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2013

Publié le Nov 22, 2013

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Le  Friday, November 22, 2013

Jeco 2013 8

Ecarts de croissance

  • Les journées de l’économie 2013
    Notes de conférences
    Christophe Rodrigues

    Note liminaire :

    Ce compte rendu n’est évidemment pas exhaustif. Il n’engage que la responsabilité de son auteur ! J’indique en rouge, les éléments complémentaires qui me semblent utiles à la compréhension et qui n’ont pas été explicitement formulés par le ou les intervenants au moment de la conférence.

     

    Conférence n°4

    Comment expliquer les écarts de croissance économique ?

     

    Introduction collective //

     

    G. Cette :

     

    La dynamique démographique ne commande pas l’évolution de la production par tête, mais bien la productivité globale des facteurs (PGF).

     

    M. Fouquin :

     

    S’agissant des pays émergents, il existe des moments de rupture dans l’histoire de certains pays : certains pays connaissent subitement une accélération de leur productivité et d’autres pas (quelles politiques publiques : réformes foncières impliquant par exemple la cessibilité des terres en Chine).

     

    G. Nicoletti :

     

    Il existe une combinaison entre les facteurs de production (la démographie par exemple) et la PGF. Cette combinaison s’est révélée plus efficace selon les pays et selon les périodes historiques que l’on considère.

     

    Intervention de G. Cette :

    G. Cette (analyse produite conjointement avec Bergeaud, et Lecas, 2013)

    Quel choix d’indicateur : productivité apparente ou PGF ?

    Proposition d’analyse en termes de productivité horaire du travail

     

    1. Évolution de la productivité sur longue période

    États-Unis : première vague de progression de la productivité du travail entre la fin XIXème jusqu’au milieu du XXème siècle ; deuxième vague à partir de 1995 (NTIC) ; mais la seconde est plus modeste que la première. Pour certains économistes (R. Gordon), la croissance de la productivité va finir par s’épuiser ; pour d’autres, la question reste ouverte : il existe des effets d’entrainement des NTIC combinés avec de nouvelles vagues d’innovations.

    Comparaison États-Unis / France : la première vague française de progression de la productivité est plus tardive qu’aux États-Unis (30 Glorieuses) mais s’est révélée plus forte. Puis, à partir de la fin des années 1990, passage de l’Europe « sous la performance US » (éloignement par rapport à la frontière technologique)

    Le dépassement des performances de productivité des pays d’Europe par rapport aux États-Unis est notamment lié à des différences d’intensité du facteur travail

     

    2. Diffusion des TIC et le contexte institutionnel

    Pour la France, l’écart en usage des NTIC entre les États-Unis et la France s’explique pour partie par une moindre efficacité dans le fonctionnement du marché du travail et pour partie par les inadéquations entre les besoins de qualifications en TIC de l’économie et les parcours de formation proposés par le système éducatif. L’adaptation des institutions peut cependant permettre de se rapprocher de la frontière technologique.

     

    Comment expliquer le creusement des écarts de croissance entre l’Europe et les Etats-Unis depuis les années 1990 ?

    Quelques remarques complémentaires

    (Apports de C. Rodrigues)

     

    La seconde mondialisation qui s’ouvre à partir du début des années 1980 conduit à une redistribution importante des places dans la hiérarchie de l’économie mondiale. Selon P.-N. Giraud dans son ouvrage La mondialisation : émergences et fragmentations (2012), cette mondialisation est la combinaison de trois globalisations : celles du numérique, des firmes et de la finance. Elle se traduit selon lui par une généralisation des compétitions : mise en compétition de l’ensemble des territoires et des sédentaires qui les habitent par les firmes nomades globales ; mais, également, mise en compétition de ces mêmes firmes nomades globales par les investisseurs institutionnels de la finance de marché. Dans ce nouveau contexte, les mécanismes qui conduisent à l’enrichissement des territoires sont bouleversés. Certains pays et régions du monde qui sont restés cantonnés pendant longtemps dans le statut de pays pauvres ou «en développement» émergent dans l’économie mondiale grâce à une croissance de leur économie qui converge fortement vers celle des pays riches ; tandis qu’au sein des PDEM, des mécanismes de divergence dans la croissance économique sont à nouveau à l’œuvre entre les États-Unis, d’une part, qui restent le territoire le plus proche de la frontière technologique, et les pays d’Europe ajoutés au Japon, d’autre part, qui semblent connaitre une récession durable.

