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EEE, août 2014

Publié le 15.09.2014

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Le  Montag, 15. September 2014

Productivité et croissance

EEE août 2014, IR

  • CONFERENCE 28 août 2014 (EEE)

    La productivité au secours de la croissance ?

     

    Intervenants :

    • Conférence animée par Jean-Marc Vittori (Les Échos)
    • GILBERT CETTE Économiste, Banque de France
    • ALEXANDRA ROULET Économiste, Harvard University, USA
    • AUGUSTIN DE ROMANET DE BEAUNE PDG, Aéroports de Paris

     

    Introduction :

    La productivité est un facteur prépondérant de la croissance. Dans quelle mesure peut-on compter sur des gains de productivité à venir pour relancer la croissance ? À qui profite la croissance désormais?

     

    Intervention de Gilbert Cette :

     

    L’évolution de la productivité montre des « vagues » de productivité en longue période. Prenons ainsi les évolutions de la productivité horaire du travail depuis 1890 :

    -          À la fin de la première révolution industrielle : baisse  qui correspond à la fin de la première vague d’innovations.
    -          La seconde révolution industrielle marque le début d’une seconde vague d’innovations : augmentation puis baisse de la productivité du travail.
    -          Au début des années 1980 : petite vague qui s’épuise au début des années 2000 (TIC). Cette 3e vague est beaucoup plus courte (30 ans).

    Enjeu = Est-ce que les TIC c’est fini ou pourrait-on connaître une nouvelle vague portée par de nouvelles innovations  liées aux TIC ?

    Exemple : la future puce 3D démultiplierait les capacités mais débat sur sa pertinence et son efficacité.


    Comparaison des évolutions de la productivité entre les États-Unis et la France :

    En France, on a moins profité de la première révolution industrielle que les États-Unis.  Par contre, rattrapage phénoménal suite à la seconde guerre mondiale (après un effondrement au moment de la crise des 30’s). À présent, à notre époque, ralentissement de cette croissance de la productivité du travail par rapport aux États-Unis. D’où la question :

    Comment se fait-il que les TIC, pourtant accessibles à tous, bénéficient beaucoup moins à l’ensemble de la population en France qu’aux États Unis ? Pourquoi ce décalage ?

    Remarque préalable : Attention, la performance en termes de productivité des pays européens est une illusion car les taux d’emploi sont plus faibles et la durée du travail plus courte, ce qui a un effet positif sur la productivité du travail du fait de la loi de rendements décroissants. Si l’on prend les niveaux de productivité du travail corrigés : notre niveau de productivité en France serait beaucoup plus bas. On décroche en fin de période car révolution technologique moins présente.

    La diffusion des TIC, plus ou moins forte selon les pays, s’expliquerait donc par le rôle des institutions. Notamment par les écarts d’éducation de la population en âge de travailler, et les rigidités sur le marché des biens et du travail.

    Dans l’avenir, les réformes structurelles joueront un rôle central.

     

    Intervention d’Alexandra Roulet :

     

    Problématique=Les PP (pouvoirs publics) sont-ils capables de provoquer et encadrer la prochaine vague de productivité ?

    Remarque préalable : On ne peut pas tout attendre des PP.

     

    Depuis le « miracle de la productivité » qui a eu lieu entre la fin de la seconde guerre mondiale et 1985, la croissance de la productivité diminue mais en niveau continue à augmenter. Exception : à partir de 1995, l’utilisation des TIC entraîne aux États-Unis une forte augmentation de la productivité du travail. Mais pourquoi ce phénomène ne s’est pas produit en Europe alors que le prix des TIC a également baissé ?

    2 types de réponses :

    -          Rôle des institutions et de l’environnement : réglementation, marché du travail
    -          Rôle des pratiques de management, de l’organisation des firmes

    Cette deuxième explication a été notamment analysée dans une étude de la productivité en Europe des filiales des firmes américaines : les filiales américaines en Europe sont plus productives que les firmes françaises ou les filiales des firmes non américaines. Elles ont une productivité supérieure pour un stock égal de TIC. Donc plus gros retour sur investissement en TIC pour les filiales américaines.

    Or, on observe des différences de pratiques de management (pas de promotion à l’ancienneté de la même façon,  les cadres seniors ne sont pas incités de la même façon à recruter de nouveaux talents…). Ce rôle de l’organisation interne des firmes sur les écarts de productivité montre que l’on ne peut pas tout attendre des pouvoirs publics.2

    Amélioration du capital humain médian : lutter contre décrochage scolaire, familiariser les jeunes avec l’esprit d’initiative, repenser la formation des seniors, en particulier leur adaptation face aux changements technologiques.

