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2013

Publié le 20.11.2013

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Le  Mittwoch, 20. November 2013

Jeco 2013 5

Inégalités / santé

  • Vendredi 15 novembre 2013 de 9h à 10h30

     D’où viennent les inégalités face à la santé ?

     

    Présentation par Clothilde Cadu (Marianne)

     

    On dit souvent que la France a le meilleur système de santé au monde, elle consacre 12 % de son PIB aux dépenses de santé, son espérance de vie augmente, mais tout le monde ne profite pas de la même façon de ce système. Par exemple un ouvrier vit en moyenne six ans de moins qu’un cadre, et en moins bonne santé.

    Comment ces inégalités face à la santé se créent, se creusent ? Comment les combler ?

     

    Florence Jusot (Professeur en sciences économiques à l’Université de Rouen et chercheur à l’Université de Paris Dauphine)

     

    Les inégalités face à la santé sont fortes et multiples : selon les revenus, l’éducation, les catégories sociales. Ces inégalités sont socialement construites donc évitables. Elles sont aussi perçues comme injustes. Il faut trouver des leviers d’action pour les réduire.

    Exemples d’inégalités : espérance de vie cadre/ouvrier mais aussi femme cadre/ouvrière (même si par rapport aux hommes le différentiel est un peu réduit). Mais ce n’est pas la seule inégalité, ce n’est pas qu’une opposition travailleur intellectuel/travailleur manuel ; en fait le risque de mauvaise santé diminue tout au long de la hiérarchie sociale. On appelle cela le gradient social de la santé.

    Ces inégalités ne se sont pas réduites depuis environ quarante ans en dépit de la mise en place du SMIC, d’aides (CMU)… (Référence : graphique de l’INSEE sur évolution de l’espérance de vie de 1976 à 2008 : l’espérance de vie augmente mais les inégalités ne se réduisent pas. Blanpain, 2011)[1]

     e(vie)


    La France est le pays de l’UE à 15 qui a le plus haut niveau d’inégalités face à la mortalité. En France, on reçoit beaucoup de soins de généralistes par rapport aux autres pays et les inégalités sont relativement faibles. Par contre, pour les spécialistes c’est le pays avec les plus fortes inégalités avec un niveau moyen d’accès plutôt élevé. Pour les soins de prévention (par exemple mammographie, frottis, vaccination contre la grippe, coloscopie), la France connaît de fortes inégalités.

     

    Comment expliquer ces inégalités ? Différents types de barrières : informationnelles, culturelles (rapport au corps, au système de soins), économiques (renoncement à une complémentaire santé et aux soins).

    Les causes des inégalités sont :

    • Les conditions matérielles de vie (logement, conditions de travail). On a constaté que cela ne concerne pas seulement les conditions de vie du présent mais aussi les conditions dans l’enfance pour chaque individu. Les conditions de vie durant l’enfance ont un impact sur la santé des 50 ans par exemple,
    • La situation sur le marché du travail,
    • Les comportements à risque (alcool, tabac, obésité) : les conséquences sont différentes selon le groupe social,
    • Les déterminants psycho-sociaux : la susceptibilité aux maladies et la capacité à les combattre dépend du soutien social reçu ou au contraire de l’isolement, du stress au travail et dans la société,
    • Les difficultés d’accès aux soins : fortes inégalités de recours aux soins.

     

    Barrières économiques :

    • mise en cause du ticket modérateur, des franchises, des forfaits, des dépassements. 6 % de la population n’a pas de complémentaire santé (soit 4 millions de personnes).
    • Qui sont ces ménages ? Des ménages pauvres mais pas suffisamment pauvres pour avoir droit à la CMU. La cause invoquée pour ne pas avoir de complémentaire est majoritairement le coût, celui-cicomplémentaire représente jusqu’à 8 % du revenu disponible des ménages.

     

    Quelles politiques préconiser ?

    • Redistribution (pour combler les barrières économiques),
    • politiques visant spécifiquement les comportements à risques, amélioration dans l’accès aux soins préventifs et curatifs.

     

    Claude Leicher (médecin généraliste dans la Drôme, président de MG France, syndicat de médecins généralistes)

     

    Constat : la double peine des ouvriers.

    • Non seulement ils vivent moins longtemps mais aussi ils sont en moins bonne santé. Ce gradient existe tout au long de l’échelle sociale.
    • Exemples : maternité-enfance. Les comportements et risques sont différents selon les catégories socioprofessionnelles : l’allaitement, la consommation de tabac pendant la grossesse, le dépistage du risque de trisomie 21, la mortalité périnatale, la prématurité et le petit poids à la naissance, le surpoids, l’obésité, les accidents de la vie courante.

    Autres exemples : les frottis, les dépistages des cancers du sein.

     


    Quelle est l’imputabilité des médecins ?

    Par exemple les dépistages sont moins souvent proposés aux populations vulnérables. Il faut distinguer :

    • L’égalité : même information donnée aux patientes.
    • L’équité : passer plus de temps avec les patientes qui font partie des populations les plus vulnérables.

     

    Que faire ?

    • Etoffer le système de soins de santé primaire (soins de proximité, premiers recours) : en France peu de personnel (0,3 salarié par médecin généraliste), surtout par rapport aux Etats-Unis.
    • Formations dans les hôpitaux universitaires : peu préoccupés par les inégalités sociales de santé alors qu’il faudrait améliorer la formation initiale des médecins.
    • Mieux former l’ensemble des personnels de santé afin d’éviter d’aggraver les inégalités face à la santé. Inciter les médecins à interroger la position sociale des patients (âge, sexe, adresse, couverture sociale, situation par rapport à l’emploi, profession, capacités de compréhension) et à se préoccuper de leur couverture sociale.
    • Inciter les pouvoirs publics à examiner la pertinence du ticket modérateur dans le cadre du parcours de soins organisé et à dépénaliser l’exercice au sein de population à risque social augmenté. La rémunération sur objectif de santé discrimine négativement les médecins généralistes qui ont un fort taux de CMUc chez leurs patients.
    • Il faut agir avant, pendant et après les soins.