    Les données macroéconomiques récentes permettent de rendre empiriquement compte de ce creusement des écarts entre les États-Unis et les autres PDEM. Alors que la France atteint en 1983 un «pic» où son PIB par tête s’établit à près de 90 % de celui des Etats-Unis, ce pourcentage redescend sous la barre des 80 % au milieu des années 2000. Ce renversement de tendance est encore plus significatif pour l’Allemagne et le Japon. S’agissant de l’Allemagne, le PIB par tête de la RFA atteint presque 95 % du PIB par tête américain juste avant la réunification au début des années 1990. Il est à peine de 75 % pour l’Allemagne réunifiée en 2005. Si, dans le cas de l’Allemagne, on peut facilement comprendre que cette évolution est également imputable à des facteurs internes (coûts de la réunification), cet argument n’est en revanche pas recevable s’agissant du Japon. Or, au début des années 1990, le Japon atteint lui aussi un PIB par tête qui approche les 90 % de celui des États-Unis. En 2005, ce taux est également à peine de 75 %. Cette tendance est encore plus manifeste lorsqu’on observe l’évolution du PIB global en volume. Sur la base de cet indicateur, il existe un net processus de décrochage des différents pays de la zone euro concernés (Royaume-Uni, France, Italie, Allemagne notamment) vis à vis des États-Unis. Au début des années 1990, le PIB des Etats-Unis a augmenté d’environ 80 % par rapport à l’année de base 1970 ; cette hausse est à peine un peu plus faible concernant la France et la plupart des autres pays européens ce qui indique que les processus de croissance sont comparables depuis la fin de la période des Trente glorieuses (raison pour laquelle R. Gordon parle de « fin du rattrapage » dans la mesure où les taux européens n’excèdent plus le taux américain). Entre 1991 et 2012 en revanche, un net processus de divergence est à l’œuvre : le PIB global américain augmente de plus de 70 % tandis que cette hausse est inférieure à 50 % pour la France et que ce décrochage est encore davantage marqué pour l’Italie et l’Allemagne (à peine 30 % de hausse pour ces pays). L’observation d’un autre indicateur macroéconomique - la productivité du travail permet de confirmer ces évolutions. Alors que sur la période 1987-1995, le rythme de progression de cet indicateur est significativement plus soutenu en Europe (2,3 % en moyenne par an dans l’UE contre 1,2 % aux États-Unis), la tendance s’inverse largement au début de la décennie 2000 : entre 2000 et 2004, la productivité du travail n’augmente en moyenne que de 1,1 % par an dans l’UE tandis que ce taux est de 2,8 % aux États-Unis (il atteint même 3,6 % toutes choses égales par ailleurs si on isole la croissance de la productivité du travail dans le secteur marchand) . Enfin, l’observation de l’indicateur de la productivité par tête entre 1998 et 2012 est également riche d’enseignement. On observe en premier lieu une progression significativement plus soutenue de la productivité par tête aux États-Unis entre 1998 et le milieu des années 2000 par rapport à certains pays d’Europe : la productivité par tête dans la zone euro augmente à peine de 5 % entre 1998 et 2007 contre plus de 25 % aux Etats-Unis. Ensuite et surtout, c’est le choc de la crise de 2008 et la «gestion» de l’après-crise qui conduit à creuser les écarts. Alors que la progression de l’indicateur fléchit pour la plupart des PDEM en 2008 et 2009, aux États-Unis la reprise est rapide tandis que pour les pays d’Europe, l’indicateur ne progresse quasiment plus (mis à part la Suède).

