisie indépendante, les classes moyennes salariées (« intellectuels et spécialistes sans biens »), les classes privilégiées par la propriété ou l’éducation ;

    -          la conception de Weber est nominaliste : une classe sociale est une collection d’individus rassemblés par le sociologue, un outil de classement (« la situation de classe et la classe n’indiquent en elles-mêmes que des états de fait »). Toutefois, si le sentiment d’appartenance de classe n’est pas automatique, il peut se développer, ce qui fait que les classes nominales peuvent devenir des classes réelles.

     

    B) La théorie des groupes de statut selon M. Weber

     Les principaux aspects de la théorie des groupes de statut selon Weber :

    -          un groupe de statut est un groupe social dont les membres disposent d’un même degré de prestige social associé à leur statut social. Le statut social dépend lui-même de plusieurs facteurs, Weber en identifie quatre : la naissance, la profession, l’instruction et le style de vie. Parmi ces quatre facteurs, le style de vie est l’élément le plus déterminant : « le statut (…) est presque entièrement conditionné aussi bien qu’exprimé par un style de vie particulier ». Les groupes de statut reposent donc sur des critères subjectifs (avec des fondements objectifs : profession, naissance,…) ;

    -          les groupes de statut sont des groupes réels (et non des groupes nominaux comme peuvent l’être les classes sociales selon Weber). Ce sont des communautés, qui partagent les mêmes valeurs, les mêmes normes et ce faisant le même style de vie, les mêmes goûts culturels, et dont les membres entretiennent un sentiment d’appartenance. Ils sont relativement fermés sur l’extérieur (système d’inclusion et d’exclusion, reposant sur l’endogamie, les pratiques vestimentaires, le respect de certaines conventions sociales,…). Les groupes de statut peuvent être de fait ou de droit ;

    -          les groupes de statut interagissent avec les classes sociales (« les différences de classes entrent dans les relations les plus diverses avec les distinctions de statut ») :

    • ils peuvent se recouper : une classe sociale peut coïncider avec un groupe de statut, le statut économique privilégié pouvant aller avec une forte considération sociale ;
    • ils peuvent diverger : une classe sociale pouvant par exemple être fractionné en différents groupes de statut (idée qui sera reprise par Bourdieu). C’est l’exemple du nouveau riche ou de l’aristocrate ruiné, dont les positions en termes de classes sociales et de groupes de statut ne sont pas congruentes ;

     Plusieurs études empiriques peuvent être mobilisées pour présenter la notion de groupe de statut et  son interaction avec les classes sociales.

    La sociologie américaine de la stratification sociale s’est inspirée des théories de Max Weber, et notamment de l’articulation entre classes sociales et groupes de statut. Parmi les études concernées, l’étude classique de Lloyd Warner Yankee City peut être mobilisée en cours avec les élèves comme un exemple de représentation de la stratification sociale dont les composantes (qualifiées de « classes sociales ») reposent sur une articulation des classes sociales et des groupes de statut au sens de Weber. La présentation de la méthode d’enquête mis en œuvre par Warner et des limites de son étude (dont on trouvera une présentation dans BOSC Serge, Stratification sociale et classes sociales, Armand Colin, pp. 23-26) peuvent être l’occasion de faire réfléchir les élèves sur la démarche du sociologue.

    Afin de présenter la notion de groupe de statut et son articulation avec la notion de classe sociale, on pourra également mobiliser (entre autres) les exemples issus des travaux de Max Weber (étude des modes de vie des entrepreneurs protestants), de Thorstein Veblen ou encore de Lloyd Warner présentés dans Sociologie de la consommation de Nicolas Herpin (Repères La découverte).

     
    Conclusion du I : Distinctions essentielles entre Marx et Weber

     Les théories de la stratification sociale de Marx et Weber s’oppose notamment sur les points suivants :

    •           l’approche de Marx est unidimensionnelle, celle de Weber est pluridimensionnelle. Weber retient trois dimensions essentielles de la stratification sociale : classes (ordre économique), groupes de statut (ordre social), partis (ordre politique). Ces dimensions peuvent se recouper, mais cela n’est pas nécessaire ;
    •           l’approche de Marx est réaliste, les groupes délimités ont une existence réelle, l’approche de Weber est nominaliste : les groupes sont une création du sociologue, dans le cas des classes sociales (mais Weber considère que les classes sociales ainsi délimitées peuvent devenir des groupes réels par prises de conscience de leurs membres), mais l’approche de Weber est réaliste dans le cas des groupes de statut ;
    •           l’approche de Marx est conflictuelle (la structuration de la société en classes sociales conduit nécessairement au conflit), l’approche de Weber est fondée sur l’idée de domination, mais celle-ci ne conduit pas nécessairement au conflit (« l’articulation des classes de possession n’est pas à elle seule « dynamique », c’est-à-dire qu’elle ne conduit pas nécessairement à des luttes de classes et à des révolutions de classes »).

