Vous êtes ici  :   Accueil > SE FORMER > Formations disciplinaires > JECO > 2013
Connectez-vous

Accueil

S'INFORMER ENSEIGNER ÉVALUER SE FORMER ORIENTER

2013

Publié le 22.11.2013

Écrire à l'auteur

Le  Freitag, 22. November 2013

Jeco 2013 7

Dialogue social et croissance

  • Les journées de l’économie 2013
    Notes de conférences
    Christophe Rodrigues

     Note liminaire :

    Ce compte rendu n’est évidemment pas exhaustif. Il n’engage que la responsabilité de son auteur !

     

    Conférence n°2 //

    Dialogue social et croissance

     

    Y. Algan :

     

    Il y a aujourd’hui un acquis robuste de la science économique : les interactions au sein des diverses organisations économiques sont génératrices de croissance sur le long terme si des mécanismes incitatifs suffisamment efficaces sont mis en place.

    Il y a 20 ans, le dialogue social était perçu dans les discours officiels comme un frein à la croissance. Des travaux récents nuancent cela sans pour autant conclure à une trajectoire unique : diversité des capitalismes et des systèmes institutionnels.

    Un autre facteur tient à l’évolution du système productif : dans les sociétés d’innovation, les liens horizontaux se développent ce qui accroit le rôle du dialogue social

    Exemple de travaux sur ces questions qui ont cherché à mesurer l’impact des méthodes de management sur la productivité. Les firmes qui adoptent des méthodes de management plus horizontales voient leur productivité progresser (c’est moins les méthodes de management qui sont en jeu que leur mode de mise en place : conquête de la légitimité auprès des salariés).

     

    Enrik Uterwedde :

     

    Dans quelle mesure un modèle stakeholder dans les relations sociales est-il compatible avec le modèle allemand des relations sociales ?

    Le modèle allemand en termes de relations sociales n’entretient pas de liens univoques avec la croissance. Il y a 20 ans la croissance en Allemagne était en berne et le modèle allemand des relations sociales était en cause. C’est l’inverse aujourd’hui ! La crise de 2008 a été amortie assez efficacement par le modèle allemand.

    Schroder 1 : si le dialogue social est prioritaire et que le gouvernement est attentiste, alors il est probable que cela conduise à un dysfonctionnement de la gouvernance. Lorsque les questions ne sont pas consensuelles, il est impératif que le gouvernement décide et tranche.

     

    Bernard Thibault :

     

    Le dialogue social comme la croissance sont deux objets problématiques dans le contexte actuel. Point de départ : placer le dialogue social au centre fait largement consensus. Cependant dans les faits, le dialogue social implique que l’on considère le salarié comme un subordonné dans la relation hiérarchique avec l’employeur. Dans la sphère politique, il existe un clivage : les partis de droite considèrent les syndicats comme des adversaires ; les partis de gauche les considèrent comme des partenaires quand ils ne sont pas au pouvoir et comme des entités dont ils pensent connaître les intérêts quand ils sont au pouvoir.

    Le dialogue social implique les salariés et leurs représentants sans qu’il y ait de consensus sur leur rôle précis. Quid du rapport de force qui est intrinsèquement lié au dialogue social ?

     

    J. Pisani-Ferry[1] :

     

    Responsable du Commissariat général à la stratégie et à la prospective

    Le nouveau Commissariat répond au besoin de créer un lieu de concertation pour les questions sociales et économiques.

     

    Par-delà la réponse institutionnelle, plusieurs éléments de réponses à la question des liens entre le dialogue social et croissance :

    1)      l’argument de l’efficacité n’est pas premier. Il y a d’abord une série de raisons liées à la démocratie et à la justice ;
    2)      de nombreux pays en croissance n’ont aucun dialogue social voire même ont une négation pure et simple des droits syndicaux (pays émergents) ;
    3)      la coopération et la confiance ont certes une efficacité économique mais ce sont des constructions sociales

     

    Plusieurs arguments pour le point 3 :

    -          Argument des rapports de force : oui mais les antagonismes ne sont pas pour autant indépassables. Ils génèrent pour autant des blocages institutionnels : le nombre d’entreprises de plus de 50 salariés est plus faible que les entreprises de 49 salariés (au-delà de 50, obligation institutionnelle de reconnaissance syndicale). Les règles conduisent les entreprises à « s’empêcher » de grandir.
    -          Argument de la fragmentation du système de dialogue social : la force des corporations limite le dialogue social.
    -          Argument de la délimitation des compétences : qui s’occupe de quoi ? En Allemagne, la question est tranchée : certaines questions relèvent exclusivement du rôle des partenaires sociaux. En France, la confusion des genres génère de la frustration et de l’inefficacité.
    -          Argument lié à la multiplication des instances de concertation : il existe des seuils critiques au-delà desquels la capacité d’engagement s’épuise.
    -          Argument lié aux incitations au militantisme : pas de closed shop d’où les mécanismes de subventions publiques pour compenser les faibles ressources syndicales (effets pervers des subventions : suspicion des conflits d’intérêt)

     

    Enrik Uterwedde :

     

    D’accord avec B. Thibaud sur les rapports de force. Mais dans les grandes entreprises en Allemagne et dans l’industrie, les grèves sont évitées par des rapports de force en amont qui alimente la négociation et les compromis. La culture syndicale allemande implique également un total respect de règles de fonctionnement (une fois un accord signé par la confédération, la base ne se remet pas en grève les jours suivants !).

     

    Bernard Thibault :

     

    Le dialogue social peut aussi être un prétexte pour nier l’existence de rapports de force :

    -          extension des dialogues au sein des entreprises et refus du dialogue national ou international (faiblesse des actions européennes) : « laissez-nous négocier entreprise par entreprise » !
    -          tendance à la valorisation des négociants professionnels (éloignement de la base avec la professionnalisation)
    -          la multiplication du nombre de conventions collectives (une par profession) va à l’encontre de l’enjeu véritable du dialogue social + le problème de la difficulté de changement d’activité professionnelle qui s’accompagne de la perte des acquis divers (puisque changement de convention collective)
    -          le dialogue social est limité par le recours au politiques d’externalisations : les compromis établis ne concernent que les salariés de l’entreprise et non aux salariés extérieurs (intérimaires).
    -          Quid de la prise en compte de l’opinion des salariés dans les modes de management des entreprises ? Nécessité d’ouverture du chantier de la prise de décision dans l’entreprise

     

    Y. Algan :

     

    Il y a en France un problème de stigmatisation des syndicats : des études montrent qu’être représentant syndical se traduit, à qualification égale, par une perte de 10 à 20 % sur la rémunération.

    Au début du XXème siècle, les pays nordiques étaient parmi les plus conflictuels d’Europe. Progressivement, les États ont été conduits à reconnaître les institutions syndicales pas seulement sur le plan institutionnel mais également sur le plan de la reconnaissance sociale légitime.

    Proposition : instaurer des institutions tri-partites qui se verraient confier des missions (exemple : production de statistiques sur le chômage).

     

    JPF :

     

    La France est un pays qui ne sait pas bien faire croitre ses entreprises. L’aversion pour les syndicats et les instances représentatives (le CE) est manifestement un frein à ce développement.

     

    Y. Algan :

     

    En France, la gestion étatique a tendance à évincer le dialogue social et la place des syndicats. Il faut inventer des dispositifs incitatifs (closed shop).

     

    La conférence est disponible en intégralité sur le site des JECO :

    http://www.touteconomie.org/index.php?arc=v43


    [1] JPF cf infra