     

    Ces quelques observations conduisent logiquement à s’interroger sur les mécanismes qui sont à l’œuvre et qui expliquent cette divergence dans la croissance. Les analyses des économistes contemporains – G . Cette, P. Artus, J.-L. Gaffard ou J. Tirole en France par exemple ; P. Krugman, Ph. Aghion, ou E. Phelps aux Etats-Unis par exemple - montrent que la «perte de vitesse» de l’Europe et du Japon vis-à-vis des Etats-Unis est largement imputable à l’affaiblissement de la croissance économique potentielle dans les premiers tandis que celle-ci reste au contraire soutenue outre Atlantique. On définit classiquement la croissance potentielle comme la croissance maximale, pour un territoire donné, compatible avec une inflation stable. En d’autres termes, il s’agit de la croissance qui résulte d’une utilisation efficiente des facteurs de production existants. Elle se distingue de la croissance économique effective qui se définit comme la croissance empiriquement observée. La mesure de la croissance potentielle est complexe et discutée entre les économistes. Tous s’accordent cependant pour dire qu’elle est fonction de l’évolution de la population active, du taux d’emploi et du taux de chômage incompressible mais également de la croissance de la productivité globale des facteurs de production. Il convient ainsi de s’interroger sur les déterminants qui pèsent négativement sur le rythme de la croissance potentielle en Europe et au Japon tandis que d’autres facteurs pèsent favorablement sur celle des États-Unis. Les économistes considèrent aujourd’hui qu’il existe trois principaux déterminants : en premier lieu, la dynamique de l’emploi, de la productivité du travail et de la durée du travail ; en deuxième lieu, la dynamique des innovations et l’écart que le territoire entretient avec la frontière technologique ; en dernier lieu, la qualité des institutions et l’efficacité des politiques économiques structurelles.

    S’agissant de la dynamique de l’emploi, rappelons que la production de richesses supplémentaires dans une économie dénuée de progrès technique passe par une hausse de la population active en emploi (c’était l’intuition de J. Bodin au XVIème siècle qui considérait que seule la hausse de cette population était source d’enrichissement). Or, les PDEM connaissent une évolution du facteur travail depuis le début du XXème siècle tout à fait considérable. Si on raisonne en volume de travail, correspondant au nombre total d’heures travaillées au cours de l’année, celui-ci diminue notablement en France et dans les pays d’Europe sur le très long terme alors qu’il augmente aux États-Unis et au Japon. Cette évolution s’explique par la conjonction de deux phénomènes contradictoires du fait que le nombre total d’heures travaillées est le produit de l’emploi total et du nombre annuel d’heures travaillées par actif en emploi. Dans tous les PDEM, ces deux variables ont évolué dans des sens opposés mais à des rythmes très différents selon les pays. Ainsi, l’emploi total a augmenté partout mais à un faible rythme en France et en Europe et à un rythme soutenu aux États-Unis et au Japon ; c’est la conséquence d’évolutions démographiques forts différentes selon ces territoires. A l’opposé, la baisse de la durée annuelle du travail est à l’œuvre dans tous les pays jusqu’au début des années 2000 même si l’amplitude du phénomène est variable d’un pays à l’autre : tous les PDEM ont produit davantage en réduisant la durée du travail au cours du XXème siècle. Ce mouvement est lié à l’évolution des droits sociaux à laquelle il faut ajouter sur les quelques dernières décennies le développement du temps partiel. Non seulement ce mouvement n’a pas été un obstacle à la croissance, mais il en a été un puissant levier avec notamment le développement des loisirs et du tourisme de masse. Cette évolution est le fruit de la hausse structurelle des gains de productivité : sur le long terme cette hausse explique que l’on puisse produire un volume beaucoup plus grand de richesses avec une quantité de travail en baisse. C’est à partir du début des années 1990 que les effets de ce processus sur la croissance potentielle s’inversent. Dans un rapport du Conseil d’analyse économique, P. Artus (Temps de travail, revenu et emploi, CAE, 2007) montre que le creusement des écarts en terme de productivité par tête entre l’Europe et les États-Unis est en grande partie imputable à des évolutions différentes en matière de durée annuelle du travail des deux côtés de l’Atlantique. Coté Europe, la baisse de la durée annuelle du travail se poursuit malgré une croissance effective faible tandis qu’elle s’interrompt aux États-Unis. Ainsi, sur la période 1995-2002, la progression de la productivité horaire est identique entre les deux pays (2 % de hausse en moyenne annuelle) alors que la progression de la productivité par tête est sensiblement inférieure en France (à peine 1 % en moyenne annuelle contre presque 2 % outre atlantique). P. Artus estime dans ce rapport que le revenu par habitant est aujourd’hui inférieur en France de 30 % à celui des États-Unis et que ce phénomène est en grande partie imputable à une moindre utilisation des ressources en main d’œuvre en France, celle-ci résultant de la combinaison d’un taux d’emploi plus faible et d’une durée annuelle moyenne du travail en France inférieure à celle des États-Unis. Cette analyse conduit pour partie à s’interroger sur l’existence d’une « préférence pour le loisir » plus élevée en Europe. Les travaux d’enquête réalisés sur ce point conduisent à des résultats contrastés. En revanche, il est manifeste que sur le long terme, la réduction de la durée du travail a été bénéfique du fait de son articulation avec un rythme de croissance économique soutenu. La multiplication des crises et le caractère durable de la «croissance molle» en Europe depuis deux décennies, à tout le moins, rend aujourd’hui cette articulation plus problématique. En résumé, la poursuite de la baisse de la durée du travail en Europe alors que la croissance effective est atone a des conséquences nettement négatives sur la croissance potentielle européenne.