    L’analyse de Weber peut sembler aujourd’hui plus actuelle que celle de Marx, dans la mesure où elle est plus ouverte : le fait que Weber multiplie les critères de classification dans son approche de la stratification sociale fait que son approche est moins remise en cause par la dynamique de la structure sociale au cours du 20ème siècle.

     

    II) Les prolongements contemporains : quelle pertinence pour la notion de classe sociale aujourd’hui ?

     Les indications complémentaires demandent de présenter les prolongements contemporains des théories de Marx et Weber, et de s’interroger sur leur pertinence pour rendre compte de la dynamique de la structuration sociale. Parmi les prolongements des théories classiques de la stratification sociale, on peut distinguer ceux qui cherchent à opérer une synthèse entre les théories de Marx et de Weber, notamment la théorie des classes sociales de Pierre Bourdieu (A), et un ensemble de travaux sociologiques qui s’interrogent sur la pertinence de la notion de classe sociale aujourd’hui (B), sans toutefois faire émerger de cadre théorique unifié.

    Le titre de cette partie fait référence à la notion de classe sociale, ce qui ne signifie pas que la notion de groupe de statut doit être négligée, mais qu’il faut s’interroger sur son articulation avec celle de classes sociales.

    La classification des PCS doit être présentée comme un outil qui permet de s’interroger sur la stratification sociale, sans être en elle-même une représentation de la stratification sociale.

     

    A) La théorie des classes sociales de Pierre Bourdieu : une synthèse de Marx et Weber ?

     La théorie des classes sociales proposées par Bourdieu peut être analysée comme une synthèse entre Marx et Weber :

    -          dans l’optique de Marx, Bourdieu reprend l’idée d’une stratification sociale constituée de classes sociales distinguées et hiérarchisées en fonction de leur dotation en capital (bien que son interprétation de la notion de capital soit beaucoup plus extensive que celle de Marx) ;

    -          en élaborant la notion de capital culturel, Bourdieu introduit dans la logique économique de Marx une logique socioculturelle qui correspond à celle des groupes de statut de Weber. Les classes sociales de Bourdieu sont ainsi à la fois distinguées par le volume de capital économique qu’elles détiennent et par leur volume de capital culturel. Ce faisant, les classes définies par Bourdieu peuvent être considérées à la fois comme des classes (au sens économique) et comme des groupes de statut, qui se caractérisent chacun par un certain degré de prestige social associé à un style de vie spécifique, et dont les membres mettent en œuvre des pratiques de distinction sociale afin de préserver ce prestige social (Weber évoquait déjà cette problématique de la distinction symbolique) ;

    -          Bourdieu reprend l’idée d’ordre légitime et de domination de Weber : les classes dominantes imposent une hiérarchie sociale (notamment une hiérarchisation culturelle des styles de vie) leur étant favorable et cette hiérarchie apparaît légitime aux yeux des dominés, ce qui constitue une forme de violence symbolique ;

    -          enfin, dans l’optique de Weber, Bourdieu reprend l’idée de classes potentielles et non de classes réelles, qui peuvent le devenir par la mobilisation (Bourdieu parle de « classe probable » ou de classes « en pointillé »). Il ajoute par ailleurs l’idée selon laquelle la définition des classes sociales et en elle-même un enjeu de la lutte des classes (puisque la définition des classes sociales fait l’objet d’une appropriation de la part des acteurs dans le cadre de leurs mobilisations).

    On trouve une présentation synthétique de la théorie des classes sociales de Bourdieu dans l’article « Espace social et espace symbolique » de son ouvrage Raisons pratiques, Seuil, 1994.


    B) Les prolongements contemporains : quelle pertinence pour les classes sociales aujourd’hui ?