    -          L’environnement : Basculer dans un équilibre où il est rentable, même sans subventions, d’utiliser des technologies propres. Il faut donc une rupture technologique, où l’utilisation de technologies propres serait rentable en elle-même. Il faut donc aussi subventionner à court terme la recherche et développement dans les nouvelles technologies, les énergies alternatives, l’environnement.
    -          Répartition des gains de productivité :

    Aux EU : les gains de productivité n’ont pas bénéficié aux bas revenus (c’est-à-dire revenus inférieurs au revenu médian). Stagnation du bas de l’échelle des revenus. Les gains de productivité ont profité aux propriétaires du K (la part du L dans la VA a diminué) et aux plus qualifiés.

    Cf. L’ouvrage « House of debt[1] » pour une analyse des conséquences macroéconomiques (comme une conso déprimée) de cette stagnation du revenu médian. Attention : la crise ne résulte donc pas, comme certains l’ont cru, d’un problème de surproduction, mais de répartition de la richesse.

    On estime les gains en PIB avec moins de rigidités structurelles (si le niveau de régulation en France était celui d’autres pays) : le PIB pourrait  être relevé de 9 points.

     

    Intervention d’A. DE ROMANET DE BEAUNE

     

    Rappels:

     

    -          Définition de la productivité et place dans la croissance ; croissance extensive ou intensive. Comme l’augmentation du K et L marque des limites, innovation reste comme moteur de la croissance
    -           4 types d’innovations (de produit, procédé, commercialisation et d’organisation)
    -          Si une situation est catastrophique auparavant, la productivité peut exploser sans que cela soit nécessairement positif.

    Ex : Lors de la crise, le BTP s’est effondré en Espagne et ce secteur avait une très faible productivité ; la baisse de la part relative de ce secteur dans l’économie espagnole a donc fait remonter la productivité.

    Au contraire, un ralentissement de la productivité peut parfois signifier un enrichissement de la croissance en emplois (notamment en emplois faiblement qualifiés)

    Ex : enrichissement de la croissance en emplois très peu productifs  au RU par Cameron

     

    Débat : l’innovation, le PT est-il durablement affaibli ou pas ?

     

    -          cf. « Un monde de violence »[2] JH Lorenzi

    -          Pour Phelps, c’est l’innovation qui est à l’origine du déclin économique des pays occidentaux. Plus de déversement de l’innovation dans la croissance. Les TIC sont circonscrites à un unique secteur, incapable d’irriguer l’économie.

    Ex : la loi de Moore (selon laquelle la productivité des puces électroniques doublerait tous les18 mois à prix constant), vraie pendant 20 ans, est aujourd’hui remise en cause.

    -          D’un autre côté, le PT pourrait repartir avec de nouvelles innovations : les nanotechnologies, les biotechnologies et NBIC (cyborg), le développement du numérique, l’éco collaborative (ex : les MOOC) peuvent être de nouvelles sources de croissance.

    -          Cf. aussi le débat entre les luddistes et anti-luddistes

    (rappel : 1811 : l’ouvrier Ludd à Londres s’oppose aux  nouvelles machines à tisser, par crainte des destructions d’emplois. Mais bien avant Ludd, certains redoutaient que l’imprimerie fasse disparaître les copistes)

    Idées néo-luddistes : Crainte d’une substitution trop rapide du K au L. Après que l’agriculture - comme secteur prépondérant- disparaît, les emplois vont apparaître dans l’industrie. Quand l’industrie disparaît, les emplois vont apparaître dans les services. Et maintenant que les services disparaissent au profit des automates et des robots, comment créer de l’emploi ?

    Réponse de l’intervenant : Refusons les innovations néo-luddistes : les besoins des humains sont infinis.

    Ex : dans les aéroports : possibilité de contrôle des passeports par les humains ou un scanner (technologie PARAF). Ce dernier est à développer car cela bénéficie au conso, au contribuable, à la police de l’air qui est moins occupée. Les policiers se sont opposés à la mise en place de ce dispositif.

    Sur le long terme, les besoins de services à la personne et de contacts humains sont tels que les emplois ne disparaîtront pas.

    Réponse aux questions de la salle :

    Remarque d’A. Roulet :

    On distingue 3 types de facteur travail :

    Le L qualifié
    Le L non qualifié routinier
    Le L non qualifié et routinier ou à caractère personnel (ex : relations interpersonnelles pour les agents d’accueil)

    Seul le travail routinier peut être remplacé par du capital. Il faut donc développer les deux autres.


    [1] http://houseofdebt.org/

    House of Debt: How They (and You) Caused the Great Recession, and How We Can Prevent It from Happening Again Hardcover, 2014, A. Mian, A. Sufi

    Résumé de la quatrième de couverture : La récession aux États-Unis a provoqué la perte de 8 millions d’emplois entre 2007 et 2009. Plus de 4 millions de maisons ont été perdues du fait des saisies. Est-ce une coïncidence que les États-Unis aient été témoins de l’augmentation de la dette des ménages la plus dramatique durant ces années, que le montant total de la dette des ménages américains ait doublé entre 2000 et 2007 pour atteindre 14 000 milliards de dollars ? Certainement pas.

    [2] https://www.youtube.com/watch?v=12LTRpMIJRI (pour un résumé en vidéo)