     

    Intervention de G. Nicoletti :

     

    • Il existe un problème de mesure de la PGF : niveau des compétences, la qualité du management, etc. La PGF est calculée comme un résidu, faute de mieux.

    3 influences principales sur la PGF :

    1)     retombées positives du contenu technologique des actifs tangibles (TIC)
    2)     investissements en biens incorporels et potentiel d’innovation
    3)     Efficacité des mécanismes de réallocation des ressources dans l’économie (destruction créatrice).

     

    • Il existe un mécanisme qui articule les process internes aux firmes et les process inter-entreprises. Par ailleurs, il existe des « retombées » sur les zones (spillover : les externalités non pécuniaires). Les spill over génèrent un feed back sur les process internes aux firmes (par exemple la diffusion d’un haut niveau de connaissances sur un territoire profite à toutes les entreprises présentes qui ajustent leur dotation en travail qualifié).

     

    • Comparaison France / USA : aux USA, les processus de croissance et décroissance de la productivité (et de l’emploi) sont plus rapides qu’en Europe (existence d’inerties plus fortes en Europe : résistances dans la dynamique de la diffusion des process).

     

    • Exemple de facteur discriminant : la qualité managériale.

    Aux États-Unis, la qualité managériale a des effets importants sur la dynamique de la PGF (plus qu’en Europe). Par ailleurs, il faut noter l’importance du caractère concurrentiel des marchés (politiques structurelles)

     

    M. Fouquin :

     

    • Étude des écarts entre les PDEM et les PED émergents.

    Mise en perspective historique à partir des travaux d’A. Maddison : à partir du XVIIIème, grande divergence entre les actuels PDEM et le reste du monde.

    Exemple : comparaison GB / Inde : effet de ciseaux entre 1600 et la fin du XIXème siècle.

     

    • Période contemporaine :

    Réduction forte des écarts PDEM et certains PED

    L’Asie hors Japon a un PIB par hab. qui est 10 fois inférieure à celui des PDEM au milieu du XXème siècle (pire que l’Afrique : 8 fois). La tendance de l’Asie hors Japon est une chute de l’activité à partir du milieu des années 1990 (PIB par hab. qui est 4 fois plus faible que celui des PDEM en 2012). La tendance est inverse pour l’Afrique (l’écart monté à 10 fois en 2012).