     Il existe de nombreuses théories sociologiques contemporaines qui visent soit à affirmer que la notion de classe sociale a perdu sa pertinence (la « fin » des classes sociales), soit à prolonger et recomposer les théories des classes sociales de Marx et Weber pour en préserver l’intérêt dans l’analyse de la structure sociale contemporaine.

    Parmi ces dernières, il n’existe pas de cadre théorique unifié (même si la théorie de Bourdieu a été à l’origine d’un ensemble de recherches sociologiques). On constate notamment une tendance à la division des recherches portant sur les classes sociales en fonction de la classe étudiée. On peut ainsi distinguer les recherches portant sur les classes populaires (Olivier Schwartz, Stéphane Beaud et Michel Pialoux), sur les classes moyennes (Louis Chauvel, Eric Maurin, Serge Bosc), sur les classes supérieures (Pinçon et Pinçon Charlot, Béatrix Le Wita).

    Cette partie du cours pourrait donc être structurée en distinguant ces trois classes sociales et en s’interrogeant sur leur pertinence (Quelles sont leurs caractéristiques distinctives ? Leur degré d’homogénéité ? Peut-on les considérer comme des classes sociales ? Comment les délimiter ?...). Une autre possibilité pourrait être de présenter un cadre théorique assez général des classes sociales combinant les apports de Marx et ceux de Weber en s’inspirant de Louis Chauvel, pour ensuite évaluer la pertinence de cette théorie en l’appliquant aux trois classes sociales évoquées et en mobilisant pour cela les différents travaux sociologiques cités.

     

    1)      La définition des classes sociales selon Louis Chauvel

     Louis Chauvel a proposé dans son article classique consacré au retour des classes (« Le retour des classes sociales ? », Revue de l’OFCE, octobre 2001) une définition de la notion de classe sociale qui cherche à intégrer les apports de Marx et de Weber, et qui peut permettre de fournir un cadre théorique général à la discussion autour de la pertinence du concept de classe sociale. Selon Chauvel, les classes sociales se définissent par :

    -          des positions inégales dans le système productif, positions qui ne sont pas uniquement définie par la possession des moyens de production, mais également par l’insertion dans la division du travail ;

    -          une forte identité de classe, qui se définit à partir de trois modalités :

    • une identité culturelle, c’est-à-dire le partage de traits culturels et d’un mode de vie, ce qui permet une inter-reconnaissance ;
    • une identité temporelle, c’est-à-dire une relative immobilité sociale intra et inter générationnelle et une faible homogamie sociale ;
    • une identité collective, c’est-à-dire la capacité à agir collectivement pour faire reconnaître les intérêts de la classe (cette dernière dimension correspondant à la distinction de Marx entre classe en soi et classe pour soi).

     

    2)      Peut-on encore identifier des classes sociales ?

     Il est ainsi possible de partir de la définition de Chauvel pour se demander quelle est la pertinence des critères proposés pour définir des classes sociales aujourd’hui et quelles classes sociales ils permettent de définir (en mobilisant pour cela les différents travaux sociologiques relatifs aux classes sociales). On peut ainsi se demander (en mobilisant notamment à cette occasion la classification des PCS comme outil d’analyse) :

    -          s’il est possible de distinguer des positions distinctes et hiérachisées dans le système productif qui permettraient de fonder des classes sociales ;

    -          s’il est possible de distinguer des classes sociales à partir de leur identité culturelle. Dans ce cadre, il est possible : de mobiliser la théorie des classes sociales de Pierre Bourdieu (notamment les problématiques de la hiérarchie culturelle et de la distinction sociale), et de façon plus générale se demander comment les groupes de statut s’articulent aux classes sociales et s’il n’existe pas d’autres critères de différenciation culturelle qui viendraient brouiller les frontières de classes ;

    -          s’il  est possible d’identifier des classes sociales en fonction des identités collectives (Chauvel considérant que c’est l’affaiblissement des identités collectives qui est à l’origine de la disparition symbolique des classes sociales, alors même que les autres dimensions persisteraient).

    Dans le cadre de cette réflexion, il faut montrer que les réponses apportées à ces questions varient à la fois selon les sociologues (ce qui fait par exemple que les classes moyennes ont des contours mal définis), mais également selon la classe considérée (la classe supérieure est ainsi généralement considérée comme conservant davantage les attributs d’une classe sociale que les deux autres).