     

    Thierry Gajdos (Directeur de recherches au GREQAM)

     

    • Inégalités

    -        Les inégalités : une notion simple. A C Pigou (1877-1959) : quand on a deux personnes avec des revenus différents, on prend au plus riche pour donner au plus pauvre, on a bien réduit les inégalités.

    -        Les inégalités, une notion vraiment simple ? Hugh Dalton (1887-1962) on a un pauvre et un très pauvre : on réduit les inégalités entre eux, on a un riche et un très riche, on réduit les inégalités entre eux, mais globalement a-t-on réduit les inégalités entre les quatre ?

    -        Quelles sont les inégalités ? Revenu, patrimoine, logement, emploi, accès aux soins, santé, éducation.

     

    • Enquête d’opinion sur les inégalités (BVA-DREES 2013).

    -        Quelles sont les inégalités les plus courantes selon vous ? Réponse la plus souvent donnée : les inégalités de revenus.

    -        Quelles sont les inégalités les moins acceptables ? Réponse plus fréquente : l’accès aux soins.

    -        Qu’est-ce qui devrait bénéficier à tous sans distinction de statut ? Plus haut score : la santé.

     

    • Cependant la santé dépend de nombreux critères : revenus, statut social, réseau social, éducation, environnement matériel, emploi et conditions de travail, patrimoine génétique, genre, accès et usage des soins, hygiène de vie, comportement de prévention, comportement à risque. Certains facteurs sont indépendants de l’individu, d’autres dépendent de lui.

     

    • La santé n’a pas de prix… mais elle a un coût. Enquête ISSP de 2011 : les Français sont peu nombreux à se dire prêts à payer plus d’impôts pour la santé.

     

    Brigitte Dormont (Professeur de sciences économiques PSL, Université Paris Dauphine et membre du Conseil d’analyse économique).

     

     

    • Constats : à long terme, les dépenses de santé augmentent.

    -        75 % des frais sont couverts par l’Etat qui est plutôt généreux,

    -        En 1970, il fallait 3,8 % du PIB pour financer cette couverture, en 2008 c’est 6,7 % du PIB. Il faut donc effectuer un arbitrage :

     

    • Solutions ?

    -        Geler le taux de PO dévolu à la santé avec pour conséquence de diminuer le taux de couverture.

    -        Maintenir le taux de couverture mais augmenter le taux de PO.

    -        Autre possibilité néanmoins, il existe une marge de manœuvre : les gains d’efficacité (cf. note du CAE). L’efficience concerne non seulement la sécurité sociale mais aussi les complémentaires car toutes les dépenses pèsent dans le budget des ménages.

    • Que faire ?

     

    -        Proposition concernant l’efficacité allocative : sur le panier de soins remboursés afin d’être en bonne santé.

    -        Proposition concernant l’efficacité productive : produire plus de santé pour le même niveau de dépenses. La France est au 3ème rang mondial pour la dépense. La performance est bonne mais pas exceptionnelle : premier rang européen pour l’espérance de vie des femmes, mal placée pour les hommes et surtout pour la mortalité prématurée (tabac, alcool, accidents du travail, suicides), contreperformance pour les inégalités sociales face à la santé.

    -        Côté demande de soins : choix de la « responsabilisation du patient », paiement visant à améliorer les recettes de la Sécurité sociale (ticket modérateur mais cela concerne les actes prescrits donc pas réellement choisis par le patient). On voit une hausse du reste-à-charge pour les patients.

    -        Côté offre de soins : mauvaise organisation, paiement à l’acte omniprésent dans la médecine de ville et donc les revenus des médecins généralistes dépendent du nombre de consultations, de visites. Déséquilibre de l’offre de soins selon les départements. Dans les départements où les médecins sont nombreux (PACA, Corse), ils sont incités à augmenter le nombre d’actes, on a une surconsommation, une demande induite par les médecins et donc une consommation inutile de soins. Le paiement à l’acte nuit à la prévention, le médecin qui prend du temps pour mieux s’occuper de ses patients est pénalisé. Les déséquilibres géographiques aggravent la mauvaise gestion du système de santé.

    -        Il faut donc introduire de nouveaux types de paiement mais tous les médecins ne sont pas d’accord. Les règles sont décidées de manière centrale : convention nationale des médecins. Les ARS (agences régionales de santé) n’assurent que 2 % des dépenses qui sont de leur ressort, elles n’ont pas la main sur le financement de l’ambulatoire. Ces réformes conduiraient à une diversification des modes d’exercice de la médecine (paiement à l’acte, paiement dans maison de santé, EHPAD : établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes…), à une décentralisation et à une adéquation des soins aux besoins. Cependant il y a de fortes objections (refus de la Sécu de transmettre des dossiers aux ARS).

    -        Autre réforme : développer les systèmes d’information. Par exemple le dossier médical personnalisé (360 000 seulement) afin de ne pas faire d’examens inutiles = améliorer l’information privée et protégée. Il faut aussi donner plus d’informations publiques sur la qualité des soins (à l’hôpital, dans les EHPAD…). La concurrence sur la qualité, entre les régions doit permettre d’augmenter l’efficience.

     

    Désaccord de Claude Leicher

     

    Il rappelle que le patient peut masquer des informations d’où un manque de fiabilité. Le dossier médical personnel est une « bêtise conceptuelle ».



    [1] Ajout webmestre