     

    • Cas des pays d’Asie :

    Décomposition des sources de la croissance en Chine sur la période 2000 – 2011 (TVAM) : PIB : + 9 % ; FBCF : + 5 ; Emploi : + 0,3 ; PGF : 3,6

    La transformation de la Chine durant les années 2000 a impliqué une refonte de son modèle productif : destruction de 200 000 emplois dans le secteur du textile à Shanghai et investissements lourds pour automatiser les process de production dans ce secteur.

    Il existe un piège des pays à revenus intermédiaires (middle income trap) :

    Le passage du statut de PRI à PDEM est bloqué par 3 facteurs (B. Eichengreen, 2013) :

    1)     le niveau d’éducation moyen de la population
    2)     la part des produits high tech dans les exportations
    3)     le vieillissement de la population

     

    Le rattrapage des pays émergents dans la croissance mondiale : quelques remarques complémentaires

    (Apports de C. Rodrigues)

     

    L’habitude est prise aujourd’hui de regrouper sous l’acronyme « BRIC » les quatre pays émergents que sont le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Cet acronyme fut lancé en 2003 par une étude de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs qui désignait ces quatre pays comme des puissances économiques montantes appelées à remettre en cause la domination des pays riches dans l’économie mondiale. L’étude montrait alors que leur croissance économique conjuguée à l’appréciation de leur monnaie conduirait à un renforcement de leur poids économique d’ici 2050. Aujourd’hui, un premier bilan peut-être proposé sur cette question et il est manifeste, au moins pour la partie relative à la croissance, que les prédictions de cette étude sont corroborées par les faits. Même si ces pays connaissent des trajectoires très contrastées du fait de parcours historiques singuliers et de leurs spécificités géopolitiques, ils s’inscrivent tous, à partir de la fin des années 1990 (après la crise financière qui a frappé de nombreux pays émergents en 1997-1998), dans un processus de croissance économique soutenue voire explosif. Durant la décennie 2000 par exemple, l’Inde a connu un taux de croissance annuel de son PIB compris entre 7 et 9 % contre une fourchette de 4 à 6 % pour le Brésil et de 5 à 7 % pour la Russie. S’agissant de la Chine, le taux de croissance du PIB annuel s’établit entre 9 et 11 % sur cette période ! On constate par ailleurs qu’au début des années 1960, les États-Unis représentent plus de 25 % du PIB mondial, contre 16 % pour les six pays membres historiques de la CEE et à peine 2 % pour la Chine. Cette hiérarchie de l’économie mondiale ne change pas significativement jusqu’à la fin des années 1980 même si, par construction, la hausse du nombre de pays membres au sein de la CEE puis de l’UE conduit à faire de l’Union européenne la région qui occupe la part relative la plus élevée dans le PIB mondial. À partir des années 1990 en revanche, on assiste à un bouleversement considérable : la part occupée par la Chine augmente fortement jusqu’à atteindre 15 % du PIB planétaire en 2012. Parallèlement, les courbes relatives aux Etats-Unis et à l’Union européenne chutent durant les deux dernières décennies jusqu’à passer sous la barre des 20 % du PIB mondial en 2012 (voir les travaux du CEPII : http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/pano_statistique/abstract.asp?NoDoc=3912

     

    Les économistes s’accordent aujourd’hui pour considérer que le processus de convergence que connaissent les Bric en matière de croissance s’explique à la fois par des raisons qui tiennent à leurs stratégies d’insertion dans la seconde mondialisation mais également par des raisons qui relèvent de facteurs macroéconomiques internes. S’agissant de l’insertion des Bric dans la mondialisation plusieurs arguments méritent d’être relevés. Durant les années 1980, les pays d’Asie du sud-est qualifiés alors de « nouveaux pays industrialisés » (NPIA) ont fait office de précurseurs du modèle chinois ou indien. Compte tenu de l’étroitesse de leur marché intérieur, des pays comme Taïwan ou Singapour ont dû fonder leur modèle de croissance sur un commerce extérieur pour l’essentiel tourné vers l’occident en utilisant des stratégies dites de « remontées de filières ». Sur le plan macroéconomique planétaire, il est manifeste que l’ouverture économique des émergents a été une composante importante de l’intensification de la mondialisation à partir des années 1990. Par exemple, leur progression dans les échanges internationaux (mesurés notamment par les parts relatives des exportations nationales dans les exportations mondiales) a été plus rapide que leur progression dans les productions mondiales. Cependant et malgré cette similitude entre les Bric, la structure de leur commerce extérieur montre que leur insertion dans les échanges planétaires suit des logiques différentes. Ainsi, la Chine et l’Inde exportent pour l’essentiel des produits industriels. La Chine a effectué une percée spectaculaire sur le marché mondial des produits manufacturés, devenant même le premier exportateur mondial en 2009 devant l’Allemagne (d’où l’expression de la Chine comme «atelier du monde»). L’Inde pour sa part a progressé plus modestement sur le marché des biens mais se singularise par des performances remarquables dans les exportations de services informatiques et dans le secteur pharmaceutique. Ces évolutions reflètent la mise en place de nouvelles formes de division du travail dans le cadre de la mondialisation. L’explosion des exportations chinoises est en effet liée aux stratégies des firmes occidentales et japonaises qui y délocalisent les stades de production à forte intensité travaillistique (comme par exemple les procédures d’assemblage). En Inde, ce sont les politiques d’outourcing (externalisations vers des réseaux de sous-traitants) des firmes américaines qui ont assuré l’essor des exportations de services dans le secteur du numérique. Au final, les deux géants asiatiques ont remarquablement bien profité du processus de division internationale des processus productifs (DIPP) à l’œuvre dans l’économie mondiale à partir des années 1990. La Russie en revanche exporte essentiellement des énergies fossiles (gaz naturel et pétrole), ce qui fait d’elle davantage un pays rentier (à l’image des pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient) plutôt qu’un pays émergent. Le Brésil, enfin, est dans une situation plus intermédiaire, combinant une insertion dans l’économie mondiale avec des exportations de produits industriels (secteur de l’aéronautique par exemple) et des exportations de produits agricoles (café, céréales, sylviculture, etc.). Par conséquent, en tant qu’exportateurs de produits primaires (comodities), la Russie et le Brésil s’inscrivent dans une relation nord-sud classique avec les PDEM. Ils sont ainsi soumis à la faible élasticité-prix des produits concernés et sont davantage vulnérables aux fluctuations des cours mondiaux qui peuvent se révéler particulièrement volatils. L’autre phénomène central qui caractérise l’insertion des Bric dans la mondialisation est celui des flux financiers internationaux à partir des années 1990. Pour partie, ces flux financiers s’inscrivent dans une perspective productive : il s’agit alors d’IDE (investissements directs à l’étranger) qui participent au commerce mondial intra-branches et intra-firmes et qui alimentent la croissance planétaire. Mais pour une autre partie, ces flux financiers correspondent aux investissements de portefeuille et sont parties prenantes de la finance globalisée. Depuis la fin des années 2000, les Bric deviennent eux-mêmes des investisseurs internationaux de plus en plus actifs. Même si, en valeurs absolues, le poids des IDE dans le PIB des Bric reste aujourd’hui faible, on peut supposer un potentiel de développement très élevé dans les années à venir compte tenu de leur insertion dans le commerce mondial, de la taille de leurs économie et du stock de réserves de changes qu’ils se constituent (notamment pour ce qui concerne la Chine et, dans une moindre mesure, l’Inde).

    Le processus de convergence très rapide que connaissent les Bric vis-à-vis des PDEM n’est cependant pas seulement imputable à l’efficacité de leur insertion dans la mondialisation de l’économie. Il découle également et surtout de facteurs macroéconomiques et politiques internes à ces pays. La Chine par exemple a été, durant son histoire longue, le plus souvent gouvernée par des administrations qui étendaient leur pouvoir sur l’ensemble du territoire. Après une première moitié de XXème siècle fort chaotique sur le plan politique, la Chine s’engage en 1949 dans la voie socialiste et renoue avec cette tradition d’un État puissant. Le passage au capitalisme en Chine est un processus à la fois progressif (selon P.-N. Giraud, on peut considérer qu’il débute au début des années 1980), fermement dirigé et pragmatique. Le gouvernement procède par expérimentations en isolant les expériences les plus avancées dans des zones économiques spéciales (zones franches) le plus souvent dans les provinces côtières (Shanghai en est un parfait exemple). La Chine invente ainsi un modèle de capitalisme qui, aux côtés des modèles rhénan ou anglo-saxon pour reprendre la terminologie de M. Albert (Capitalisme contre capitalisme, 1991), permet la coexistence d’activités industrielles et commerciales orientées vers le profit et celles des grandes entités productives étatiques. Par ailleurs, durant ces premières années, le capitalisme chinois se développe dans un contexte où les droits de propriété et le droits des affaires restent embryonnaires et très peu structurés. Plus généralement, il est manifeste qu’aujourd’hui les règles fondamentales qui régissent les Etats de droit ne sont pas à l’œuvre en Chine. C’est en grande partie la raison pour laquelle les IDE sortants chinois sont presque exclusivement orientés vers d’autres pays émergents voir vers des PED comme certains Etats africains mais assez peu vers les PDEM. Dans ce modèle « capitaliste d’Etat »,  le gouvernement conduit une politique particulièrement volontariste. Il est soucieux de construire un système industriel qui s’affranchit progressivement des technologies étrangères en constituant des « champions nationaux » qui, jusqu’à présent, sont tous des groupes publics même s’ils commencent à investir à l’étranger et à passer des alliances avec des firmes globales. Sur le plan plus macroéconomique, les spécificités de la Chine sont également à relever. L’économie chinoise est caractérisée par un profond déséquilibre entre l’épargne et la consommation aux dépens de la seconde. Or, le modèle de Solow enseigne qu’une hausse du taux d’épargne peut, sous certaines conditions et dans une certaine limite, conduire à dépasser l’épuisement de la croissance. Dans des travaux ultérieurs à ceux de Solow, E. Phelps (Prix Nobel d’Économie 2006) montre qu’il existe un taux d’épargne optimal qui maximise la consommation par tête atteinte à l’état stationnaire (c’est ce qu’il nomme la règle d’or d’accumulation du capital) : la hausse de l’épargne permet ainsi une baisse de la consommation par tête compensée par une hausse de l’investissement par tête. C’est ce mécanisme qui est à l’œuvre dans l’économie chinoise depuis deux décennies : elle combine une croissance exceptionnelle avec un taux d’épargne très élevé (et donc une faible consommation qui limite l’extension de son marché intérieur). C’est ce phénomène qui explique notamment la hausse considérable des réserves de changes en Chine ainsi que le financement par des investisseurs chinois des dettes publiques eu Europe et aux Etats-Unis. Ces différentes caractéristiques de la croissance en Chine placent aujourd’hui ce pays face à un dilemme central selon P.-N. Giraud (La mondialisation : émergences et fragmentations, 2012). Dans une première option, le gouvernement chinois peut choisir de maximiser sa vitesse de rattrapage vers les PDEM au prix d’une accentuation du creusement de ses inégalités internes (le rattrapage favorise la hausse de revenus des élites nomades tandis qu’il appauvrit les salariés sédentaires). La seconde option consiste à stimuler une croissance économique davantage autocentrée, probablement moins soutenue mais également plus pérenne. Dans ce cas, c’est davantage un processus de convergence du système politique et social qui sera à l’œuvre (instauration d’un État de droit avec droit du travail et libertés civiles, extension de l’économie de marché, mise en place d’un régime démocratique, émergence d’une classe moyenne, etc.).